Mes parents étaient d’Aimargues,mon père travaillait la terre, il a gardé toute sa vie les taureaux.
Ce père là est une figure de la bouvino.
En 1916, pensant la grande guerre, Aldebert Jourdan à 16 ans, lorsque la mère de Granon, Anna , l’embauche » Vé Aldebert, tu prends le cheval et tu va retrouver le père à surveiller au Clamadou. Vous mènerez les bêtes au bois des Rièges.
Le jeune Aldebert passe pour la première fois le pont de Sylvéréal à la tête de 500 taureaux et 40 chevaux de monture. Le début d’une longue carrière, Aldebert Jourdan gardera le troupeau , reclus au bois, pendant les deux ans où le père Combet est au front. Le soir il couche aux Saintes, puis repart planter son bâton.

A 19 ans, Aldebert part au régiment dans les hussards.
Ses collègues sont impressionnés par sa bonne tenue en selle.
A son retour, il se marie, s’occupe des toros espagnols chez Sol, quand Granon le rappelle.
Il gardera 8 ans à Bardouine, logeant dans la bergerie du château d’Avignon. Cela signifie sept heures de cheval par jour et 600 bêtes à surveiller.
Et à son retour au Cailar, en saison, Anna, dure à l’ouvrage, l’envoyait trier, encocarder et mener en course. Le fils Pierre naîtra en 1925, six mois après sa sœur. A l’instar d’Aldebert il deviendra gardianoun dont quatre chez Sol avec André Bouix « je ne me suis jamais demandé quel métier faire . Gardian c’était évident. Puis mon père m’a appris à fabriquer des sedens et des ceintures, çà n’est que sur le tard en 1978 que je suis spécialisé dans les selles camarguaises de travail.
Je me souviens que ma première selle était minable »

Si Pierre a appris le travail du cuir des mains de son père, personne ne lui a montrer comment coudre une selle.
Il se met au métier de façon autodidacte, sur les conseil de Meffre le célèbre fabricant de Mas Thibert
« j’en faisais d’avance, mais aussi sur commande, j’achetais du cuir à Arles et des arçons, je commandais des fers. Une selle c’est 100 heures de travail, le plus mauvais c’est la couture, j’ai dû en faire une trentaine en tout, mais ça ne gagnait pas beaucoup, sur les foires je vendais une selle 7.
000 francs au début des années 80.
Il est vrai que je menais plusieurs activités de front : le seden, la ceinture de cuir, la pêche à l’anguille dans les roubines, et la présidence du club taurin Mireïo des Saintes.
Ma femme travaillait à Cacharel pour me venir en aide. »

« J’aurais bien aimé être un jour manadier. Mais un soir pluvieux de novembre, au Cailar, les bêtes étaient énervées, faisaient mine d’échapper et mon père les a enfermées dans le bouvaou.
Granon est arrivé avec son charreton et s’est mis à crier, selon son habitude « Pourquoi tu les enfermes ?
« Une histoire de réboussier comme on en faisait dans l’ancien temps ; mon père a mal pris de se faire engueuler et il est parti, définitivement.
Tous les deux avaient des caractères de chien, même s’ils s’aimaient beaucoup. Allez savoir ?
Arrivé au village, il a dit à Anna « Fais-moi mon compte, je m’en vais » elle a essayé de le retenir, « reste, Fernand à dit toute sa vie que la manade serait à toi plus tard ». Rien n’y a fait. Ils se sont fâchés sur une « couillonige »

Mon père est parti garder chez Henri Aubanel, puis a travaillé la terre.
Voilà pourquoi Pierre Jourdan n’a jamais été manadier, et n’a pas hérité de la manade Granon !!
Il est devenu sellier.
A ce sujet, Pierre, qui n’a pas eu de fils, regrette un peu de n’avoir pu faire passer son savoir à un jeune apprenti « personne ne s’est présenté, a part Meffre et Pujolas, peu de selliers continuent le travail à la main.
J’ai bien peur que le métier disparaisse bien vite au profit des machines.

FCV