Il avait bien souvent rassemblé autour d’elle, dans les fêtes gardiannes et félibréennes, l’escorte de ses plus brillants cavaliers.
Elle vient de lui rendre, en une seule fois , au centuple , en l’escortant dans ses premiers pas vers la grande aventure de la mort.
Rien ne lui aura manqué, pas même d’avoir été veillé par une reine.
Rien n’a manqué, pas même de cette terre de Camargue qu’il a aimé à l’égal de sa bonne ville d’Avignon et dont on entr’ouvrit un sachet de terre sur sa tombe.

De cette terre du Simbèu, grise et légère aux doigts, comme toute imprégnée des senteurs de l’ile amère, chacun pris au passage une pincée et la jeta sur le cercueil.
Qu’elle lui soit légère, comme au temps où, il y suivait au galop entre les Saintes et le Rhône, les traces de ses taureaux.
A ces derniers jours , quand il senti que la fin approchait, et bien qu’il avouât aimer encore beaucoup la vie, deux pensées dominèrent toutes ses préoccupations. Lui que tant de tourments, de tracas et de peines avaient sans cesse harcelé , il n’eut plus que deux soucis.

Il s’inquiéta d’abord de ses chevaux. On lui cacha qu’ils étaient en perdition dans la tempête, que quelques uns étaient déjà morts.
Son visage se rasséréna, « Alors je suis content, mes chevaux sont bien soignés, je suis très content, ils seront heureux »
Au pays inconnu ou les bêtes fidèles retrouvent les hommes qui les ont aimées, Folco, a cette heure, a dû trouver ses cavales amies dont la vie quitta le monde presque en même temps que la sienne.

Sa deuxième inquiétude fut pour le « grand passage » . il s’était préparé à partir très chrétiennement, mais ce départ le tourmente et il disait souvent aux siens et aux amis qui ne le quittaient guère " Es aquèu passage, toutaro coume vai estre que me demande coume vai estre" (2)

Folco notre ami, notre Marquis, notre prince, votre curiosité qu’homme qui a interrogé les astres et s’est enquis des grands problèmes de l’univers vous contraignait à poser cette question. Mais dans votre coeur était déjà la réponse, puisque vous appeliez à vous Les Saintes Maries " li Dono de la mar, à Domo de la barco, nosti Santo". (3)

Vous saviez qu’a votre chevet elles cueilleraient votre ultime souffle et vous tendraient la main pour monter dans leur barque, celle qui si souvent vous aviez escortées au mois de mai. Vous saviez que Marie Jacobé et Marie Salomé vous ferait franchir ce passage, et qu’en arrivant sur l’autre rive vous trouveriez Sarah devant son feu de camp, entourée de toute sa tribu, et vous disant :
" Salut, Marquès ! I a bèn long-tèms que t’espérave..."

FARFANTELLO*