Jour, nuit, à peine séparés. Pas encore les eaux et la terre.
Seul, l’esprit flottant, indécis, sur la vastitude imprécise.
Le premier jour de la Genèse sur ce qui serait la Camargue.

Troublé dans sa toute puissance, comment, se demandait l’esprit,
comment, fluide et inconsistant, signifier la vie a ce presque néant, l’idée, le désir de la vie ?
Ah, mais par l’oiseau, et lui seul !
Lui qui tient de l’air sans lourdeur, de l’espace sans bornes, de l’impensable intemporel.

Comme il avait crié tout à l’heure Fiat Lux, l’esprit, joyeux s’écria :
Va !
L’aile s’ébroua, impatiente, chercha où s’abattre et comprit.
Sûre, elle s’inclina vers ses eaux lourdes de naissances futures,
insista et sable stérile à en surgir dans un élan d’amour.
Un double élan d’amour !
Car si la terre vierge se soulève vers cet envol, l’oiseau enivré se penche vers elle. Juste créée, il l’a élue.

L’aube nacre à la fois les eaux et le plumage.
Bientôt le soleil neuf y allumera la passion. Ainsi, première née, Camargue, insensiblement tu te pares de cent reflets, signifiée soudain par le piqué chantant de cet oiseau, si vaporeux, si volontaire, qui fait sien ce vierge domaine, l’ensorcelant de ses volutes.
Mais créer va par secousses et soubresauts.

L’inspiration a ses flux et reflux ; à l’image de l’océan, miroir et symboles fidèles.
Plus l’effort a été violent, plus lasse et sereine est la paix qui,
fatalement lui succède.

L’ouragan peut bien aujourd’hui écraser la terre en amour,
elle n’en meurt pas, elle lui résiste, même, en quelque sorte, comblée,
elle ressuscite plus belle.