Le programme distribué (...) pour la fête est frappé des armes de l’ Antico Counfrarié di Gardian de bouvino e roussatino . Du passé on n’a rien renié.

L’histoire de la Confrérie se confond avec celle de l’élevage en Camargue. En 1512, ce sont des considérations militaires qui ont poussé à sa création. Les gardians constituent des recrues de choix pour les armées royales et les pastor nourriguié (ainsi les appelle-t-on) alors souhaitent se fédérer pour résister à un enrôlement arbitraire.

Saint Georges, patron des cavaliers et des soldats, attache d’emblée à la Confrérie l’image du bien triomphant du mal. C’est ce symbole que le drapeau reprend très tôt sur fond bleu, puis rouge (couleur conservée lors des restaurations et re-fabrications successives). En outre les trompettes accompagneront les défilés jusqu’au début de notre siècle.

 Saint Georges, patron des cavaliers et des soldats

L’association affiche, dans son acte de création, une vocation d’entraide. Ainsi, il est prévu que la cotisation des membres pourvoie aux messes et aux enterrements des confrères, "s’ils sont pauvres". Les fonds sont augmentés plus tard des bénéfices de la vente de biscuits. Les gardians et leur famille les proposent à la ronde, quelques jours avant la fête. De cette vente, il ne reste aujourd’hui que la coutume d’offrir "les pains bénits" aux autorités.

La date de cette manifestation a changé souvent dans l’histoire récente de la Confrérie. Entre autres vicissitudes, l’Antico Counfrarié a survécu à la Révolution. Sous l’Ancien Régime, chaque corps de métier est organisé en confrérie, sous le patronage d’un saint. Les fêtes abandonnées dès 1789 font une timide réapparition sous l’Empire. Rien, pourtant, n’est comme avant. Dans ces associations, les républicains s’opposent aux royalistes, les catholiques aux laïques et le consensus appartient désormais au passé.

A la fin du X1X""’, les confréries de Saint Véran (association des bergers), des Terraillous (ouvriers agricoles) et de Saint-Honoré (boulangers) organisent encore leur fête mais les gardians interrompent les leurs.

De ses origines jusqu’au début du XIXème siècle, la Confrérie a conservé un équilibre que rompt l’avènement du travail mécanique. Un temps affaiblie, elle va retrouver un nouveau souffle avec le Félibrige.
Du taureau, Baroncelli fait l’instrument qui doit permettre au peuple de Provence de conserver son âme face à l’avancée d’un progrès matérialiste et déshumanisant. Lou gardo bèsti se voit bientôt supplanté par des cavaliers d’apparat qui chevauchent souvent dans les villes, portant en croupe des jeunes filles ravissantes.

 Le cavalier devient chevalier

Le gardian qui vivait seul dans sa cabane, loin de femme et enfants, a vécu. Inexorablement la course camarguaise s’installe au centre de l’élevage en Camargue. Le cavalier est en train de devenir chevalier, mais il ne le sait pas encore.
Le Marquis crée la Nation Gardiane, codifie des jeux gardians qu’il présente comme une tradition perdue. Les hauts cris des historiens n’y feront rien, la tradition ancestrale vient de naître.
Nourrie de ce faste, la fête renaît. Et, curieusement, la constitution de la Nation Gardiane profite à l’Antico Counfrarié.
Les spectacles façonnent une image glorieuse du gardian, mais celui-ci étouffe un peu sous ce vernis qui voudrait gommer l’essence paysanne de la profession. La Confrérie va trouver une de ses raisons d’être actuelle. Elle rattache les gardians à leur histoire.
Désormais, Arles accueil, la fête chaque 1er mai. Ce jour-là, dès 9 heures, les gardians se rassemblent sur le boulevard des Lices. S’y joignent les Arlésiennes des groupes folkloriques qui précédent le capitaine et les prieurs* quand le cortège se met en route vers la place du Forum pour le salut à Mistral. S’ensuit la bénédiction des cavaliers devant l’église de La Major.
Jusqu’en 1954, le point d’orgue des réjouissances était la course. Elle se déroulait sur les Lices avant que le développement urbain ne la chasse vers les berges du canal. L’après-midi est maintenant consacrée aux jeux gardians, dans les arènes.
Le succès de la fête n’éclipse pourtant pas son héros : le gardian. L’Antico Counfrarié constitue son jardin secret. Ce clan fermé partage les valeurs que ni le Pastor Nourriguié du temps de François Ier, ni lou gardo bèsti du siècle dernier n’auraient reniées.

Quand le cortège des cavaliers fend la foule chaque année plus nombreuse, le spectacle subjugue qui le découvre, ravit qui le retrouve. Mais si cordiale que soit la fête, le non gardian ne manque pas de ressentir son caractère d’étranger à la Confrérie. L’association a permis aux gardians de garder leur identité, pense-t-on de prime abord. Pourtant, c’est le contraire.
Si l’Antico Counfrarié di Gardian de Sant-Jorge affiche sans rides ses quatre-cent quatre-vingt-cinq ans (et plus !), c’est que ses prieurs et capitaines successifs n’ont jamais perdu l’amour qu’ils ont de la Camargue et des taureaux. Le même que les Pastor Nourriguié éprouvaient déjà et qu’un demi millénaire n’a jamais altéré.