• Théophile Papinaud de Vauvert, qui s’était pris de passion pour les taureaux, car toujours en contact avec eux, crée sa manade.
    C’était en 1875, il y a de cela plus de 130 ans, aussi nous ne savons pas comment elle a été créée, avec quel bétail ?
    D’un seul élevage ?
    De plusieurs élevages ?
    Il est vrai qu’a l’époque pas de factures, pas d’écrits, presque tout ce faisait verbalement sur parole donnée.
  • On sait seulement qu’il a acheté un lot de 30 vaches à une certaine Rédarès propriétaire à Terre Neuve, dans les environs du phare de l’Espiguette. Le baile gardian de cette femme était surnommé Bamboche.
    Papinaud acheta aussi des vaches reproductrices à Boissier de Nages propriétaire du mas du Sauvage, à qui il lui acheta, par la suite, des étalons.
  • C’était une manade de race Camargue.
    Un désir de nouveauté et de recherche d’amélioration de la race Camarguaise avait poussé Joseph Yonnet à acheter du bétail espagnol du Carriquiri, dès 1869, afin d’insuffler du sang nouveau.
    Tous n’ont pas suivi.
  • Papinaud témoin des premiers résultats plus ou moins probants, décida à son tour de jouer la carte du renouveau et vers 1885, il fit l’acquisition de 4 toros espagnols de race Andalouse, à Nîmes.
    Parmi ces quatre étalons, deux connurent une certaine célébrité en tant que cocardiers : Manjo-Bounet et l’Eclair.
    Ce croisement semble ne pas avoir été une réussite, car Papinaud cessait son expérience d’amélioration de la race par l’acquisition du sang espagnol.
  • A cette époque, il s’installait, l’été, sur les prés du Cailar et l’hiver au mas de l’Esquinau et à Beauduc où les terrains n’avaient pas encore été vaincus par la mer.
  • Aux environs de 1891, Papinaud tente encore une fois d’utiliser le sang espagnol et il fait l’échange d’un taureau contre un ternen que lui fournit Yonnet.
    C’est le dernier essai, qui ne le convainc pas du tout. Il abandonne alors définitivement toute idée d’amélioration de la race par du sang Ibère.
    Il ne cherche plus qu’à avoir du sang Camargue.
    Il parviendra à avoir des animaux de valeur par une sélection sévère. Le nombre de têtes peu après la création de la manade oscillait aux alentours de 300, chiffre respectable qui s’est à peu près maintenu.
    Papinaud pouvait être fier de son travail, de celui de son fils Gustave et de celui de ses gardians.
  • Ses cocardiers étaient côtés, et leurs noms nous sont parvenus auréolés de leur gloire, noms qui resteront dans l’histoire de la Course Camarguaise.
  • Il y a eu Manjo-Bounet et l’Eclair qui fit ses débuts en 1886. C’était un taureau difficile à décocarder en raison de son coup de revers sec et nerveux et ceci dès le début.
    C’étaient deux espagnols, les autres des camarguais : Lou Caveirac, Lou Santen, l’Esquinau, Lou Parpaioun, l’Empeza, Lou Catalan, Lou Caraco, Lou Sabre, L’Envela et L’Estella qui avait été ainsi baptisé parce qu’il portait une touffe de poils blancs disposés en forme d’étoile sur son front, étoile qui avait l’éclat d’une brillante étoile au milieu de la nuit de jais.
  • Il ne faut pas oublier le couple inséparable formé par Lou Roussignol et la Roussignolo.
    Tous deux, à l’instar des pigeons, s’aimaient d’un tendre amour.
  • Le nombre de courses fournies par la manade était parfois élevé. Il y en eut jusqu’à 12 dans la même journée.
    Et à l’époque que des courses complètes.
  • L’activité était des plus grandes. Ainsi lors de la fête votive du Cailar, le lundi 14 juillet 1884, Théophile Papinaud avait dû rappeler au Cailar son baile-gardian Francis Chabaud qui quitta les pâturages du Canet le mercredi avec deux chevaux et arriva au Cailar le samedi après-midi.
    Le dimanche il tria les courses avec son pelot, opération recommencée le lundi 14, jour où il conduisit deux courses, l’une à Calvisson, l’autre à Clarensac.
    Imaginez le travail énorme, harassant qu’étaient les déplacements de l’époque, pas de routes goudronnées, ça n’existait pas, pas de char à moteur, ça n’existait pas non plus, tout à pied ou à cheval.
  • Un de ces déplacements consista à amener une course complète à Perpignan, cela s’est passé pour la 1ère fois au printemps de 1884.
    Par un matin frais de mars, alors que le soleil ne faisait que pointer dans les brumes au delà des marais. Une bonne partie de la manade, la moitié environ puisqu’on comptait 140 tètes de bétail, rassemblées dans les prés du Canet, prenait le départ encadrée par quatre gardians : Francis Chabaud et son père, Guérin, et Chabaud dit "lou Chondre", quand à Gustave Papinaud il ne faisait pas partie de la troupe car, incorporé dans un bataillon de chasseurs à pied, il faisait son apprentissage de la vie militaire.
  • Théophile Papinaud ouvrait la marche assis peu confortablement sur un véritable « tapecul » voiture tirée par un camarguais. En cours de route il faisait fonction de fourrier, d’intendant. Il prenait les devants et recherchait des pâturages, de la nourriture, un campement et un abreuvoir pour la subsistance des bêtes et des hommes.
  • A l’aller, l’itinéraire passait par les grandes cités occitanes, Lunel, Montpellier, Béziers, Narbonne et Perpignan. Les campements se faisaient où on pouvait, où on trouvait, le plus souvent en bordure de route, dans un champ aimablement prêté ou loué par son propriétaire. A Narbonne la manade avait été accueillie dans les arènes et les taureaux nourris avec de la luzerne qu’on leur avait distribuée.
  • Le voyage dura 14 jours.
    Théophile Papinaud installa son monde et la manade dans les meilleures conditions possibles car tous devaient rester plusieurs mois à Perpignan, sept exactement (même bien installés, à cette époque, imaginez ce que cela devait être !). Il put trouver des pâturages au Canet et à St Nazaire. Lorsque les taureaux restaient aux arènes on leur portait de la luzerne.
  • Tous les dimanches avait lieu un spectacle taurin, mais uniquement des courses landaises.
    Les beaux jours finis, la manade reprit le chemin du retour, fin octobre, sous la neige nouvellement apparue. L’itinéraire différent de celui de l’aller fut plus rapide, il empruntait les plages côtières et c’est ainsi que le troupeau regagna le Cailar en six jours.
    En 1883-1884 on comptait environ 140 taureaux au Canet, 100 au Cailar, 60 à la Curaio et 70 à L’Esquinau.
  • Cette expédition à Perpignan ne fut pas la seule, il y eut celle de Paris, moins mouvementée et comportant seulement une course donnée en la capitale en 1887, pour les victimes des inondations du Midi.
    Ont accompagné cette expédition les frères Riey.
  • Mais plus fort encore et ne craignant pas les distances et les difficultés de déplacement, il fit courir à Oran entre 1895 et 1898. Papinaud eut à affronter des difficultés bien évidemment, en 1879 il fut contraint de faire pâturer sa manade en hiver sur des pâturages camarguais, parce qu’un industriel avait décidé de chasser les taureaux de leurs pacages.
  • En Camargue il a pâturé à l’Amarée, au Mas d’Icard , à l’Ylon et au Canet.
    En 1896 le fils Gustave Papinaud et son beau-frère Drouillon succèdent au papé Papinaud et peu après se séparent, Drouillon vendant sa part au marquis de Baroncelli.
    Gustave Papinaud qui continue fait l’acquisition d’un taureau à Yonnet, c’était un étalon qui devint célèbre sous son nom de cocardier : L’Esquinau.
  • Gustave Papinaud en dehors de cette acquisition reste fidèle au taureau Camargue et continue le travail de sélection entrepris par son père aidé de son baile gardian Mathieu Raynaud. Une partie de l’année il enfermait ses taureaux au Cailar dans une remise que l’on peut toujours voir.
  • Gustave devait mourir jeune à l’age de 41 ans en 1903 à la suite d’une maladie qui le terrassa en 4 jours. Son souhait c’est que la manade continuât et c’est Mathieu Raynaud qui prit la suite.
    De 1875 à 1903, plusieurs baile-gardian se succédèrent : Riey et ses fils Prosper, Emile et Ulysse, puis il y eut Francis Chabaud.
Le Caveirac
de la manade Gustave Papinaud (deviendra manade Raynaud)
Au fond, le gardian François Chabaud