Là, au milieu de l’océan coloré des enganes, à l’abri des frêles tamaris, les taureaux vont reprendre leur vie tranquille de l’hiver. Emmenés par le chef de la troupe qui va toujours en avant, ils vont reconnaître les « sansouires » abandonnées depuis plus de 4 mois. Ils s’arrêteront tous, un long moment, pour saluer le coin des terres où reposent des cocardiers célèbres : Le Provence, Le Sangar.

Cette immuable langue de terre, où poussent seulement des herbes pauvres, sauvages, qui conviennent bien aux taureaux, mieux que les vertes prairies du Cailar où la vie est trop facile, trop troublée aussi.

Dans ce coin désert et triste vivent les gardians et les taureaux, pour tout l’hiver un lourd silence couvre la Camargue et l’encercle comme un rideau épais. Seuls viendront l’interrompre les mugissements des génisses, le tintement léger des « sounaïes » , le bruit de la Méditerranée quand elle est en furie.

Au fond, par là-bas, vers le nord , la majestueuse nef de pierres, C’est l’église des Saintes qui se dresse grandiose, orgueilleuse, hautaine. Une cloche égrène gravement un angélus qui arrive lentement, passe par la manade et s’en va plus loin porté par la brise marine.
Tout à l’heure, quand le soleil descendra derrière les dunes pour disparaître rapidement dans les flots enflammés, les taureaux, fièrement, dresseront la tête et, les cornes droites vers le ciel, ils salueront leur dieu, le dieu de la course, Mithra.

Maintenant la nuit est tout a fait venue sur la grande plaine. Le silence est plus grand encore. Les enganes et les tamaris se noient dans l’obscurité. Les taureaux , gravement, pensifs s’en vont comme des ombres se cacher dans la nuit.

TAMARISSO