Dans des conditions qui relèvent aujourd’hui de l’inimaginable, voire de l’inconscience, un jeune homme issu du pays de Gallician foulait pour la première fois le sable des arènes et non des moindres : Nîmes.
C’était en 1953, et ce "farfelu" allait devenir un des meilleurs gauchers de tous les temps.
Quoi de plus normal, quand on a eu comme premier tourneur Julien Rey, dit " le fondu "...

 Inconnu dans les arènes de Nîmes !

Comme n’importe quel adolescent de l’époque, Roger Pascal participe aux courses de village, notamment pendant les fêtes votives.
A l’occasion d’une course de vaches emboulées en nocturne, le jeune novice rencontre J. Cabanis. Devant la facilité avec laquelle Roger passe les vaches, ce dernier lui propose de l’accompagner à la finale du Trophée à Nîmes et de marcher au " fade* ".
Roger évoque avec un large sourire son premier attribut levé à 20.000 F., c’est à dire 200 F. de nos jours (30,50 € NDW), au taureau Sangar de Laurent. En toute hâte, J. Cabanis monte alors à la présidence pour donner le nom du jeune raseteur inconnu !
Et bien lui en prit puisque celui-ci a coupé par la suite la cocarde de Menteur et décocardé dans sa totalité le taureau Lopez du manadier Thibault.
"Bien sur à cette époque la course était libre, c’est à dire ouverte à qui voulait descendre dans l’arène pour raseter. Je me souviens, lors des finales il y avait parfois jusqu’à 40 raseteurs en piste... "
Après cette course mémorable dans les arènes nîmoises, Roger Pascal fut considéré comme la révélation de l’année 1953 et réalisa comme on s’en doute une saison pleine l’année d’après, et au cours de celles qui suivirent.

 Souvenir de bioù

L’ancien raseteur évoque le célèbre Vovo qu’il a eu la chance de combattre sur sa fin de carrière :
"Depuis, aucun bioù n’a fait preuve d’une telle puissance. Vovo ne sautait pas, il traversait les barrières, pliait les piliers, brisait même, les travettes à Lunel. "
Dans un style différent, Roger cite Gandar de Blatière, Evêque et Régisseur de Reynaud, Gobelet, Montago, Mario, Cosaque, Virgile et autres Juif de Lafont. Pour lui, les taureaux étaient bien meilleurs et il explique aussi les raisons de cette évolution en quelques phrases :

"Les taureaux couraient uniquement dans les plans de charrettes et intégraient la royale à sept ans. Les arènes étaient construites différemment. Les raseteurs ne pouvaient s’accrocher partout comme aujourd’hui. Il fallait calculer avant de partir sur un raset. Actuellement raseter est devenu un automatisme du fait que le taureau peut être passé sans risque. "

D’après Roger, il existe encore de bons taureaux, mais la transformation des arènes et l’évolution du raset qui a suivi ne leur permet plus véritablement de dominer le combat : (...)

 Raseter avec les copains...

De toute évidence, l’ambiance était excellente entre les raseteurs... Que ce soit avant, pendant ou après les courses !

Le maître mot : raseter !

Roger explique que les tenues blanches faisaient moins cas du taureau. Peu importe la taille, la forme des cornes, le coup de revers, l’objectif de tous était : "le plumer !" ou bien "mettre le taureau en pepetas" selon l’expression favorite de Falomir !
Nul doute que les engagements étaient moins importants qu’aujourd’hui ; l’argent venait se prendre sur la tête des bioù.
A ce sujet, Roger décrit les repas de fin de saison aux Marquises en compagnie de Paul Laurent.

"Avant de passer à table, Paul nous présentait la nouvelle temporada, énumérait le nombre de courses (environ 400 par an), les pistes, nos engagements, et tout cela de mémoire, sans jamais aucun carnet. Il ne se trompait jamais. Canto, San-Juan, Soler et moi-même étions très impressionnés. "

Raseteur : Francis San Juan

Plusieurs fois dans la saison, des festivals étaient organisés et régulièrement les As demandaient à de plus jeunes raseteurs de participer.
Il se créait alors une émulation entre les anciens et les jeunes. D’autre part, cela permettait aux nouveaux venus de se faire connaître plus rapidement auprès du public, mais aussi des organisateurs et des manadiers.

 Le "carré d'As " : une belle complémentarité

L’association des quatre plus célèbres raseteurs de l’époque faisait un malheur dans les pistes de Provence et du Languedoc.
On en devine aisément la raison.
En effet, chacun avec son style propre animait l’ensemble des courses. Rasets arrêtés, qu’ils soient pleine piste, ou bien dessinés à deux mètres du taureau, rasets droit à la tête ou plus enroulés selon le biais du bioù, travail au pied de poule, les quatre raseteurs offraient une vaste palette de ce que doit représenter "l’art du raset ».

Ainsi, Roger décrit les particularités de chacun : "

  • San-Juan, c’était l’homme de la bourre, très athlétique, il passait n’importe quel bioù.
  • Soler préférait les rasets d’attaque, véritable cascadeur, il prenait arrêté tous les taureaux.
  • Canto, lui, avait l’art de chercher le taureau sur son terrain pour mieux l’amener dans son raset. Seul problème, il manquait de réussite à la tête pour lever l’attribut.
  • Moi (Roger PASCAL), j’observais ce travail d’équipe, mon biais était différent des trois autres. J’aimais bien les rasets longs dessinés depuis les planches.
    Ensemble nous étions très complémentaires".

     La course camarguaise : un tout

    Selon Roger (dit Béchique pour les intimes !), il ne faut plus choisir la facilité en privilégiant les taureaux spectaculaires au détriment d’autres plus classiques, comme ce fut le cas pendant des années.
    Les cocardiers classiques demandent plus d’expérience, une meilleure connaissance et beaucoup de technique pour les raseteurs.

La course est un tout, qui trouve son intérêt dans les différentes manières d’aborder les cocardiers.

Les écoles taurines permettent d’améliorer le raset, de conseiller les plus jeunes même si, comme le rappelle fort justement Roger : " Le biais des taureaux, c’est inné, tu le possèdes dès la naissance ".

Le Palmarés de Roger Pascal*