Vent sur la Camargue

O ma Camargue échevelée
Sous les rafales du Mistral !
Ta saladelle dentelée
S’est fanée au souffle brutal.

L’engane grasse se trémousse,
Tes tamaris sont tout penchés,
Sur ton sol dépourvu de mousse,
Les chatons gisent arrachés.

Et tu vois s’assécher la lône,
Où venait se mirer ton ciel.
Le flamand surpris abandonne
Son étang, qu’envahit le sel.

En sifflant sur les roselières
La tempête tord les plumets.
Oh ! Cette plainte singulière,
Qui semble sortir d’un archet !…

Battant l’air de ses ailes grises,
Tourne et s’affole un goëland ;
Dans l’espace où le vent s’épuise,
L’écume en poudre se répand ;

Les chardons trop mûrs éparpillent
Leur duvet mauve sur les joncs,
Et l’on croirait qu’une faucille
Les a couchés de long en long !

La cabane en roseaux fragiles,
Au chasseur offre l’abri sûr,
Où résigné, son chien docile
S’attribue un recoin obscur

La nuit point et le vent s’enrage.
Homme et bête acharnés au but
Dans le barcot du marécage
Vont se poster pour un affût.