CHRONIQUE D’UN SACRE
La Fête du Ruban de ce premier dimanche de juillet 1999 revêt un caractère particulier. Arles couronne sa reine. Le ballet des ombrelles et le frou-frou des robes gagne petit à petit le théâtre antique. Sous un soleil alors au zénith, le maire de la ville prononce les mots traditionnels : "Pople d’Arle, veici ta reino !"
Sous l’ovation elle avance et chacun devine l’émotion qui l’étreint. C’est le rêve de tant de jeunes filles d’Arles qui prend corps étape par étape pour Aurore Guibaud. Son histoire de reine ne commence pas comme souvent, par "déjà toute petite..." Dans la famille, personne ne porte le costume. Enfant elle participe pourtant à quelques défilés grâce à Nicole Ribaud. L’élection de Sabine Mistral va provoquer chez Aurore un engouement de plus en plus fort pour le costume. Cette passion détermine cette étudiante en droit à concourir pour devenir la dix-septième reine d’Arles.
"Outre le plaisir d’avoir été c h o i s i e , explique Aurore Guibaud, j’ai la satisfaction d’être arrivée là par ma volonté personnelle. Je n’ai pas été motivée par le souhait d’offrir à une personne proche la réalisation d’un rêve qu’elle n’aurait pu réaliser. Ma mère ni ma grand-mère ne portent le costume. C’est ma passion seule qui a nourri ma volonté. "
Pour autant, elle n’oublie pas ceux et celles qui l’ont aidée. Voici trois ans, elle rejoint L’Etoile de l’Avenir. Ce groupe folklorique ancien, puisque fondé en 1906, offre aujourd’hui à Arles sa reine. Carole Testard, demoiselle d’honneur de Géraldine Barthélémy, a beaucoup aidé Aurore de ses conseils. Enfin, c’est à Nicole Ribaud qu’est revenu le privilège d’habiller la reine pour la cérémonie solennelle de ce premier dimanche de juillet, couronnement aussi pour l’entourage.
Aurore pense-t-elle ce matin aux événements qui se sont succédés depuis le printemps ? La sélection remonte à peine au mois d’avril : épreuves écrites portant sur la connaissance du costume, des écrivains et de la langue de Provence, questions pratiques, délibérations du jury... Tout ceci a conduit à une présélection de sept candidates : Sandrine Favier, Véronique Blanc, Françoise Boymond, Julie Granier, Nathalie Marin, Isabelle Montfort et Aurore Guibaud. Parmi elles se trouvait la future reine. On ne saurait son nom que le jour de la Fête des gardians.
Premiers instants inoubliables... "Le l er mai, quelques instants avant que les gardians n’arrivent à la mairie, on m’a annoncé que j’avais été choisie, se souvient Aurore. Avant même de réaliser, je me suis retrouvée sur le balcon qui surplombe la place de la République. Quelle émotion ! Tous ces gens que je ne connais pas et qui sont venus pour moi...
J’ai retrouvé la même sensation le jour du couronnement, lorsque j’ai traversé la ville à cheval avec Edmond Ribaud. Bien que, à ce moment je sois un peu obnubilée par le discours que j’allais avoir à prononcer, qui m’occupait l’esprit depuis le mois de mai. "
Sans doute les détails de la journée reviendront-ils par bribes à la mémoire d’Aurore, quand la charge émotionnelle de ces instants aura un peu baissé. Pour nous, spectateurs, la magie de la cérémonie ne s’effacera pas de sitôt.
Tout ce que Mistral chantait et glorifiait en son temps s’est une fois encore donné rendez-vous sous le brûlant soleil de juillet, élément essentiel de la fête. Aux groupes folkloriques venus des quatre coins de la Provence mais aussi du Languedoc, se sont joints les représentants de la Nation Gardiane et de la Confrérie des gardians.
A l’issue des défilés, Sabine Mistral, accompagnée de Rémy Venture, prononce quelques mots qui clôturent son règne. Dans quelques instants, Arles et la Provence acclameront Aurore sous 1’œil bienveillant des autorités civiles. La reine d’Arles réconcilie la monarchie et la république...
Il y a de cela une dizaine d’années, un dirigeant des papeteries Etienne à Trinquetaille, offre à la ville les bijoux que porteront les reines successives. Jacques Colombet vient alors de perdre son épouse. Il choisit de voir ses bijoux portés à nouveau. Annick Ripert sera la première à arborer cette parure que les reines d’Arles se transmettent depuis, lors d’une cérémonie officielle. Leur valeur matérielle serait-elle quelque chose sans la charge émotionnelle qu’ils renferment ?
Aurore Guibaud en a conscience. Quand on lui demande si elle a des projets, des souhaits particuliers, elle explique : "Je veux œuvrer dans la continuité de celles qui m’ont précédée. Faire aussi bien qu’elles. Ne pas décevoir les Arlésiens... Je vis un rêve. Que demander de plus ?" Pourtant, la deuxième reine blonde* de la ville aimerait bien que le couturier Christian Lacroix ait à nouveau l’idée d’associer les Arlésiennes à un défilé de mode comme il l’avait déjà fait avec Annick Ripert...
Souhaitons-lui ce bonheur. Reine sans royaume peut-être mais pas sans sujets. C’est avec elle que la Provence de Mistral et de Lelée abordera le troisième millénaire. Arlésiens de cceur réjouissons nous !...
Article de Georges LIS paru dans LA FE de BIOU - N° 26 - AOÛT 1999