"Tout près, SALIERS, au bord de la route des Saintes.
Un mas, où dès l’aube, lorsque la saison des courses commençait, régnait une grande animation. Gardians et chevaux, s’activaient pour aller trier les bêtes dans les prés touts proches. Vous étiez dans l’antre des THIBAUD, une manade qui dans les années 50 faisait la une de la rubrique des courses camarguaises. La royale étant une des meilleures de l’époque, aussi était-elle très demandée par les clubs taurins et les organisateurs.
BICYCLETTE, POETE, GOBELET, LOPEZ, FELIBRE, VALLABREGUANT, voilà la composition de ce superbe ensemble.

 Leur origine

C’est en 1931 que Jean Barthélemy THIBAUD, Manduellois d’origine et fervent admirateur du Marquis, décide de créer sa propre manade.
Il acheta des vaches et des taureaux à AUBERT du Petit BADON, les installa au Mas de l’Hôpital à PORT St LOUIS du RHONE.
C’est en 1937 qu’il part pour SALIERS.

Quelque temps plus tard, il acquiert la manade MISTRAL* et son célèbre FRISÉ, un cocardier réputé à cette époque.

Ces taureaux étaient de pure race Camargue et venaient de l’élevage SAUREL, dont les bêtes provenaient de chez BERANGER.
Pour compléter sa manade, Jean THIBAUD se rendit acquéreur de vaches achetées au MARQUIS, ainsi qu’à NOU de LA HOUPELIERE, utilisant des étalons de BILHAU.

Bien vite les résultats furent au rendez-vous.

Dans les années qui suivirent, une grande royale allait voir le jour et être une des plus sollicitées, cela pendant dix ans.
BICYCLETTE, sortait premier, c’était un taureau dur possédant un grand coup de revers. Un routinier des pistes en plus.
POETE, beaucoup plus facile, franc, répondant bien, agréable à raseter pour les hommes.
GOBELET, difficile de lui toucher la tête, car il était très rapide et savait anticiper, en plus il avait les cornes très serrées. Il participa en 1955 à la Cocarde d’Or où seuls PASCAL, DUPONT et VOLLE s’inscrivirent au palmarès en coupant, enlevant la cocarde et le 1er gland.
FELIBRE, lui aussi, en 1950, participa à cette compétition. Doté de grandes cornes il était dangereux car il coupait le terrain et savait être barricadier lorsqu’il le fallait.
VALLABREGUANT, terminait la course de façon agréable. Toujours prêt à répondre à un raset. Brave, il savait malgré tout se faire respecter.

 Lopez : pourquoi ce nom ?

Cette royale avait la chance de posséder un cocardier de grande classe, un pur produit de cette jeune manade.
Né en 1946 dans les pâturages du BOURDET, entre SALIERS et ALBARON, ce taureau se révéla de façon curieuse.
Lors d’une de ses sorties face aux charlots de la troupe EL GALLO, il mit à mal Julot LOPEZ.
C’est sous ce nom-là qu’il allait en 1951 faire ses premières courses.
Bien vite il sut démontrer sa valeur, sa carrière prenait son essor. Il allait s’imposer comme un des meilleurs. Craint par les raseteurs, il était un compétiteur hors pair. Il enchaînait sortie après sortie sans montrer de signes de fatigue. Combatif, avec une vitesse d’anticipation étonnante qui lui servait à éviter l’avalanche de rasets.
Il savait enfermer ses adversaires. A ce moment, à la barrière, il devenait très dangereux.
Il était très demandé et avec lui, naturellement, toute la royale.
Cinq participations à la Cocarde d’Or, 1955 - 56 - 57 - 58 - 59, où les hommes lui enlevèrent seulement cinq cocardes et trois glands. Il rentra plus de 200 000 francs d’attributs, une petite fortune. Une constatation, ce n’est pas d’aujourd’hui que les ficelles restent sur les cornes.
Il fut également désigné meilleur taureau de la Palme d’Or.

Ce taureau ne déçut jamais, pourtant ses adversaires étaient de valeur. VOLLE, FIDANI, les frères DOULEAU, SIMIAN, sur la fin SOLER et FALOMIR, du beau monde. Cette royale et son cocardier vedette se produisit avec bonheur dans les pistes languedociennes et provençales, grandes ou petites. Au hasard citons de grosses prestations à NÎMES, BEAU-CAIRE, St GILLES, SOMMIERES, St GENIES, sans oublier ARLES. Peu à peu, LOPEZ était devenu un "grand" taureau.
En 1958, à l’âge de 12 ans il se voyait récompensé par le Biòu d’Or, un honneur bien mérité, un cocardier de classe venait d’être couronné.

 Le déclin

Hélas, les ans étaient là, peu à peu cette royale déclina car il était difficile de renouveler un pareil ensemble. Il est vrai que la manade avait connu le malheur avec le décès de Denis THIBAUD en 1955 dans un accident de la circulation, une grande perte.
Il avait été à l’origine de la carrière de LOPEZ " son enfant".
Il était un homme de bouvine hors pair, ainsi qu’un cavalier émérite. Il n’avait pas son pareil pour faire rentrer, avec le trident, un taureau récalcitrant.

MANDUELLOIS, un espoir qui promettait beaucoup, allait voir sa carrière, stoppée par une vilaine blessure à l’oeil. Ce cocardier avait de qui tenir, il semblerait que son géniteur ait été VOVO. Lorsqu’on le voyait en piste, la ressemblance était flagrante. Même méchanceté, même façon de combattre. Cela ne pouvait tromper.
Là ne s’arrêtent pas les malheurs pour cette manade.

LOPEZ qui avait été mis à la retraite, allait connaître une mésaventure qui eut pour lui des conséquences fatales.
Une nuit, il tomba dans un " lauron* ". Malgré toute sa volonté il ne put s’en sortir, il fallut l’aide de gardians parmi lesquels se trouvait un de ses adversaires de piste, VOLLE. Certes, cette assistance allait le tirer de ce mauvais pas, mais trop d’efforts fournis provoquèrent une crise cardiaque.
C’était en 1961, LOPEZ avait quinze ans. Tous ces drames furent bien
lourds à supporter.

Il est certain que la devise BLANC, NOIR, ROSE, n’est plus une des meilleures, mais les THIBAUD sont décidés à retrouver l’élite. Dans ce milieu, la patience est un facteur de la réussite. Je crois que nos manadiers actuels en ont tous."