La disparition de Jean THIBAUD est grandement ressentie au mas de Saliers.
Ici, il faut rendre hommage à sa veuve, dont le courage et l’opiniâtreté lui permirent de faire front à l’adversité. Elle sut conduire la manade avec son fils Max, pourtant absorbé par d’autres occupations, et surtout par ses deux petits-fils, Jean-Pierre, fils de Denis et Daniel, fils de Max.

La manade quitte les zones hautes de la vague.
Le sort s’acharne sur elle.
La maladie provoquée par la pollution des eaux qui favorisent l’infection, se généralise et se porte aux yeux des taureaux : le mal blanc [1].

Au cours de cette période plutôt sombre, il y a cependant un rayon de bonheur, c’est la venue du sourire d’une jeune fille, celle qui devait devenir la toute gracieuse Madame Daniel THIBAUD.

La bénédiction nuptiale leur est donnée en 1968 à Saint-Trophime et devant l’émouvant portail roman, les jeunes époux ont eu les honneurs rendus par les gardians, trident en avant, qui ont fait la haie traditionnelle.
C’est avec le printemps, une nouvelle aube pour le manadier qui allait se trouver bientôt à être seul à conduire les destinées de la manade.

En effet, Max, en l’an 1969 cède sa part à Mathieu, qui, peu de temps ensuite vend à son tour ses taureaux à la manade des Erbé, avec entre autres, Joli Cœur.

L’année suivante (1970), Daniel reprend la manade à son compte et c’est seul que désormais il sera à affronter le destin, aidé, il va de soi, par son épouse et également par la toujours alerte Madame Vve Thibaud.

Pendant les quelques dernières années soixante, il n’a pas été question de présenter véritablement une royale. Il y avait bien, encore en 1966 Caraque et Comme soi, mais hélas ! trop isolés.
Pour vivre, il avait fallu trouver quelque chose et les Thibaud se sont alors tournés vers les chevaux, ceux qui leur restaient.
Ils ont organisé des promenades à cheval.
Une sorte de ranch avec restaurant, a été installé à l’entrée de Saliers, sur la route d’Albaron. Le site agréable et accueillant s’anime et les clients satisfaits de leurs courses à travers les enganes, le disent et reviennent souvent, comme encore ils savent si bien s’y retrouver.

Ce labeur, plus dur que ce que l’on peut croire, ne fit pas pour autant délaisser les taureaux, qui soignés, croisés, sélectionnés permirent rapidement à Daniel d’entrevoir un avenir plus lumineux.
Déjà une première satisfaction lui fut donnée au cours d’un des hivers des plus rudes de la Camargue, celui de 1970-1971.
En effet : malgré la neige et le froid il n’eut à déplorer la moindre mort, alors que, dans certaines manades, il y avait des victimes, parfois nombreuses. Les bêtes avaient été hivernées au Bourdet, où il avait fallu les arriber.

Au lendemain de ces mois de froidure, Daniel Thibaud put donner des ferrades et parvint à aligner suffisamment de taureaux pour présenter une première royale : Gaby - Tamarisse (ils avaient cinq ans) et d’excellentes vaches comme Envelade et Garonnaise.

D’un autre côté, des chevaux étaient présentés à Arles où Eclair et Vaccarés furent distingués et primés.

L’année 1972, les toutes premières promesses se précisent.
Au mois de Mars, Couet fait ses débuts, remarqués à Vergèze. Couet doit son nom à un chien loup par trop vindicatif qui, d’un rude coup de gueule, lui coupa et emporta la queue.

A côté de Couet, on note la présence de Violet, de Tastevin, de Salier, Gobelet, Nîmois et Baruleur. La devise Blanc, Noir et Rose se relève et flotte plus allègrement, prenant le bon départ.

Bon sang ne trompe jamais en matière de bouvine.
L’année 1973 allait en faire une démonstration nette avec la manade Thibaud restée dans l’ombre durant un bon lustre. Ce réveil éclatant a lieu lors de la course de classement de la grande Coupe de France des Manadiers à Vauvert.
A cette course ,Daniel présentait trois de ses pensionnaires : GOBELET, qui s’était grandement fait applaudir déjà le 29 Avril à Aigues-Vives - POLLUX et COUET. Ils devaient affronter ceux tout aussi excellents des Frères Georges et Jean RIBAUD d’Arles.

Pour ces éliminatoires brillamment enlevées, POLLUX fut le maître artisan. Etalon rapide, il n’hésitait pas à aller chercher, loin devant lui, son homme qu’il forçait à sauter en barrière. Couet fut lui-même ainsi que Gobelet qui s’élança plusieurs fois jusqu’aux barrières.

Qualifiée pour disputer les quarts de finale, la manade Thibaud affrontait celle d’Espelly le 1er Juillet à Beauvoisin où l’on retrouve Couet, Gobelet et Pollux.

Le dimanche 26 Août, cette fois à Salins de Giraud, la demi-finale du Trident d’Or met face à face les manades Daniel Thibaud et la manade Ribaud.
Couet et Pollux sont toujours là mais Gobelet a été remplacé par le rapide Tastevin et c’est ensuite la finale à Aramon.
C’est surtout l’apothéose, puisque Daniel Thibaut enlève le Trident d’Or 1973 avec, à cette ultime compétition : Couet - Tastevin et Pollux, qui disputent le trophée à Saint-Rémois - Ringo et Galinier de la manade Chauvet.

La remise des prix eut lieu au Centre de la piste, comme il est fait traditionnellement, mais aussi comme nous avions déjà vu en 1962 à Grand Gallargues où Daniel et Jean-Pierre Thibaud avaient reçu la Coupe révélation du Trident d’Or.

Daniel Thibaud peut être fier de son travail et de celui, efficace de sa femme Françoise, sans oublier sa grand-mère aux conseils toujours précieux.
Sa royale ?
Il l’a produite, toute menue, peut-on dire en 1973, composée de Gaby, Tamarisse, Pollux, Couet, Nîmois, Tastevin.

Il y a de jeunes espoirs : une série de ternains : Malabar, Envela, Bordelais (celui-ci fit de bons débuts dans cette ville) et Larquet qui débuta à Cabannes et dont les belles qualités se confirment de jour en jour.

La Manade a glané encore d’autres lauriers. Elle a été notamment classée à la deuxième place à la coupe révélation du Trident d’Or (Couet).

La Royale a fait une bonne année de début. Partout où elle a été, la présentation a été remarquable. Voici succintement ce que l’on peut dire des principaux pensionnaires :
—  GABY - Trop franc, ne refuse aucun raset, n’a pas beaucoup couru et se laisse déshabiller encore quelque peu aisément.
—  TAMARISSE - Emule de Bicyclette est un bon et vaillant premier qui ne ménage pas les coups de revers.
—  POLLUX - Difficile à raseter, doit être sollicité et provoqué de face. C’est un étalon qui n’hésite pas à foncer et avec rapidité.
—  COUET - Dont nous avons parlé, est un cocardier de très grande classe qui pousse comme à plaisir les hommes aux planches. Il excelle aux coups de revers.
—  NIMOIS - Ce cocardier fait un bon travail.
—  TASTEVIN - Ainsi nommé à la gloire de nos crus car il fit ses débuts à Châteauneuf-du-Pape. C’est un taureau gai (avec le vin cela se conçoit), vif, rapide, répondant à tous les rasets.

La manade Daniel Thibaud ne peut que faire parler d’elle avec ses taureaux de classe. La période d’ombre vient de s’éclairer.
Il y a bien eu encore un coup du sort.
Le 28 Octobre 1973, alors qu’il triait les anoubles, pour terminer une opération de marquage, Daniel Thibaut fait une chute et se blesse à la jambe.

Il reste à souhaiter que l’année 1974 soit exempte d’accident et surtout que continuant sur une belle lancée, la manade Thibaud s’élève encore vers les honneurs.

A côté des manadiers il faut saluer le dévouement du Bayle-Gardian, Louis CHAGNOLLEAU qui et ce n’est que justice a été lui aussi récompensé au cours d’une belle cérémonie à Saint-Gilles du Gard.
Louis CHAGNOLLEAU est souvent accompagné de son fils Paul.

Les gardians amateurs sont nombreux au domaine de Saliers, et ce sont :

  • Jean-Pierre RAVEL
  • Claude CHABAUD
  • Bernard CAYON
  • Paul BARMI
  • André VACQUETTE et Louis MASSOT de Saint-Gilles
  • Vincent FELIX de Garons
  • Gilles MEFFRE d’Aramon
  • Jacques THEROND de Nîmes
  • Sylvie BOURGUET de St-Géniès de Malgoires
  • Michel GAISSADE et
  • François AMPHOUX de Générac
  • Christian LAM de Saliers
  • Bernard LERMEL de Marseille
  • Michel BENEDETTI
  • Paul LAFUENTE.

[1le mal blanc :
- piétain, clopin, pesogne, piété, panaris, mal blanc, pourriture des pieds, crapaud, etc. ; par M. Favre, vétérinaire
- douleur de pieds comme le panaris, appelé aussi mal blanc chez nous. Le pied devient rosé, voire rouge. C’est chaud, gonflé et douloureux. Cela pourrait peut-être passer tout seul, en 15 jours, mais je (Bruno Chagnon, éleveur de Charolaises dans le Cher.) NdR préfère soulager tout de suite. L’animal a si mal qu’il ne pose parfois même pas la patte alors je traite et n’hésite pas à recourir à un anti-inflammatoire. »