Un article de Lucien André publié en 1973.

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Le domaine des Fontanilles dans la Petite Silve engourdi par les froids de l’hiver secouait sa torpeur au cours de l’Avril lorsque «  La Moustelle » mit au monde un drôle d’anouble qui fut aussitôt appelé « grandes banes ».

Son père présumé - dit-on mais au fait pourquoi pas ne serait-ce pas lui ? - Vanneau était illustre tout autant que la mère. Vanneau faisait parti de la royale de BLATIERE avec à ses côtés, Ragot, Vauverdois, Mecano, Caraque et Dur...
Cette Royale était remaniée en 1947 avec à la place de Ragot et Dur, deux nouveaux venus, Mioche et Gandar.

GANDAR avait débuté en Août 1945 aux arènes de Mauguio.

Sa course avait été moyenne sans plus et surtout le fatigua énormément. Il en revient en effet boiteux des postérieurs, les jarrets peu solides.
Ce taureau déjà quelque peu défavorisé par la nature, était bien Grandes banes et il fut à un certain moment question de le faire abattre.
La nature, marâtre n’en soigne pas moins ses créatures et Grandes banes devenu Gandar parvint au bout de quelques mois à marcher normalement, sa boiterie n’étant même plus un souvenir pour lui.
Il ne reste pas inactif durant la saison mais peut-être plus encore par une force de son caractère qu’il fut vivement distingué aux arènes de Vauvert le 11 novembre 1946. Là il fait une course des plus remarquées et déjà fait preuve de qualités qui iront en s’accentuant et s’affinant.

Donc en 1947 il fait partie de la Royale et dès le début de l’année il se fait applaudir, notamment à Lunel pour les fêtes de la Pentecôte où il émerge aisément d’un lot de jeunes taureaux, développant maintes attaques surtout sur les gauchers.
Lors de la course du « Gland d’Or » à Châteaurenard le 31 Août 1947, Vignon écrit de lui pour la première fois : «  Ce jeune cocardier fait de réels progrès et se révèle l’espoir de la manade Blatière. Il est redouté des hommes qui ne l’attaquent qu’avec prudence, il rentre avec la musique de Bizet, sous une ovation générale...  ».

1948 est la grande année des débuts de Gandar.
Partout il obtient un succès remarquable et son nom commence à se répéter. Les critiques taurins sont unanimes pour louer ce cocardier.
Après St-Gilles Caraque et Gandar lit-on furent remarquables, formidables. La présidence réclama dans le rond la présence des très sympathiques fils de Blatière. Fredo et Arthur pendant que l’air de Carmen retentissait en l’honneur de la devise de la manade, sous les applaudissements unanimes des spectateurs.

En 1949, Vignon écrit : « Je ne voudrais pas une nouvelle fois décrire les qualités de cet excellent cocardier que tous connaissent. A Nimes il ne fut attaqué sérieusement. L’émotion était à son comble et l’air du toreador qui retentit quatre fois était couvert par l’ovation grandiose du public. La course formidable de Gandar me procure la joie d’ajouter « Bravo taureau, bravo les hommes  ».

Après le succès de Lunel, le 2 Juin 49 il est écrit : « Gandar se défend fantastiquement et reste le maître de la piste ».
Le résultat était une crainte au regard de Gandar et nous lisons au 10 Juillet 1948... " A son habitude GANDAR put se promener tranquillement tout autour de la piste. Il fut peu travaillé, les hommes le razetant avec prudence..."

Le 29 Octobre 1949 : « Dès la sonnerie d’attaque, Geniés le cita. Le raset fut magnifique, la poursuite serrée et le coup de barrière qui suivit fantastique. Gandar jetant Geniès au-delà des planches et passant presque la moitié du corps dans le pourtour, cette enfermée déchaîna l’ovation qui ne fit que s’amplifier jusqu’à la fin du combat. Cette action loin de décourager les gauchers, les stimula au contraire...
En effet, GANDAR attaquait bien plus fortement sur la gauche.
C’est durant cette course aux arènes de Lunel que Gandar blessa Volle qui avait manqué son saut à la barrière.

Les poètes ne manquent pas de célébrer les taureaux en général et les as en particulier.
GANDAR est chanté comme bien d’autres et il est déclaré l’as des cocardiers en vers pas toujours poétiques, malgré la forme.

En 1950 GANDAR est considéré comme étant et de loin la grande vedette n° un.
Le 25 Septembre 1950 la super Royale de Blatière triomphe devant un public nombreux aux arènes de Nîmes. Gandar y fut le maître de la piste et rentra sa cocarde. C’est au retour de cette course qu’eut lieu l’accident du passage à niveau de Vauvert * .
Un autorail projeta au loin le char qui ramenait le bétail. Des taureaux furent tués et les autres blessés, parmi ceux-ci GANDAR qui s’enfuit aussitôt après à travers champs...
Epuisé par la fatigue et ses blessures il s’était écroulé au mas de la Ville (près du Cailar). Le Gardian Bayle de chez Montaud-Manse trouva à cet endroit GANDAR et les deux autres taureaux qui l’avaient suivi.

La corne droite de Gandar avait été arrachée presque entièrement et il se tenait difficilement debout.
Il avait eu deux côtes cassées et les tendons de la patte arrière touchés. Gandar avait perdu beaucoup de sang et c’est en piteux état qu’il fut ramené à la manade le surlendemain de l’accident.
Quel allait être son avenir ?
Les craintes furent des plus vives.

Pendant deux mois Gandar fut l’objet de soins attentifs et constants dans son étable de Vergèze où il resta l’hiver durant afin d’être à l’abri des intempéries. Inutile de dire combien il fut alimenté avec ce qui était le meilleur pour lui.

Les soins et la nature, cette nature qui n’avait déjà pas comblé le cocardier, lui permirent tout de même de reprendre le dessus. Les forces de Gandar lui revinrent et les deux longs mois de faiblesse furent ensuite oubliés après un hivernage douillet.

Et le 15 Avril 1952, il faisait à nouveau sa rentrée sur la piste des arènes de Lunel à la grande joie de tout un public qui avait tremblé pour sa vedette.
Cette reprise permettait à tous de revoir le Gandar d’antan.
Il n’en fut toutefois pas moins ménagé la temporada durant.

Les soins, Gandar les avait largement mérités, d’ailleurs nul ne les regretta car la suite de sa carrière ne fit aucunement sombrer les espoirs placés en lui. C’est grâce à ce cocardier que la manade put maintenir son rang et connaître tant de succès.

La classe de Gandar revient, et le 3 Août 1952, Mario titre :« A Châteaurenard, Gandar triomphe avec facilité, ajoutant...
Nous avons vu le Gandar des grands jours, enfin un cocardier qui ne se promène pas inutilement, mais qui au contraire recherche le travail qu’on ne lui fournit pas hélas... et comble d’ironie :
Faudra t-il supprimer la deuxième corne de Gandar, pour le voir enfin raseter un quart d’heure durant ? »

Jacques ANTOINE (Jacant) fut le premier gaucher à attaquer Gandar, geste courageux, souligne un chroniqueur en 1954, car le cocardier avait éliminé les gauchers.

Gandar est souvent à l’honneur. le 30 Octobre 1955 il enlève entre autres, le trophée du Biòu d’Or.
Il était dit de lui par Mario :
« Avec Gandar de Blatière, l’émotion et l’ambiance augmentèrent. Toujours aussi majestueux dans sa démarche, la vedette des manadiers de Vergèze se promena d’une quarencia à une autre, attendant la première attaque. Les spectateurs du pourtour l’intéressèrent et il ne manqua pas d’essayer d’en mettre à mal quelques-uns en glissant sa longue carcasse sur la barrière. »

En 1957 Gandar a 15 ans.
On le trouve imposant comme par le passé et il est resté pour le public la vedette chérie.
Toutefois, eh oui !, la roue tourne, il y a un autre nom qui va se répétant, celui de Santiago pour ne pas le citer.

Gandar a tenu l’affiche en vedette, durant onze années et son nom s’inscrivait à toutes les grandes compétitions où il brillait chaque fois. Il était à la Feria de Nimes, à la foire de Beaucaire, à celle de Lunel, à la cocarde d’Or à Arles, à la foire de la Madeleine à Châteaurenard, etc...

Il fait sa despedida à Nimes, en 1959 et reçoit à cette occasion de nombreux hommages dont entre autres celui de Mario :
« L’heure de la retraite a sonné. Sachons gré aux éleveurs Blatière de savoir arrêter tout ce qui s’est bien passé jusqu’à maintenant. La grandeur d’un cocardier ne doit pas être ternie par une courbe descendante. Il est normal que les aficionados gardent intactes les visions de tant et tant d’actions grandioses. »

En 1959 Gandar termine sa carrière par deux courses, fête de Vergèze et fête de Saint-Geniés de Malgoirès, le 6 Septembre.

Blatière, nous dit :
« Nous avons tout fait pour que Gandar passe une vieillesse comme il le méritait, c’est-à-dire entouré des plus grands soins, mais en 1963 il faiblissait tous les jours.
Alors plutôt que de le voir souffrir ou de le trouver mort dans quelque roubine, nous avons décidé de le faire disparaître pour lui épargner certaines souffrances
 » .

Il a été abattu par Charles Fidani, un de ses plus grands partenaires, le 5 Juillet 1963 aux Fontanilles et a été enterré dans cette terre à proximité de la remise, au sein de la Camargue qui l’avait vu naître et où il avait vécu.

Gandar, est un grand taureau, un de ceux dont le nom restera gravé en majuscules dans l’histoire de la course libre.