Gandar et l’accident de Vauvert
A la seule lecture de ce titre, un afeciouna fait immédiatement la relation avec celui qui frappa la manade Blatière le 25 septembre 1950 et qui ébranla le monde de la Bouvine.
Mis à jour le 13 juin 2021
On l’appela d’abord « Grandes Banes » mais un jour, parlant de lui, Arthur Blatière dit à son frère Alfred :
« Tèn pas dre, mai es un brave gandar ! » (il ne tient pas droit, mais c’est un sacré voyou). C’est vrai qu’il n’était pas épais.
Ce nom devait lui rester et il est dans toutes les mémoires afeciouna(do).
En ce lundi soir, le char rentrait de Nîmes où la Royale des As de Blatière venait de triompher dans l’après midi. Elle était composée, dans l’ordre de sortie, de Mioche, Lebret, Mécano, Vanneau, Gandar et Coulobre. Au volant, Frédou Blatière regagnait les Prés sous la pluie avec son précieux chargement. L’accident se produisit vers 19 heures en entrant dans Vauvert, au passage à niveau de la ligne du Grau du Roi dont la barrière n’était pas baissée. Percuté à l’arrière par la « Micheline » venant de Nîmes - remplie d’afeciouna qui avait assisté à la course - le char fut traîné sur plusieurs dizaines de mètres. Seule la cabine résista, permettant à ses quatre occupants d’en sortir indemnes. Par contre, derrière eux, ce fut le drame.
Le char après l’accident |
En feuilletant un « Camariguo » de 1975, je suis tombé sur une interview réalisée par M. Jean-Claude Dufau auprès de M. André Blaquière, alors gardian chez Blatière et qui vécut ces moments tragiques. J’ai pensé qu’il serait bon de la publier, ne serait-ce que pour les plus jeunes afeciouna.
J.C.D : Comment cet accident a-t-il pu se produire ?
A.B : Je n’étais pas dans le char mais il faut souligner qu’il pleuvait très fort et que la visibilité était réduite. Lors de l’accrochage avec l’autorail, le simbèu Gàrri et Vanneau (la vedette à l’époque qui sortait quatrième) sont morts sur le coup [1].
J.C.D : Où sont allés les taureaux qui échappèrent à la mort ?
A.B : Mioche et Coulobre qui étaient restés attachés dans le camion furent transférés dans le char de Marceau et ramenés à la manade. Quant à Gandar qui avait arraché sa corne droite [2] en se libérant du char devenu prison, il était parti à travers champs en compagnie de Mécano et Lebret. Le 26 on retrouva Mécano aux Iscles.
J.C.D : Et pour le pauvre Gandar, comment a-t-on retrouvé sa trace ?
A.B : Gandar et Lebret allèrent au Pré de la Ville, à proximité du bouvau de Me de Montaut-Manse. Jean Sol y était gardian à l’époque. Dans l’après-midi du mardi, M. Blatière me demanda de récupérer les bêtes. Je partis des Iscles à cheval, non sans, je dois l’avouer, une certaine émotion que vous comprendrez. En effet, chemin faisant je me demandais si les bêtes me reconnaîtraient et dans quel état elles se trouveraient. Enfin j’arrivai près d’elles. Gandar faisait triste mine avec son moignon sanglant, il était couché près de Lebret. Je lui parlai doucement et au son de ma voix il se releva et partit.
J.C.D : Vous n’étiez donc pas au bout de vos peines ?
A.B : Non bien sûr et le trajet derrière les deux taureaux fut encore long. Nous passâmes les Prés de Président, la Basse Clapière, la Tour d’Anglas et nous débouchâmes sur le Pont Rouge (autre nom du Pont des Touradons). Là, aidés de deux piétons, Emile Sequier et Georges Cabanis, le père de Jean le raseteur, je fis passer le pont aux rescapés. Ma mission était terminée. Le lendemain on repérait Gandar et Lebret au bord de l’étang des Iscles ».
Malgré le choc, les deux taureaux n’avaient pas perdu le sens de l’orientation et avaient conservé toutes leurs facultés. Mécano, pratiquement indemne, avait regagné ses prés le premier. Il n’en avait pas été de même pour Gandar. La plaie au crâne était importante, il avait des côtes enfoncées et un tendon cassé. Le vétérinaire était pessimiste, pourtant…
Huit mois plus tard, le 15 avril 1951, Gandar retournait en piste à Lunel. A neuf ans, il entamait la seconde carrière que l’on connaît.
En 1955 le Biòu d’Or couronna ce cocardier d’exception [3] qui symbolise à lui seul la manade des Iscles.
qui a été inaugurée le 19 août 2000 |
[1] En réalité ils furent abattus à proximité
[2] Jacques Blatière a conservé cette corne et a fait enterrer les restes du grand taureau à proximité de son Mas aux Iscles où une stèle rappelle « Gandar, 1942-1963 »
[3] Le premier trophée ayant été remis l’année précédente à la royale de Bilhau, Gandar fut en fait le premier « Biòu » d’Or.