Sian en milo-nòu-cènt-cinq e Folco de Baroncelli es pas encaro l’ilustre persounage qu’apelaran, pèr la seguido : « Lou Marqués ».

Deja proun envesti à la respelido e au regreiamen de nòsti Tradicioun, Folco, emai fuguèsse proun encaparra pèr sa manado de biòu e lou retournamen au pur sang camarguen, se porge un autre desfis.

Se li sang-mescla an proun degaia la « Raço » de biòu camarguen, la « Raço » de chivau camargo n’es pas gaire miés recabalado que sa cousino de « Raço » bouvino.

Nous sommes en 1905 et Folco de Baroncelli, n’est pas encore l’illustre personnage que l’on appellera par la suite : « Le Marquis ».

Déjà très investi au renouveau et à la renaissance de nos Traditions, Folco bien que très accaparé par sa manade de taureaux et le rétablissement du « pur sang camarguais », s’offre un autre défi.

Si les sangs mêlés ont fortement dégradé la race des taureaux camarguais, celle des chevaux camarguais n’est guère mieux lotie que sa cousine de race « Bouvine ».
Pèr esperit de nouvèuta vo de modo, noumbrous soun li chivau de coulour vo de mourfoulougìo desassourtido, que trèvon li prat e pasturgage di manado.

Cregnènt uno desparicioun que sèmblo inmancable, Folco decido de redouna à nòsti fièr e nervïous pichot cavalot blanc, tóuti si letro de noublesso. Pèr acò, s’en vai metre en chantié un proujèt espetaclous : religa d’à pèd la Camargo à Lioun, emé de paramen arnesca segound li carateristico classico dóu travai dóu gardian.

Aquesto escourregudo s’apelara : « Lou Raid (Virado) de Lioun ».

Lou coumplice de Folco pèr aquesto entre-presso, sara un de sis ami li mai fidèu, Jaume Marignan de Massihargue.


Aquéu Marignan, cousin dóu mège Mile Marignan, foundadou dóu « Museon Arlaten », n’es pas un gardian de mestié.

Par esprit de nouveauté ou de mode, nombreux sont les chevaux de couleurs ou de morphologies disparates qui fréquentent les prés et pâturages des manades.

Redoutant une disparition qui semble inéluctable, Folco décide de redonner à nos fiers et nerveux petits chevaux blancs, toutes leurs lettres de noblesse. Pour cela, il va mettre en chantier un projet prodigieux : relier la Camargue à Lyon, avec deux montures harnachées selon les caractéristiques classiques du travail du gardian.

Cette excursion s’appellera : « Le Raid de Lyon ».

Le complice de Folco pour cette entreprise, sera un de ses amis les plus fidèles et en plus de cela, un familier de la devise Rouge et Blanche, Jacques Marignan de Marsillargues.

Ce Marignan, cousin du docteur Emile Marignan, fondateur du Musée Arlaten, n’est pas un gardian professionnel.

Gardian amatour de la « marco », mounto tambèn encò di Reynaud, mai es pulèu uno persounalita proun estimado e recouneigudo dins lou mounde viticolo lengadoucian.

Proun souvènt, acoumpagno au tèms de si vesito, li catau e pouliti divers, tras li vignarés de Jacquez, terro e plantacioun agricolo. Renouma de pèr si qualita d’ourganisaire, es éu que vai planifica lis estapo e cambado amenistrativo d’aquest afaire, li decisioun finalo estènt presso après councertacioun entre li dous ome.

Ajourna un proumié cop, encauso d’emplé dóu tèms coumplica, emai pèr necessita de regaiardi li mounturo au sourti de l’ivèr, li dous vouiajaire se meton en aio lou dous de mars à miejour.

Gardian amateur de la « marque », il monte également chez les Reynaud, mais c’est surtout une personnalité très estimée et reconnue dans le monde viticole languedocien.

Il accompagne souvent lors de leurs visites, les politiques et personnages importants dans les vignobles de Jacquez, terres agricoles et plantations. Renommé pour ses qualités d’organisateur, c’est lui qui va planifier les étapes et démarches administratives de cette opération, les décisions finales étant prises après concertation entre les deux hommes.

Ajourné une première fois pour cause d’emploi du temps compliqué, mais aussi par la nécessité de retaper les montures à la sortie de l’hiver, les deux voyageurs se mettent en mouvement le 2 mars à midi.

Jaume Marignan s’encamino de Massihargue devers Arle, ounte rejoun Folco parti éu, di Santo.

Pèr aquesto proumiero estapo, tóuti dous an percoula en quicon proche, la memo distànci, quarante-dous kiloumètre. Lou despart coumun s’efetuo lou tres de mar de-matin d’Arle, de pèr la ribo gaucho dóu Rose, e lou sièis de sèr, li dous coumpaire soun à Lioun.

Aquest proumié trejit, long de tres-cènt-vounge kiloumètre, es esta acaba en quaranto-dos ouro tres-quart. Li calcul establi sus la baso de sèt kiloumètre à l’ouro, au pas dóu gardian, es dounc respeta à la letro.

En seguido à-n-uno journado e miejo de repaus dins la « Capitalo di Gaulo », l’equipage s’entourno mai, repausa e escarrabiha, lou vue de mars à uno ouro dóu tantost, pèr uno miejo-estapo de trento-quatre kiloumètre, destinado à faire reveni li chivau au ritme souveta.

Lou retour aqueste cop, s’efetuo sus la ribo drecho dóu flume.

Li dous coumpagnoun religon Arle lou douge de mars, pèr regagna si doumecile l’endeman. La distànci de revengudo un pau mai longo, bord-qu’èro de tres-cènt-quatorge kiloumètre es abracado en quaranto-tres ouro.

Lou pàri es gagna !

La perfourmanço es remarcablo que li dous chivau èron esta pres sus la manado, noun ferra, dins li counfiguracioun procho dóu travai en Païs. Es pèr acò qu’èron equipa de sello gardiano ourdinàri, saquetoun e seden. Li cavalié pourtavon capèu e boto gardiano.

Jacques s’achemine de Marsillargues vers Arles, où il rejoint Folco, parti lui des Saintes.

Pour cette première étape, tous les deux ont parcouru à peu près la même distance, quarante-deux kilomètres. Le départ commun s’effectue le 3 mars au matin d’Arles, par la rive gauche du Rhône et le 6 au soir, les deux compères sont à Lyon.

Ce premier trajet long de 311 kilomètres, a été conclu en quarante-deux heures trois quart. Les calculs établis sur la base de sept kilomètres à l’heure, au pas du gardian, ont donc été respectés à la lettre.

Après une journée et demie de repos dans « la Capitale des Gaules », l’équipage s’en retourne reposé et dispos le 8 mars à treize heure, pour une demie-étape de 34 kilomètres destinée à ramener les chevaux au rythme souhaité.

Le retour cette fois s’effectue sur la rive droite du fleuve.

Les deux compagnons relient Arles le 12 mars pour regagner leurs domiciles le lendemain. La distance de retour, un peu plus longue, puisque de 314 kilomètres est bouclée en quarante-trois heures.

Le pari est gagné !

La performance est remarquable car les deux chevaux avaient été pris sur la manade, non ferrés, dans les configurations proches du travail en pays. C’est pour cela qu’ils étaient équipés de selles gardiannes ordinaires, petit sac et lasso de crins. Les cavaliers portaient chapeaux et bottes gardiannes.

« Sultan », lou chivau de bono óurigino que mountavo Folco, èro un Camargo pur aja de quatorge an, aut d’un mètre quaranto-dous.

La mounturo de Jaume, dóu noum de « Bericle », manjavo dins soun annado nouvenco e mesuravo un mètre-cinquanto.

Mau-grat li sièis-cènt-vint-cinq kiloumètre percoula en quatre-vint-cinq ouro tres-quart, l’abenage di bato di chivau fuguè menim, que li gardian avien jamai soulicita severamen si paramen.

Aquésti bèsti èron dounc capablo de perfourmanço netamen superiouro.

Ço que voulié demoustra Folco. La toco èro dounc encapado, e la publicita de l’aventuro devié lausenja li fourmidàbli qualita de resistènci de la « Raço de Chivau Camarguen », tourna-mai à l’ounour.

Un darrié poun, bèn mai pouëti nous es rapourta pèr Farfantello.

Parèis qu’au cours d’aquéu periple, sus lou parvis de la Catedralo de Valènço, Folco es esta esbléugi pèr un visage d’uno bèuta pivelarello. Reveira aquest poulit carage, qu’avié jamai óublida, lou dès-e-vue de mai milo-nòu-cènt-vue, en Arle.

Èro aquéu de Jano de Flandreysy, « La tant poulido ».

Verai, pas verai, que nous enchau ?

Li fa istouri vo aneidoto an besoun éli tambèn, de mistèri pèr entre-teni si legèndo !

« Sultan », le cheval que montait Folco, était un camargue pur, de bonne origine haut d’un mètre quarante-deux et était âgé de 14 ans.

La monture de Jacques du nom de « Béricle », était dans sa neuvième année et mesurait un mètre cinquante.

Malgré les 625 kilomètres parcourus en 85 heures trois-quarts, l’usure des sabots des chevaux fut minime, car les gardians n’avaient jamais sévèrement sollicité leurs montures.

Ces bêtes étaient donc capables de performances nettement supérieures.

Ce que voulait démontrer Folco. Le but recherché était donc atteint et la publicité de l’aventure louait les formidables qualités de résistance de la race des chevaux camarguais, à nouveau à l’honneur.

Un dernier détail, beaucoup plus poétique nous est rapporté par Henriette Dibon « Farfantello ».

Il paraitrait qu’au cours de ce périple, sur le parvis de la cathédrale de Valence, Folco est été ébloui par un visage d’une beauté fascinante. Il reverra ce joli minois, qu’il n’avait jamais oublié, le 18 mai 1908 en Arles.

C’était celui de Jeanne de Flandreysy, « la tant belle ».

Vrai, pas vrai, que nous importe ?

Les faits historiques ou anecdotes ont besoin eux-aussi de mystère, pour entretenir leurs légendes.