Mais qu’était cette Coupo SANTO et pour quelles raisons, Frédéric MISTRAL écrivit-il ces vers fameux qui parurent pour la première fois dans ses poèmes
« LI ISCLO d’OR » en 1876 ?

Ce recueil de poèmes de notre immortel félibre (celui pour lequel LAMARTINE écrivait « Un grand poète épique est né  ») vint après MIREIO et CALENDAL les deux oeuvres maîtresses du MAILLANAIS.
Au chapitre « Sirventes » se trouve ce chant dédié au félibre Félix Gras.

La musique était celle d’un Noël provençal de Nicolas SABOLY qui avait pour titre « Guillaumme-Toni-Péire » ?
Rappelons pour la petite histoire que Nicolas SABOLY né en 1614 à Monteux (Vaucluse) devint maître de musique à l’église Saint-Pierre d’AVIGNON.

Dans un ouvrage en Provençal de Marius ANDRÉ qui fut, croyons-nous, ambassadeur ou Consul de France à Madrid, édité en 1897 en AVIGNON, nous avons découvert les renseignements qui permettent d’affirmer que l’amitié entre Frédéric MISTRAL et son homologue catalan Victor BALAGUER sont à l’origine de cet immortel poème.

Marius ANDRÉ écrit : « LI CATALAN OUNOURON MISTRAL, et LI PROUVENÇAU BALAGUER et DIN L’ISTORI de CHASCUN SERA ESCRI MAI QUE D’UN COP LOU NOUM de l’AUTRE ».

Il convient de préciser ici que ce que nous allons relater est puisé dans la préface de l’ouvrage « LI PIRENEU » (Les Pyrénées) qui est une traduction en Provençal d’une trilogie catalane de BALAGUER.

Ceci dit : qui était Victor BALAGUER ?

Victor Balaguer, né à Barcelone le 11 décembre 1824 et mort le 11 janvier 1901, homme politique et écrivain catalan

Un poète catalan bien connu comme tel mais aussi comme politicien. L’auteur di PIRENEU fut élu député de Barcelone mais il fut expulsé de sa patrie, comme il le disait lui même « pour trop aimer la liberté  ».
La littérature lui avait donné de grandes joies car dès l’âge de 14 ans il avait écrit « Le fils de Charlemagne ».

C’est en 1859 que BALAGUER et d’autres poètes catalans restaurèrent les Jeux FLORAUX créés en 1393 par le Jaume d’Aragon.

Lorqu’il dut quitter l’ESPAGNE, les félibres lui écrivirent « Peu d’entre nous vous connaissent, mais vous êtes poète, vous êtes catalan, et vous êtes malheureux.
Venez en Avignon et comme la CATALOGNE fut hospitalière pour les troubadours provençaux, la Provence le sera aussi pour le troubadour catalan. »
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ROUMANILLE, MISTRAL, AUBANEL, MATHIEU et ROUMIEU accueillirent donc comme un frère BALAGUER qui apprit le provençal en leur compagnie mais aussi en vivant la vie du peuple et ses fêtes en AVIGNON, ST-REMY, MAILLANE, etc... à tel point qu’il put écrire des poèmes en provençal que nous regrettons de ne pouvoir publier ici.

C’est en 1867 que BALAGUER put retourner en ESPAGNE et l’an d’après il devint président des Jeux FLORAUX et à ce titre invita ses amis de Provence à venir fêter la Santo Estello à Barcelone.
MISTRAL, BONAPARTE, WYSE, ROMIEU et Paul MAYER furent du voyage.

S’il reprit le chemin de l’exil en 1868 il revint vite dans son pays, vit le triomphe de son parti et il occupa alors les plus hautes fonctions : député, sénateur et président du Conseil d’Espagne.

Cependant de tous les épisodes de sa belle vie, il y en a un qui le marqua profondément : c’est son séjour en France.

Ses amis catalans en témoignage d’amitié et de reconnaissance ouvrirent une souscription pour offrir un bel objet et ce bel objet a été la célèbre COUPO SANTO.
Cette coupe en argent ciselée par le sculpteur avignonais FULCONIS fut réalisée par un orfèvre parisien JARRY car les événements n’avaient pas permis de la réaliser en Espagne.

Il s’agit d’une vasque supportée par une colonne auprès de laquelle sont deux statuettes symbolisant la Provence et la Catalogne.

Deux médaillons portent ces inscriptions de MISTRAL :

  • « Ah ! se mé sabien entendre. Ah ! se mé voulien ségui  » (extrait de la COUMTESSO)
    et de BALAGUER :
  • « Morta diuhen qu’es . Mes jo la crech viva  » (extrait de la Dama del Rat Penat).

La remise de la coupe aux félibres eut lieu en AVIGNON au cours d’une « taulejado » à laquelle assistaient Victor BALAGUER et ses amis catalans.
Frédéric MISTRAL après avoir rempli la coupe d’un vin de Chateauneuf, et l’avoir élevée chanta les couplets et le refrain de cet hymne qui depuis est devenu l’hymne de « MIEJOURNAU ».

N’oublions jamais que lorsque le président Gaston DOUMERGUE (Aigues-Vivois comme on le sait) vint à Nîmes en 1924, la Coupo Santo fut chantée dans les arènes par plus de 20.000 personnes.