Le Prix Camarina
Jean Pierre CLAUZEL Florence CLAUZEL Alexandre CLAUZEL

HOMMAGE A LA MANADE SAINT ANTOINE ET A SON TAUREAU « GRECO »

Chers amis afeciouna,

Prendre la route des Stes Maries de la Mer au petit matin alors que le soleil pointe déjà à l’horizon, est un bonheur que beaucoup ici partagent avec moi. Si en plus, au niveau du Château d’Avignon, vous empruntez le chemin passant devant le mas de la Cure , et vous menant jusqu’aux Grandes Cabanes du Vaccarès, vous comprendrez aussitôt que vous venez de quitter la civilisation bruyante pour rentrer dans le monde feutré des animaux, et de la nature déjà aux couleurs de l’automne.

Nous sommes chez Jean Pierre CLAUZEL et ses enfants Florence et Alexandre, un domaine de plus de 300 ha chargé d’histoire, acheté en 1932 par Henri CLAUZEL le grand père de Jean Pierre afin d’y créer une manade de chevaux. Il y a de cela 82 ans.
Ici, paissaient les taureaux de Fanfonne Guillerme avant son départ pour Le Cailar et à proximité étaient parqués ceux du comte de Pastré, si bien que Jean Pierre a baigné dans chevaux et taureaux toute sa jeunesse au contact de René JALABERT et son fils Serge.
Vous m’avez dit « A cette époque là je montais avec eux à Bardouine. C’est René qui m’a donné la fé, la fé di biou ».
René JALABERT était un homme au cœur et à la sensibilité énorme, un de ces hommes qu’on n’oublie jamais quand on a eu la chance de le rencontrer, je peux en témoigner.

Mais laissons un instant ce lointain passé, et penchons-nous sur cet étrange patronyme de SAINT ANTOINE….
Est-ce que Florence et Alexandre mettraient une obole tous les matins à ce saint patron pour être sûrs de retrouver tous leurs chevaux et taureaux égarés en pays ? Eh bien rien de tout cela !

En 1967 Jean Pierre décide d’associer les quelques taureaux qu’il possède avec ceux d’un ami d’Aigues mortes, Alain ALBARIC , basé au mas Saint Antoine, en Crau, au sud de Raphèle au milieu de 80 ha.
La manade SAINT ANTOINE venait de naitre !
Elle se renforce très vite avec des vaches de Denys Colomb puis de Guillerme, enfin d’Henri Aubanel et Raynaud ainsi que d’un étalon de Guillerme puis de Janot Cambi, enfin de Mailhan. Le travail est lancé à partir d’une sélection très sévère sur les vaches. Mais pour progresser il faut sortir et dans les années 60 et 70, si seulement 50 manades font courir, les 5 majeures raflent 60 % des contrats ce qui laisse peu de place aux autres et pour les petites n’en parlons pas.

Chers amis camariniens, j’ai eu plaisir et même très grand plaisir à rencontrer la famille CLAUZEL. Ce n’est pas tous les jours qu’on côtoie en Camargue des gens de ce niveau avec de telles connaissances en matière d’élevage, avec autant d’idées novatrices et avec une telle envie farouche que la Course Camarguaise réussisse. Une famille qu’on peut qualifier d’atypique, vraiment !

Jean Pierre est un passionné d’élevage de chevaux et taureaux. Président de la maison du cheval Camargue au Mas de la Cure il n’a de cesse de tirer l’élevage du cheval vers le haut. La noblesse de l’animal c’est le travail en pays, le tri au contact des taureaux, alors qu’on le transforme en bête de loisirs pour gens fortunés. Son inquiétude est grande quand il voit des manadiers et pas des moindre, effectuer le tri de leurs courses avec des quads, sans aucun respect de l’étique même du métier.

Florence est un cas à elle seule, une femme direz-vous, que fait-elle dans ce milieu ?
Son parcours est une belle réponse : Licence de Sciences économiques en poche elle fait l’école supérieure de Gestion et se trouve propulsée à Paris chez BNP/Paribas. Pendant 19 ans. Mais son cœur est au mas, en Camargue, d’où elle tire toute sa force.

2005 et 2006 voient la manade bloquée pour cause de tuberculose. Pour elle le choix est fait, pas question d’abattre, ce serait terrible . Perdre 40 ans de travail, le choix de l’argent contre une vie super vide pour son père et son frère lui parait impossible. Elle démissionne de la banque, rachète les parts de son père et la manade. L’assainissement peut commencer.
Elle m’a dit « Dans la vie, pour ne pas avoir de regrets, il faut aller au bout de ses convictions, surtout quand on aime quelque chose »
Si cette décision n’avait pas été prise, il n’y aurait pas eu de GRECO et pas d’Alexandre pour nous le conter.

Alexandre et la manade , c’est la même histoire. Quand il est né, les taureaux sont déjà aux Grandes Cabanes. A 13 ans il a la chance de rencontrer Roland MONNIER qui le pousse à comprendre comment faire pour sortir des taureaux : par la sélection, par la compréhension de la race, par une foule de détails pour peaufiner cette race. Jusqu’en 1995 et l’arrivée des premiers fruits avec BECCARO, IBOS, GAZAY, RIPOUX, plus tard TOMMY, MATUTE, CAMARKAS tous vus à la Palme d’Or enfin ORION et GRECO la nouvelle génération.

Ce GRECO parlons-en car on est là grâce à lui !
Et d’abord pourquoi ce nom de GRECO ? Alexandre s’est souvenu qu’à 2 km au large de l’embouchure du petit Rhône ont été découvertes il y a quelques années les fondations d’un port grec. Il en a marqué le souvenir de cette façon. Né en 2006, le n°644 est un fruit de la maison comme tous ses congénères, né de père et de mère St Antoine.
En 2010 à 4 ans il fait deux courses de Ligue à Manduel et Jonquières, paraissant très sérieux, trop même.
En 2011, il fait deux courses de Ligue et deux à l’Avenir, à Chateaurenard où il anticipe déjà Four, et aux Stes Maries où il avertit Chekade. Son placement, sa vitesse, sa façon d’attendre les hommes de pied ferme , font écrire au chroniqueur Liberté « Ce taureau retient toute notre attention. Il faudra le suivre ». … Il avait alors 5 ans .
En 2012 à 6 ans il fait 3 courses à l’avenir à Vallabrègues, Montfrin et les Stes Maries où il rentre tous ses attributs, intouchable. A Montfrin il réalise sur Guyon 4 percussions révélatrices.
En 2013 à 7 ans il fait 4 courses aux As à Méjanes et les Stes Maries où il est très craint, à Beaucaire et le Grau du Roi où il attend la moindre occasion pour percuter à droite et lâcher tous les rasets à gauche, son défaut depuis ses débuts. GRECO apprend le haut niveau et il apprend vite.
En 2014 enfin c’est la consécration. 4 Courses aux As . Bon début à Palavas, puis meilleur taureau de la Palme d’Or et prix Camarina pour une course superbe. Barricadier ( 13 coups de barrière dont 5 énormes), dominateur, toujours placé, toute la palette du cocardier y est passée avec l’aide d’un Katif survolté. Au Grau du Roi il se blesse au poitrail et à l’épaule après dix percussions d’une violence inouie
Enfin à Nimes pour la Finale des As, c’est un triomphe à la Romaine, la course parfaite et sans faute, une communion rare entre la bête, les hommes et le public, les gens debout au final et l’émotion partout.
L’arène entière était heureuse pour vous et vous l’a fait savoir.
En deux courses, le taureau a atteint une dimension qui a dépassé vos espérances. Sa grosse personnalité, sa méchanceté, sa fierté en piste ont captivé les gens et déclenché en eux le désir de le suivre.

Mais ouvrons une parenthèse : La Course Camarguaise et donc la Palme d’Or est un spectacle, et tous ceux qui sont rémunérés (manadiers, raseteurs, organisateurs) se doivent de transmettre au moins une émotion à ceux qui payent, et ceux qui payent s’attendent à ce que les rémunérés travaillent quasiment dans l’excellence.
Quand on considère les courses du jeudi de la Foire, insipide, et surtout du lundi, jour de Finale avec 6 premiers sur 7, record national battu, où était la recherche d’excellence et le respect de celui qui paye.
Notre association a œuvré à son niveau pour qu’il y ait du changement à Beaucaire, nousavons été écoutés, nous avons été entendus, nous nous en réjouissons. Fermons la parenthèse …

Cher Alexandre, c’est un plaisir rare de discuter avec toi. On s’étonne, on s’interroge, on cherche ta vérité, par exemple ce besoin de proximité du taureau, d’osmose avec lui.
Tu m’as dit : » il n’y a que là que je suis bien, c’est mon moteur, quand je suis seul avec eux. Quand ils vont dans l’arène, je leur parle beaucoup avant qu’ils ne sortent. En pays, je les vois grandir, je les sens, je vais me coucher au milieu d’eux, je m’assois, même avec les entiers. C’est juste une forme d’éducation. Cela peut paraitre bizarre mais pour moi c’est tellement naturel, cela fait parti de mon cheminement pour les cerner, les comprendre, arriver à fixer des limites, à un respect mutuel. Quand je soigne GRECO je rentre avec lui dans le couloir, je manipule sa patte et ses vertèbres alors que lui, pose son museau sur mon épaule, il sait que je suis là pour le soulager ».

Amis camariniens, j’ai passé une journée en compagnie de la famille CLAUZEL. J’ai aimé leur implication totale, leur culture de l’émotion et du sentiment, leur sérénité dans la victoire, leur envie que leurs taureaux donnent du plaisir aux gens, cette volonté d’aller vers l’excellence, vers plus de professionnalisme. J’ai aimé qu’il me parlent sans cesse d’aujourd’hui et de demain, et non pas du passé.

JEAN PIERRE, FLORENCE, ALEXANDRE la saison taurine prochaine va s’ouvrir en mars 2015. Le titre suprème va se jouer entre cinq prétendants : SUGAR, ULMET, BANARU, RATIS et GRECO . Soyez assurés que l’association taurine Camarina vous souhaite le meilleur pour votre manade et votre taureau.

Chers amis, en reconnaissance de la qualité du travail effectué dans cette manade, et de l’esprit dans lequel ils le font, je vous demande de faire une véritable ovation à la famille CLAUZEL.