La première forme est apparu dans des écrits en 920 : insula Camarigas, puis insula Camaricas en 923 ; Camaricas en 1048 ; in Camargis en 1079 ; in Camargas en 1273 ;

  • En Français la forme Camargue est attesté à partir de 1687. En Provençal Camargo

L’analyse de ces formes prouve que nous avons à la base un mot Caarica dont l’évolution aboutit normalement en provençal à Camargo : l’accent est sur ma, le c entre voyelles et devenu g avant la chute du i

  • C’est cette forme Camarica qu’il faut expliquer. On discerne aisément le suffixe latin -ica ; reste à déterminer le radical camar.

On a proposé plusieurs explications fantaisies. Bouche au XVIIIe siècle rapporte celle de gervais de Tilbury : cara marchia "terre fertile" . ; j’ignore dans quelle langue aurait été créé ce mot. Mistral ; dans le TDF, propose d’y voir l’ancien provençal, camp marca,"champ frontière" ; il est exact que marca, mot d’origine germanique, signifie "frontière", mais l’association camp marca n’est pas conforme aux structures grammaticales de notre langue ; l’Espagnol comarca, cité à l’appui de cette explication, contient bien le mot marca, mais co- ne vient pas de camp.

En 1938 J Gazay a supposé que l’on avait là deux mots tziganes ; kam,"soleil" ; arakar, "je protège" ; sémantiquement je vois mal ce que peut signifier ce mot, car on est pas tellement protégé du soleil en Camargue, à preuve Mireille qui y meurt d’insolation ; de plus ; si par tzigane, J. Gazay entend évoquer la langue des caraco (caraques) d’aujourd’hui, il est évident que le nom de Camargue est bien antérieur à l’arrivée des tziganes dans ce pays.

On peut retenir l’hypothèse qu’un savant Allemand, J. Mowat avait proposé en 1884. Camarica serait un adjectif formé sur le nom d’homme latin Camars porté notamment par Annius Camars, qui appartenait à la gens Annia, une des familles les plus importante d’Arles à l’époque romaine.
Camarica serait donc "le domaine de Camars" ce domaine aurait été situé à Trinquetaille et aurait été constitué de plusieurs mas éparpillés dans la "tête de la Camargue", de Trinquetaille à Saliers et Albaron, ce qui justifierait le pluriel.
Hypothèse plausible, mais qui suscite deux objections.

— La première, c’est que les documents anciens ne parlent pas d’un domaine ; mais de l’île "insula" de Camargue, à quoi on peut répondre qu’une île aussi grande que celle là, ne peut appartenir à une seule personne.
Notons qu’il s’agit d’un phénomène assez courant, l’extension à tout l’arrière-pays du nom d’un territoire réduit.

Nous en avons au moins trois exemple dans l’Antiquité : Asia a désigné d’abord la côte orientale de la mer Egée, puis l’Anatolie (asie mineure) et enfin tout le continent asiatique ;
Africa était le territoire des Afri qui vivaient aux environs de Tunis, puis ce fut l’Afrique du Nord et enfin le continent Africain ;
Graecia était pour les Latins le territoire d’une tribu établie aux alentours d’Olympie avant de devenir le nom latin de la Grèce.

— La deuxième est plus grave :
pour que Camarica ait put être dérivé de Camars, il faut que le génitif de Camars soit Camaris ; or, il semble que ce soit Camartis, comme c’est le cas pour l’ancien nom de la ville de Clusium en Etrurie : Camars, Camartis.
Le dérivé serait alors Camartica et non Camarica.

Je pense donc qu’il faut aller chercher ailleurs.
Le nom de Camarica n’est pas isolé, il est porté par une ville de Cantabrie, le Pays basque espagnol d’aujourd’hui, et par un domaine de la région de Manosque attesté sous la forme villa Camaricas en 975-984 ; avec un autre suffixe on a Camarina qui désigne chez Pline une ville la cote-ouest de la Sicile ; le mème Pline signale une île Camari, près de l’Arabie qui pourrait offrir le radical de notre mot.

On constate donc que cette racine camar- se retrouve tout autour de la Méditerranée, c’est-à-dire que nous avons affaire très probablement à un de ces mots très anciens qui remontent à l’époque, vers le 2e millénaire avant notre ère, où il y avait une sorte de communauté linguistique méditerranéenne avant l’arrivée des peuples indo-européens.

C’est pourquoi je crois qu’on peut écarter, pour expliquer le mot Camargue, non seulement le nom commun latin Cammarus [1], "crabe", mais aussi le nom d’homme Camarus, considéré comme gaulois par Skok et latin par Kaspers.
Je pense qu’il faut approcher Camargue de Camaret, nom d’un village de Vaucluse près d’Orange, de Chamaret, nom d’un village de la Drome et de Camarat , nom d’un cap près de Saint Tropez, qui offrent un radical kam-ar-, dans lequel kaml- signifie "hauteur arrondie" ; ce radical kam- se retrouve dans le mot gaulois cambo "courbe" ; mais cela ne veut pas dire que kam- soit celtique....

Ce serait donc la courbe que forme le Rhône en se divisant en deux branches qui aurait donné son nom à la "Tête de la Camargue" avant de s’étendre à l’île toute entière : le pluriel s’explique sans doute par le fait qu’il s’agit des courbes des deux bras du fleuve.

L’origine du nom de la Camargue

Bernard vient de nous livrer une belle étude sur les origines du nom de la Camargue avec des références à l’appui.
Effectivement dans les auteurs cités, la version d’Elly est mentionnée dans le bel ouvrage « Le Taureau ce Dieu qui combat » de Marie MAURON où dans le dialecte Celto Ligure « Camar » signifie « champ recouvert d’eau » .

Cependant dans la version de Marius LAUTIER celui-ci pense que ce nom peut provenir de « Caramarca » signifiant frontière.
Marie MAURON propose également « n’a cap marca » qui en langue d’Oc se traduit par « n’a pas de limite ».

Une autre version sur l’origine du nom de Camargue m’avait été proposée par M.ROUQUETTE, conservateur du musée d’Arles, reprenant la version de Pline l’Ancien, où Camarina était un comptoir commercial Grec situé en Sicile.
Notre zone côtière du delta du Rhône aurait, paraît-il, inspiré les premiers colons Grecs lorsqu’ils ont foulé cette terre vers le V° siècle AV.JC. (L’association Taurine CAMARINA s’était inspirée de cette version pour déposer en 1995 les statuts de ce nouveau Club Taurin beaucairois).

Parmi nombreuses versions connues à ce jour, dont celles citées par Bernard, je retiendrai celle qui me paraît aujourd’hui la plus probable émanant de l’Allemand J. MOWAT reprise par l’historien Français Clément MARTIN qui désigne Aulus Annius CAMAR, propriétaire du territoire entre les deux bras du Rhône depuis Arles jusqu’à la mer qui aurait donné son nom à la Camargue.

Ce personnage, comme tous les officiers de l’armée romaine qui n’étaient plus en état de combattre étaient récompensés en guise de retraite par leur empereur d’un territoire leur apportant des ressources importantes.

Il est à remarquer que beaucoup de villes et villages de Provence et du Languedoc en particulier ont des terminaisons en « Argue » comme Bouillargues, Aimargues, Susargues, Marsillargues Estezargues, Aubusargues, Arpaillargues etc, etc, etc….
Ce serait dit-on la version historique la plus probable.

Encore bravo à Bernard et à « Bouvine et Traditions  » la bien nommée.

Liberté

[1Cammarus :écrevisse n. f : crustacé décapode, crevette n. f : crustacé
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