Enthousiasmés par toutes les scènes de bouvine, bientôt on put voir nos deux Parisiens déracinés a toutes les ferrades, abrivado ; tant et si bien que la « fe di biòu » entra dans leurs âmes pour ne jamais en ressortir.
Mais, jouir des taureaux des autres et les voir courir ne suffisait plus aux Rouvillain, qui décidèrent d’avoir une manade à eux.Ce fut à partir de ce moment là, la recherche d’un pays d’herbages qu’ils eurent la chance de découvrir aux « Grandes Cabanes », pays merveilleux et admirables de sauvagine et de poésie ; ce fut ensuite la recherche d’une manade à vendre.

Les bons manadiers Provençaux et Languedociens, qui vivent de leurs manades et s’y attachent, ne sont jamais disposés à remettre quoi que ce soit à un concurrent possible, et c’est ainsi que Combet, puis Granon, n’ont jamais revendu un seul taureau.
Pendant la guerre, période difficile et trouble, il y eut certaines ventes exceptionnelles, mais Rouvillain, pendant la guerre, n’était pas dans le midi et ne put profiter, à ce moment là, de ces ventes forcées.
Mal conseillés, ou peut-être tout simplement qu’ils ne trouvèrent pas mieux, ils achetèrent donc tout d’abord, en 1925 la manade appartenant à M.Nivar. Cette manade qui manquait totalement de soin, en était à son 6e ou 7e propriétaire depuis la guerre, et Rouvillain trouvait là une manade abâtardie sans aucune caractéristique particulière.

Il aggrava encore le mal en achetant , de côté et d’autre, sans savoir, sans connaître. A un moment donné même, sa manade était formée de taureaux et de vaches de toutes les races et de marques, de toutes les couleurs. Il y avait des taureaux noirs, des taureaux fauves et même des blancs et noirs !
Très vite, Rouvillain comprit qu’il ne tirerait rien d’un tel mélange et tout de suite, il entreprit ce travail de sélection dont il dit lui même qu’il sera très long et demandera plusieurs années avant de donner des résultats.

Voilà donc Rouvillain manadier en dépit de la mauvaise volonté de quelques uns et de la jalousie de quelques autres. Vivant toute l’année en Camargue et soignant et surveillant lui même sa manade des Grandes Cabanes, il a acquis beaucoup d’expérience et sait maintenant beaucoup de choses sur l’élevage des taureaux.

Dès 1926, il a revendu presque toutes les bêtes achetées à Nivar et aux autres manadiers qui ne lui refilèrent que des croisés jusqu’à l’année dernière, il n’avait pas fait une seule course, et les vaches vedélières des Grandes Cabanes mettant bas chaque année, la manade s’augmenta considérablement. Rouvillain a en moyenne, 70 à 80 veaux par an, ce qui est énorme, impitoyablement, il se débarrasse de tout ce qui ne lui paraît pas conforme au gabarit qu’il s’est fait du taureau Camarguais souhaité par lui.

Entre temps il a acheté des vaches à Baroncelli ; et un ou deux étalons au même manadier et je crois qu’il s’est procuré un taureau de Granon, qui a fait la monte chez lui une année.