Morceaux de vie avec Patrick CASTRO.
Un texte de Nouvè DANIELE - Noël DANIELE - écrit sous la Grafìo mistralenco qu’il maîtrise remarquablement, où il nous parle très personnellement, des morceaux de vie inoubliables qu’il a pu vivre avec Patrick CASTRO.
Ce sont des souvenirs personnels empreints d’authenticité et de sincérité. Des propos qui atteignent notre sensibilité et qui ne peuvent nous laisser indifférents. (NdR).
En aparté, un mot sur la présentation du texte en deux colonnes - texte original et traduction - fait pour faciliter de lecture et, qui sait, l’apprentissage de la Lengo Nostro.
Bien entendu, ce site est ouvert à tout auteur qui voudrait partager ses textes avec les visiteurs de ce site.
Merci Nouvè, tu as ouvert la voie.
Mant un cop m’avès entendu dire, qu’aviéu agu forço chanço d’agué couideja dins moun tèms de pisto, quàuqui rasetaire dóu proumié grum.
Vuei, voudriéu vous legi quàuqui rego, sus quaucun que vèn de nous faire sis adessias i’a gaire : Patrick Castro. |
Vous m’avez très souvent entendu dire, que j’avais eu beaucoup de chance d’avoir côtoyer durant mon temps de piste, quelques raseteurs de très haute qualité.
Je voudrais aujourd’hui vous lire quelques lignes sur une personne qui vient de nous faire ses adieux il y a peu : Patrick Castro. |
N’ai pas besoun de vous parla de soun paumarés.
Es couneigu de tóuti, e la letanìo de si guierdoun zounzouno em’ensistanço dins li recurrènti discussioun d’afeciouna. |
Inutile de vous parler de son palmarès.
Il est connu de tous et la litanie de ses récompenses bourdonne encore avec insistance dans les récurrentes discussions d’amateurs de courses de taureaux. Disons simplement qu’il a affirmé sa domination une bonne dizaine d’années, dans tous les plans et arènes de notre zone taurine, sans que cela n’entraîne polémique, bagarre ou commentaires ambigus. C’est sûr, comme beaucoup de vedettes, son style peut-être trop dominateur, lui a valu quelques réprobations et pourtant, qu’y avait-il à lui reprocher ? Il possédait à fond, l’art du raset de face et une technique d’une pureté effarante. C’est certain ! |
Fuguè d’aiours aquesto facileta davans li coucardié li mai reputa que vai lèu-lèu pivela li foulo.
N’avié alor que dès-e-sèt vo dès-e-vuech an, e li counessèire entre-vesien alor lou sucessour dóu grand Soler e de sis coumpan dóu « Carrat d’AS ». Aquéli, Pascau pas encaro en plen, avien despareigu dis aficho. Canto, tua en pisto pèr Aureilhois, SanJuan defunta d’un acidènt de la routo e Soler retira, encauso d’un geinoui reguignous. Lou mounde de Bouvino se cercavo un « Catau » e lou publi, toujour à l’espèro de tèsto nouvelàri, avié sus lou cop adóuta e adouba lou jouine Patrick. Es verai qu’emé soun raset tras-que pur, si jarret d’acié, sa vitesso e sa man d’uno adrèisso cirourgicalo, poussedavo tout l’arsena necessàri à-n-aquelo destinado. Mai li camin soun pas toujour semena de roso e bèn-lèu, uno grèvo blessaduro vai lou counfrounta à la duro realita de la pisto e de si dangié. |
Ce fut d’ailleurs cette facilité devant les cocardiers les plus réputés qui va rapidement fasciner les foules.
Il n’avait alors que 17 ou 18 ans, et les connaisseurs entrevoyaient déjà le successeur du grand Soler et de ses copains du « Carré d’AS ». Le monde de la Bouvine se cherchait un « Patron » et le public, toujours en attente de têtes nouvelles, avait rapidement adopté et adoubé le jeune Patrick. Il est vrai qu’avec son raset très pur, ses jarrets d’acier, sa vitesse et son coup de main d’une adresse chirurgicale, il possédait l’arsenal nécessaire à cette destinée. |
Sa maire Carmen, femo de caratère, me countavo alor, que i’avié faugu s’empougna emé lou persounau pèr resta em’éu la proumiero niue d’espitau, qu’èro pas encaro la modo d’aquéu tèms, de resta dins li chambro.
Mai coume Patrick èro encaro bèn jouine e qu’èro un dimenche sèr, acò a passa coume acò. La picaduro d’entrounisacioun, mau-grat la graveta de l’embanaduro, l’aguènt pas rebuta, èro bèn segur que li balouard de la glòri se durbissien davans éu, pèr une carriero di mai drudo. Es proun verai de dire, qu’es souvènti-fes lou proumié cop de bano que sèr d’entre-signe pèr envisaja la seguido… o pèr souna lou terminus. Pèr Patrick, sara pulèu uno ascensioun vertiginouso vers li troufèu e li vitòri. |
Sa mère Carmen, femme de caractère, me racontait qu’il lui avait fallut alors se heurter au personnel pour passer la première nuit d’hospitalisation à ses côtés.
Ce n’était pas encore très courant, mais comme Patrick était encore bien jeune et que c’était un dimanche, cela s’arrangea. Pour Patrick, ce sera plutôt une ascension vertigineuse vers les trophées et les victoires. |
Aviéu tres an de mai qu’éu, mai lou couneissiéu proun, que moun fraire Pèire rasetavo emé soun paire.
En mai d’acò, ère mantenèire afouga dóu Nime Oulimpi, e lou devistave tambèn en l’óucasioun di match de duberturo emé li cadet, pièi li junior que d’aquelo epoco, i’avié un efetiéu de trìo emé Mézy, Iniesta, Odasso, Malassagne, Perrot e àutri galapian… Coume dins mi jóuinis annado travaiave à Nime e, tèms en tèms, au licèu Daudet, nous vesian proun souvènt e l’estiéu parié, que li « Voto » d’Aigo-Vivo e Marsilhargue rastelavon un fube de mounde, coume la jouinesso de l’encountrado. . D’ùni que tout lou mounde lou saup e, de mai, qu’èro l’eicecioun, e l’eicecioun pèr definicioun, es raro e eiceciounalo. N’empacho qu’erian coumpan e barjacavian souvènti-fes li sèr de courso au Cafè Francés à Marsihargue, que soun paire venié de croumpa. Fau dire qu’èro l’epoco de Goya, Rami, Poker, Gardoun, Bagna, Joinville e quand aquéli feran, èron presenta ensèn à Nime vo Lunèu, n’i’avié qu’un capable d’assegura lou mai tihous dóu tantost taurin. . |
J’avais trois ans de plus que lui, mais je le connaissais bien, car mon frère Pierre rasetait avec son père.
En plus de cela, j’étais supporter de Nîmes Olympique, et j’avais l’occasion de l’apercevoir lors des matchs d’ouverture avec les cadets et ensuite les juniors de ce temps, où il y avait un effectif de choix avec Mézy, Iniesta, Odasso, Malassagne, Perrot et autres garnements… Vu que dans mes premières années professionnelles, je travaillais à Nîmes et parfois, au Lycée Daudet, nous nous voyions assez souvent et l’été pareillement, car les Fêtes Votives d’Aigues-Vives et Marsillargues drainaient beaucoup de monde ainsi que la jeunesse de la région. D’abord, parce que tout le monde le sait, et ensuite, qu’il constituait l’exception et que l’exception par définition, est rare et exceptionnelle. N’empêche que nous étions amis et discutions souvent ensemble, les soirs de course, au Café Français à Marsillargues, que son père venait d’acheter. Les années avaient défilé et le public avait quelque peu renié ses premières amours, pour une équipe de jeunes raseteurs bourrés de talents, qui venaient de débouler dans nos petites et moyennes arènes. Il faut dire que c’était l’époque de Goya, Rami, Poker, Gardon, Bagna, Joinville et lorsque tous ces fauves étaient présentés ensemble à Nîmes ou Lunel, il n’y en avait qu’un capable d’assurer la partie la plus problématique de l’après-midi taurin. |
Dins lou meme tèms, vèn jouga au baloun l’ivèr, dins moun equipo, que voulié s’entre-teni en coundicioun, e avian dounc parteja d’àutri moumen forço agradiéu, de moumen de relàmbi e d’amista.
À l’óucasioun, i’ai meme vira, en particulié lou jour qu’à Nime, a culi la feissello de « Barraié » primado sèt milo franc. Un poulit souveni de mai ! |
À peu-près au même moment, il vînt jouer au foot-ball l’hiver dans mon équipe afin d’entretenir sa condition physique, et nous avons donc partagé d’amusants instants, des moments de relâche et d’amitié. Je lui ai même parfois tourné occasionnellement, notamment à Nîmes, le jour où il a cueilli la ficelle de « Barraié » primée sept mille francs. Un plaisant souvenir de plus ! Avec son retrait des pistes, pour le voir, j’étais obligé de d’aller boire au passage, un café à son bar « Le National », à Lunel. C’est là que la maladie, lui, grand sportif va le surprendre. Lors de son retour chez lui, j’allais lui rendre visite assez régulièrement et, si son attention ne durait qu’un moment et par épisodes, je voyais à l’éclat de son regard qu’il me reconnaissait. Cela nous faisait du bien à tous les deux. Son dernier salut dans les arènes de Lunel, pour un hommage très touchant et émouvant, demeurera l’image finale d’une mirifique histoire. En cette journée, le fervent monde de la Bouvine rassemblé, reconnaissait unanimement que c’était un « Monsieur » qui nous quittait et que c’était peut-être, enfin, le jour de bien s’en rendre compte. |