19/ Les BdR sont poussées à l’Orient par les atterrissements du fleuve.
Les craintes que ces débordements inspirent, ont rarement un long terme, quelques jours suffisent pour les dissiper. Le fleuve redevient plus calme, les islots, les terrains qu’il couvrait, reparaissent, s’ils n’ont pas été emporté. Les dépôts dont ils sont engraissés prouvent qu’au moyen de canaux ménagés avec art, on pourrait élever une foule de lieux bas qui restent actuellement perdu pour l’agriculture. Ce sont ces dépôts qui ont forcé le fleuve à se frayer successivement les différentes routes que nous avons fait connaître.

A peine il arrive à ses embouchures, que les terres dont il est chargé sont jetées sur sa droite par un courant de mer qui règne assez habituellement sur la côte en sens contraire du mouvement diurne du globe, et qui porte des ensablements jusque dans le port de Cette. Lorsque ces matières ont acquis un certain volume auprès du rivage, elles poussent le fleuve lui même sur la gauche, le forcent d’allonger son cours, et lui font perdre par conséquent une partie de sa vitesse. Cet effet, lent mais continu, donne lieu à des atterrissements dans le lit, et enfin à des irruptions totales ou partielles des eaux vers l’Orient.

C’est ainsi que les eaux de la grande branche du fleuve ont quitté le Bras de Fer pour se jeter dans le canal des Losnes. C’est ainsi que celles des divers rameaux au dessous d’Arles, comme le Rhône de St Férréol,sont rentrés dans la branche mère. c’est ainsi que le petit Rhône à quitté Eygues Mortes (3) et des salines de Peccais, enfin, c’est ainsi que l’embouchure de l’est, est toujours la plus navigable ( au moment de cet écrit) .
Il n’est pas toutes fois sans exemple que le fleuve ne soit dévié à l’ouest comme quand il quitta le Bras Mort pour suivre le Bras de Fer comme, suivant notre opinion, quand il cessa d’enceindre la ville d’Arles pour former le petit Rhône. mais cette marche des eaux a du être déterminée par quelques circonstances qui ne leur laissait pas le choix de leur direction, la Crau d’une part leur opposait sa barrière, peut être aussi est intervenu quelque événement fortuit.
Des ruptures faites aux chausées, par exemple au moment d’une grande crue suffiraient souvent pour détourner le fleuve à volonté.

20/ Les atterrissements du Rhône et les sables de la mer ont seuls formé la Camargue
Ces atterrissements nombreux qui, toutes choses égales d’ailleurs nous paraissent faire avancer les Bouches du Rhône en sens contraire du courant littoral, ont seuls avec les sables de la mer formé le vaste sol de la Camargue.

Les fouilles, dans cette isle, présente partout à une profondeur variable des couches superposées de limon fluviatile. Les couleurs en sont différente et, dans leur nombre, quatre sont très distinctes à savoir :
le blanc sale, le noirâtre, le jaune rougeâtre, et le gris obscur.

Elles sont analogues aux teintes diverses que prennent les eaux du fleuve, suivant que la Saône, l’Isère, le Gardon ou la Durance dominent dans les débordements. Au dessus des alluvions, on reconnaît le lit de la mer à la forte saumure des eaux, des sables et aux débris de coquillages composés :
d’Arches cuculées (Arca Cuculata)
de Bucardes (Cardium)
de Vénus (Vénus)
de Donaces (Donax)
de Mactres (Mactra)

En citant quelques animaux, nous avons cru devoir les désigner par les noms qu’a employés dans son règne animal l’illustre auteur de l’anatomie comparée. Nous avons rapporté les noms des plantes a ceux de Linné, et à défaut à ceux de la Flora Gallica de monsieur le docteur Loiseleur des longs-champs, dont les analogues, au moins des Bucardes et des Donaces sont très abondantes sur la côte.
Les sables et les coquilles sont stratifiés séparément. Ils alternent avec les bancs de dépôts, et le tout repose sur un lit argileux qui paraît former la dernière base avant le rocher.