Les sept jours précédant la fête de Pâques fournissaient aussi aux enfants l’occasion de s’amuser.

Après les Ténèbres (matines qui se chantent l’après-midi des mercredi, jeudi et vendredi de la Semaine sainte), ils se réunissaient aux portes des églises, et de là, déclenchaient un vacarme à tout rompre dans les quartiers par eux traversés.

Le temps de Pâques (celui de la Résurrection dans la liturgie), symbole de renouveau, était fêté, dans la Provence d’hier, par des coutumes mi-religieuses, mi-païennes.
C’était l’époque des roumavage [1], de la bénédiction des champs, des festivités agricoles ; c’était aussi, pour honorer les beaux jours revenus, le temps du grand nettoyage des maisons et des purifications.

Pentecôte, cinquante jours plus tard (qui commémore la descente de l’Esprit-Saint sur les Apôtres), donnait lieu, tout comme la Fête-Dieu, à de nombreuses manifestations populaires.

Parmi elles, les jeux de la Tarasque * , depuis longtemps déjà en grande désaffection, battaient leur plein au siècle dernier.
La préparation de ces jeux incombait aux Chevaliers de la Tarasque désignés parmi les familles les plus en vue de Tarascon, et sur leur chef, l’abat. Le jour même de Pentecôte, les dits chevaliers assistaient aux vêpres, puis, suivis des mariniers du Rhône et des divers corps de métiers, parcouraient la ville (en distribuant des cocardes) aux roulement des tambours et aux airs des trompettes.

La légendaire Tarasque, dragon à la tête de lion, à la carapace de tortue, aux pattes griffues et à la queue recouverte d’écailles, était actionnée par une douzaine d’hommes dissimulés sous une voile figurant le corps de la bête.
Se lançant dans des charges-surprises contre les spectateurs en même temps qu’était mis le feu aux fusées fixées aux narines de l’animal, la foule, comiquement paniquée, s’égayait dans toutes les directions.
La fête s’achevait par une grande et belle procession, qui, clergé en tête, s’en allait à l’église Sainte-Marthe déposer aux pieds de la Vierge le pain béni et les aumônes.

Cloches qui sonnent, serpenteaux qui éclatent, danses qui se forment et la fête qui durait ainsi une bonne partie de la nuit : c’était là, jadis, la veille de la Saint-Jean d’été.

S’assemblant sur la place des villages, corporations, corps municipal et clergé mettaient le feu à un bûcher composé de sarments et de fascines.
Le rituel de la Saint-Jean, dans les villages montagnards, était d’aller contempler le soleil se lever du haut d’un sommet, et de saluer sa venue par des cris de joie et des sonneries de buccin, joyeux tintamarre auquel répondaient en chœur toutes les cloches de la vallée.

C’était alors la cueillette des herbes aromatiques traditionnelles, et plus spécialement du millepertuis [2]

La Saint-Jean fournissait également l’occasion, à Marseille, d’un important marché aux herbes.
Brocs d’eau jetés des fenêtres sur les passants, plongeons forcés dans le Vieux-Port, bains dans l’étang de Berre, bains dans le Rhône ou ailleurs, c’était, un peu partout dans la région provençale, le cérémonial de l’aspersion sous ses formes les plus variées, les plus inattendues.

[1Roumavage : en français on dirait romérage.
En provençal roumavage viendrait Roumo viaggi c’est à dire le voyage - ou pèlerinage - à Rome. Un roumiou c’est le pèlerin allant à Rome. Par extension, roumavage a signifié « pèlerinage » au sens large, et s’appliquait il y a peu encore aux processions des fêtes patronales ou votives d’une paroisse.

[2Millepertuis : Cette plante tire son nom de son apparence car elle donne l’impression d’être percée de mille trous.
Elle peut être appelée par son nom latin Hypericum perforatum mais aussi millepertuis commun, millepertuis perforé, herbe de la Saint-Jean, chasse-diable...,
Les fleurs jaunes de cette plante étaient utilisées en infusions vulnéraires et en balsamiques.