Ce décret, qui ne différait pas essentiellement de l’arrêt de 1786, allait cependant décider du droit de propriété de l’amphithéâtre. Un arrêté préfectoral du 7 juillet 1809, décida que les contrats de vente seraient passés « au profit du préfet, stipulant pour et au nom du gouvernement, du département et de la ville ».
Mr Alphonse était-il autorisé à interpréter ainsi le décret impérial ?
Le département était-il alors personne civile et apte à contracter ?
Ce serait à examiner de près. Mais toujours est-il que la ville n’ayant pas protestée de son droit unique de propriétaire, en vertu de la prescription trentenaire, les tris acquéreurs figurant au contrat , l’état, le département et la ville, devenaient plus tard propriétaires par indivis, et chacun pour un tiers, de l’amphithéâtre.

Les anomalies commencent alors et se succèdent avec l’ère nouvelle, le conseil général cesse, à partir de 1842, de concourir à l’entretien des arènes, sans que le motif de sa détermination figurent au recueil de ses délibérations. A-t-il voulu renoncer à ses droits de propriétaire ? Pas le moins du monde, mais en laisse les charges à ses associés. De 1813 à 1854, le produit des courses fut versé à la recette générale, à titre de dépôt, et affecté à l’entretien du monument ; il revint ensuite à la caisse municipale. L’état ne voulut pas suivre les errements du département, puisqu’il fut constaté, en 1884, qu’il avait contribué aux dépenses pour une somme de 450 000 francs, pendant une période de 8 ans, et la ville, pour 406 229 francs, mais il fit mieux. En 1855, le préfet du Gard ayant proposé au ministère des beaux-arts d’attribuer au département la jouissance de l’amphithéâtre, sous prétexte qu’il figurait sur le tableau général des propriétés de l’état, il lui fut répondu le 20 mai 1858, que l’on laisserai à la ville la jouissance de l’amphithéâtre , mais qu’on s’en réservait la propriété exclusive « laquelle était hors de toute contestation ». Cette prétention nouvelle et exorbitante n’était pas motivée, et pour cause. Il fallait donc admettre que, contrairement à la circulaire ministérielle du 19 février 1841, régissant la matière, dès qu’un monument est classé, est propriété de l’état, et que l’état peut se prévaloir d’un titre qu’il à créé lui-même. De plus, il se trouverait que Nimes serait l‘objet d’une mesure exceptionnelle, car, tandis que tous ses monuments sont inscrit au tableau officiel, ceux d’Arles, d’Orange, de Vienne et de Fréjus, construits à la même époque et dans les même conditions, appartiennent cependant à leurs municipalités respectives.
Tous les ministres des beaux arts n’ont pas partagé, il est vrai, une doctrine aussi radicale, mais aucun d’eux n’a formulé la sienne d’une manière bien précise. En 1864, on fait savoir à la ville que l’on regrette de ne pouvoir subvenir à l’achèvement de son amphithéâtre ; en 1872, on la prévient que concours du gouvernement est un acte de bienveillance, et qu’on ne fera rien pour les arènes, si, de son côté, elle ne vote pas les fonds qu’on lui demande pour cette destination.
En résumé, voici la situation bizarre que j’annonçais plus haut :
La ville de Nimes, malgré tous ses droits anciens et incontestables, n’est propriétaire que du tiers de son amphithéâtre, mais elle ne paie pas de contribution foncière pour cette part de propriété. Elle touche tous les revenus et est chargée de tout l’entretien, et les arènes sont bel et bien inscrites sous le N° 401 des biens affectés au service des beaux-arts, et tout cela sans titre, sans décret et sans délibération.

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