Sur les traces de Maître Jean.
" Maître Jean ", c’est ainsi que l’on appelait le propriétaire de cette étendue marécageuse, située entre la Méditerranée et la cité montpelliéraine, sur la commune de Lattes.

L’empreinte du pélot est encore marquée au cœur des enganes et des paluds : Maître Jean, par contraction phonique a, peut être sans le savoir, donné son nom à l’étang, le Méjean, qui dans l’Hérault, avec l’étang de l’Or, comptent sur leur périphérie parmi les principales zones d’élevage de taureaux et de chevaux camargue. Mais là ne s’arrête pas l’intérêt du pays.
Gérard Zapata, travaille pour la mairie de Lattes. Il est gestionnaire de ce site qui a traversé les dernières décennies du siècle, exposé à de nombreux bouleversements, liés aux évolutions naturelles et surtout aux transformations de la société. Nous faisons avec lui, un bout de chemin, entre les roselières, les roubines et les martelières, sur lesquelles il veille au quotidien.

Tèrra Nôstra : Employé par la mairie de Lattes, vous êtes chargé de l’entretien et de la surveillance d’un espace dont chacun s’accorde majoritairement à dire qu’il est nécessaire de le protéger. Pouvez-vous nous expliquer comment le projet sur lequel vous vous activez s’est mis en place, et quelles sont plus concrètement vos missions ?
Gérard Zapata : Dans les années 80, environ 140 hectares de marais étaient mis en vente. La mairie de Lattes a alors décidé de prendre le taureau par les cornes en alertant le Conservatoire du Littoral, pour que celui-ci achète les terrains, afin de les soustraire de toute tentative d’urbanisation. Le Conservatoire a répondu présent, et dispose aujourd’hui d’une maîtrise foncière, avec la commune qui est chargée de la gestion du site. Pour ma part, outre ma mission de garderie, je surveille principalement les apports d’eau, dont le contrôle est garant du maintien de la diversité biologique.
T.N. : Le Méjean ne serait donc pas complètement sauvage ?
G.Z. : Il est vrai que l’espace n’a plus un fonctionnement naturel. Pour dessaler les terres, un impressionnant réseau hydraulique a été mis en place pour amener l’eau douce du Lez et de la Lironde. Il s’agissait de développer le maraîchage sur le pourtour de l’étang, jusque là fortement salé. Aujourd’hui, les canaux sont toujours utilisés pour l’agriculture. En ce qui me concerne, je manipule pour le site du Conservatoire, les ouvrages hydrauliques pour la mise en eaux des différents marais, en fonction du plan de gestion. Il s’agit d’une veille permanente, qui consiste à suivre la salinité, à vérifier les niveaux, à entretenir les digues et les vannes...
T.N. Vous êtes basé à la Maison de la Nature de Lattes. Quel est le rôle de cette structure ?
G.Z. : La Maison de la Nature a été créée en 1993, pour répondre à un besoin de découverte de plus en plus fort, manifesté par le public. Ce bâtiment se situe au début d’un parcours de 11 km, que l’on peut faire à pied, à vélo ou à cheval. La Maison est équipée d’une salle d’exposition et de conférence, et d’un observatoire à l’étage. Elle est ouverte tous les jours, sauf le mardi et le jeudi.
T.N. :La mission d’information qui vous incombe, est-elle une de vos priorités ?
G.Z. : Je le crois en effet. Si on veut préserver durablement le site, il est indispensable que le public prenne conscience de son intérêt à plusieurs niveaux. Pour beaucoup de visiteurs, c’est l’aspect récréatif qui domine, mais au travers de leur démarche, ils comprennent progressivement le rôle écologique joué par cet espace habité par une faune et une flore remarquables.
Je pense aussi que nos actions servent plus globalement la promotion du patrimoine camarguais, auprès de populations qui n’y sont pas forcément sensibilisées. Je pense notamment au travail que nous faisons avec l’ANELM (association d’éducation à l’environnement), en relation avec les manadiers : il s’agit de faire connaître aux enfants l’élevage traditionnel et tous les jeux qui vont autour.
TN : Que peut-on voir actuellement au Méjean ?
G.Z. : En ce moment les promeneurs observent surtout les cigognes. Nous avons mis en place un second nid qui vient de recevoir ses premiers hôtes. Les échasses blanches, les guêpiers... sont aussi sur le domaine. Pour tout renseignement, concernant les visites ou les expositions, on peut nous contacter au 04 67 22 12 44.
T.N. : Comment envisagez-vous l’avenir du Méjean ?
G.Z. : Le cloisonnement auquel l’étang est soumis a tendance à accélérer son comblement, d’autant plus qu’il est situé en bout de bassin versant, où beaucoup d’eaux chargées se déversent.
Il n’y a peut-être pas de solution pour inverser le processus, mais je crois que notre travail d’information du public et de concertation avec les acteurs locaux, chasseurs, manadiers, pêcheurs, conduira à une réflexion, favorable à une plus grande prise en compte des milieux naturels par les générations futures.
"Maître Jean ", votre étang n’est plus le même, mais les biòu qui l’entourent encore, sont des cadeaux du destin. Ils sont les graines fertiles de notre mémoire, ils poussent dans les marais, les prairies, les sansouires, pour alimenter nos souvenirs et nos projets.
Messages
1. Sur les traces de Maître Jean., 16 janvier 2015, 19:30, par Liberté
Très bien cet article Serge !
Cela ne m’étonne pas de toi, un spécialiste des zones humides, passionné par la flore et la faune du Scamandre et d’ailleurs...
J’aimerais savoir depuis quand, les cygnes occupent les territoires de Camargue et est il vrai qu’ils chassent en même temps les autres volatiles tels que les flamands roses, canards... ?
Liberté
1. Sur les traces de Maître Jean., 17 janvier 2015, 10:11, par colombo
Salut Jean-Pierre,
Des hypothèses sont naturellement émises sur l’impact des cygnes tuberculés en Camargue au regard du fort accroissement des populations en une dizaine d’années (+85%.)
En tant que chasseur, je me souviens que l’observation d’un cygne lors d’une passée aux canards il y a un peu plus de vingt ans, était un événement exceptionnel. Aujourd’hui, c’est plus que banal et on en compte par dizaines.
Des études scientifiques ont été menées afin d’avoir des données objectives sur la "nuisance" éventuelle de ces gros oiseaux. Ils consomment plusieurs kilos d’herbiers aquatiques chaque jour.
Néanmoins, si l’état des étangs est de bonne qualité, avec une belle eau, favorable à la pousse des herbiers, cela n’aurait pas d’incidence majeure.
Sur les sites où il y a beaucoup de cygnes et où les herbiers sont abondants, la concurrence avec les autres espèces d’oiseaux ne serait pas significative.
Pour faire simple : la dégradation des milieux naturels (mauvais qualité de l’eau, manque de circulation des flux, changement radical de gestion...), resterait la principale cause de désertion de certaines espèces.
Toutefois des cas particuliers pourraient être identifiés avec un impact négatif d’un trop grand nombre de cygnes. Là, pourquoi ne pas envisager une gestion intelligente qui conduirait à une régulation des effectifs avec la participation de chasseurs responsables ?
Bien à toi.
Serge
2. Sur les traces de Maître Jean., 18 janvier 2015, 06:20, par Bernard
Une réponse de haute qualité, merci