L’habitation rurale est le reflet de l’état de prospérité ou de stagnation d’une époque. C’est au XVIIe siècle, période de prospérité agricole et de mise en culture de la Camargue ( céréale) et d’une partie de la Crau (foins) que remonte la plupart des mas de cette région, qui ont conservé, à travers les vicissitudes des temps, les noms de leur propriétaire des règnes de Louis XVIII et de Louis XIV : Saxi, Romieu, Méjanes, Beaujeu, Antonelle, Variole, Azégat, Brunet, la trésorière, la Lieutenante, Farinon, Payant, Bontemps, etc…

L’habitat rural est aussi le témoin de la vie d’une famille, et de son état de fortune, et c’est en cela que le moindre mas a tant de vie personnelle, qui nous émeut et nous attire, alors que nous laisse froid les bâtisses en série d’un entrepreneur anonyme.

La construction ancienne, celle d’une maison, comme celle d’une cathédrale, ou d’une église de village, n’était point faite à crédit, avec un budget prévu pour un « plan d’ensemble » ; mais elle s’élevait selon les disponibilités du propriétaire, qui lors d’une bonne récolte, ajoutait une pièce à droite, et souvent de longues années après, une autre à gauche ou au dessus de l’écurie. Point de ligne rigoureusement droite, d’une sècheresse abstraite qui sent le « rendu » d’école ; mais d’une façade de pièces et de morceaux, coiffés de toitures se chevauchant l’une l’autre, avec des inclinaisons différentes comme un costume rapiécé, qui révèle la sordide et magnifique économie d’une race de paysans. Le bâtisseur ancien a le mépris de l’alignement , de la symétrie, dans les toitures comme dans les ouvertures, et son œuvre en a acquis toute la chaleur intime qui est absente du relevé abstrait et symétrique , fait par un idéologue, fond de son cabinet , avec une planche et une équerre.

Notre époque qui sera, comme tout le fait présager, une période de prospérité agricole, connaitra un vif essor de l’habitation paysanne ; elle à déjà une « politique rurale ». On envisage avec sagesse, l’amélioration de l’habitation et celle de la culture, qui seront mises en harmonie avec les exigences de la ferme moderne et pratique. Bien des progrès restent à faire, certes dans un pays, où la terre a été méprisée, abandonnée, désertée et où des villages entiers ne présentent que ruines.

Aurons-nous un style rural 1941 qui se greffera sur l’architecture rurale de Louis XIV, sous prétexte d’apporter un standard de confort à de vieilles habitations ? Et l’amélioration de ces vieilles demeures consistera-t-elle à introduire un canon systématique de maison, sans attaches avec le terroir, né sur la cote d’Azur, avec son pigeonnier sans habitants, dominant la crête rectiligne d’une toiture, des fenêtres symétriques, une porte à pergola coiffée d’une génoise plein-cintre, et des murs couleur ocre ? Le confort, ou ce que l’on appelle de ce nom de sens parce qu’impersonnel, imposera-t-il un plan-type à la maison et a ses dépendances, de telle sorte qu’elle puisse être habitée indistinctement par toutes les familles de paysan, de toutes les contrées de l’Europe ?

L’académie d’Arles fait appel à tous les concours, artistes, propriétaires, exploitants, folkloristes, architectes ou ingénieurs, qui voudrons bien signaler et étudier les mas qu’ils connaissent, dans les différentes région de « l’Arlésie » , en Crau, en Camargue, dans le Trebon, la Montagnette, le Val de Durance. Il s’agit de définir les caractères traditionnels du mas, les matériaux de sa construction,(pisé, cailloux de Crau, moellons, tuiles) sa disposition intérieure (1), le groupement de ses dépendances alignées dans un seul corps de bâtiments ou au contraire formant des ailes ou une cour, avec photographies, diorama, plans et relevés cotés.

Cette enquête, dont les meilleurs envois figureront au Muséum Arlaten, permettra, en accord avec le service du génie Rural, d’organiser une exposition de l’Habitation paysanne, qui servira de base aux projets de construction et d’amélioration de l’habitât rural dans le pays d’Arles.

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