Doit-on présenter Marius GARDIOL ?
Tour à tour, spectateur, révistero, gestionnaire d’arènes, chef de rubrique taurine, Marius GARDIOL — plus connu sous le pseudonyme de MARIO — a derrière lui (en 1982 NdR) 60 ans de Courses Camarguaises.
Nous lui avons demandé d’évoquer ses souvenirs taurins, ses débuts de revistero, ses meilleurs moments aux arènes, la création du Trophée des As...

Et, comment, ne pas en venir aux problèmes actuels ?
Règlements du Trophée désuets, règlementation...

Ses réponses sont sans équivoque et confirment ce que tout aficionado devinait, l’Aficion de Marius GARDIOL demeure inébranlable et sa passion pour les taureaux sans égale.

La Bouvino - Tous les aficionados connaissent votre visage.
Tous lisent avec intérêt vos articles.
Mais bien peu vous connaissent réellement. Pour commencer, parlez-nous de votre vie d’aficionado et de révistero.

Marius GARDIOL - « J’avais les culottes courtes quand j’ai commencé à me rendre aux arènes. Je suis allé voir courir le « SANGLIER » en partant sur la charrette de M. CARTIER, le père de l’ancien Conseiller Général.
J’ai couché à Bellegarde dans une grange et je suis reparti le lendemain pour Vauvert sans savoir comment je retournerai à Beaucaire.

A ce moment là, les arènes de Vauvert étaient la propriété de M. VALENTIN, qui, quelques mois plus tard, décida de ne plus louer ses arènes.
Il s’en servit alors pour battre le blé.
C’est à ce moment là que les arènes de Vauvert ont été construites au « Jeu de Ballon ».

J’ai vu la dernière course du raseteur LAPLANCHE qui, en guise d’adieu, plaça un garrot au « SANGLIER ». Cela se passait probablement en 1922.
Ce n’était certainement pas la 1ere course à laquelle j’assistais mais c’était une de mes toutes premières.
Par la suite, et depuis 60 ans, j’ai toujours continué à aller aux arènes.

Mes débuts de révistero sont le fait du hasard.
M. Marcel SALEM (TAMARISSO) écrivait dans une revue taurine : Le Toril.
En même temps, il était représentant en bonbons et passait dans les magasins pour y vendre sa marchandise.
Un jour, il s’est arrêté au dépôt de presse que tenaient mes parents et il leur a demandé s’ils ne connaissaient pas quelqu’un, passionné de taureau et capable d’écrire. Et ma mère fut toute fière de lui répondre «  J’ai mon fils qui fera votre affaire ».
Ainsi, j’ai commencé à écrire au TORIL.

J’étais encore étudiant au Petit Séminaire à Beaucaire. Le Petit Séminaire n’était pas loin des arènes. Bien qu’habitant Beaucaire, j’étais interne et, comme tous les internes, je n’avais pas le droit de sortir le dimanche. Mais, il y avait, à 100 mètres seulement des arènes une cour d’été. Quand j’entendis la trompette annonçant la sortie du 1er taureau, je n’ai pu résister. J’ai « fait le mur » et je pus ainsi écrire mon premier compte-rendu.

Ensuite, j’ai continué à écrire dans le « TORIL » jusqu’au moment où AGUILITA, révistero remarquable, est décédé et le journal disparut avec lui.
Je suis resté quelques temps sans écrire.
A Beaucaire, venait de se créer, l’Association des Aficionados Indépendants. Association qui manifestait sa désapprobation envers le directeur des Arènes de l’époque M. SOL qui ne présentait que des corridas et faisait peu de cas des courses libres.

Quand M. SOL quitta, bon gré, mal gré la Direction des arènes (arènes qui n’attiraient plus de monde), le maire me demanda de les gérer pour le compte de la ville, en accord et en harmonie avec la Commission Taurine. C’était en 1935 et je m’en suis occupé jusqu’en 1940.

Notre première tâche fut de redonner vie aux arènes. Cela fut possible grâce à Fernand GRANON qui à plusieurs reprises nous fit l’honneur de présenter ses taureaux.
En 1945, lorsque je suis retourné de captivité, j’ai refusé malgré la proposition du maire, de continuer à les gérer.

A nouveau, je me suis mis à écrire quelques articles pour le MIDI-LIBRE et le PROVENÇAL.
Peu de temps après, un inspecteur du PROVENÇAL se rendit à Beaucaire chez le photographe SEMONNAY. Il lui fit part du projet du Provençal. Ils me le communiquèrent. Avec M. Georges THIEL qui en avait eu l’idée, nous avons donné corps au projet.
Le Trophée était né.
Les résultats ont été satisfaisants la 1ere année. Ils le sont toujours 31 ans après ».

« 6 TAUREAUX M’ONT PROFONDEMENT MARQUÉ »

L.B. - En 60 ans d’activités taurines, on vous reproche aujourd’hui d’être un homme du passé qui ne peut parler ou écrire sans faire référence au SANGLIER.
M.G. - « Certains parleront longtemps de VOVO. D’autres de GANDAR ou de GOYA ».

L.B. - Pensez-vous que citer toujours le SANGLIER soit compatible avec l’homme de Presse que vous êtes en 1982 ?
M.G. - « Je m’en sers pour établir des comparaisons. Des taureaux comme le SANGLIER, je n’en ai plus revu ».

L.B. - Puisque nous parlons taureaux, dites-nous ceux qui vous ont le plus marqué tout au long de votre vie d’aficionado.
M.G. - « Toutes les époques ont donné d’excellents taureaux et la liste serait longue.
Mais je citerai 6 taureaux qui m’ont profondément marqué.
En premier, et je ne surprendrai personne : Le SANGLIER. Sur le plan physique, c’était un taureau remarquable de type camarguais exceptionnel.
Il était doué de toutes les qualités qui généralement ne se retrouvent pas chez un taureau. Il coupait le raset et si le raseteur parvenait à passer la tête, c’était la finition à la barrière.

En général, les taureaux qui coupent et ont de la vitesse ne font pas le coup de barrière car ils arrivent trop vite.

Evidemment, la carrière du SANGLIER a été remarquablement conduite. Il n’a couru qu’à Lunel (où il a fait la majorité de ses courses) et à Nîmes.
Il est allé une fois à ARAMON pour des raisons extra-taurines et il n’est venu à Beaucaire qu’en 1927, à la fin de sa carrière.

En second lieu, et là, peut-être vais-je étonner ? Je placerai GOYA.
Quel taureau intelligent !
Il devinait ce que les raseteurs allaient faire. Souvent mon voisin de course disait : « Il peut sortir demain, il n’est pas fatigué ». Mais, pour moi, voir GOYA me plaisait. Sa façon de se tenir en piste, sa manière d’intercepter et de voir les calculs des raseteurs.
GOYA dominait les hommes.
C’est de la tauromachie que j’aime.

Les 4 autres, par ordre chronologique sont : CLAIRON, BANDOT, VOVO, GANDAR.

CLAIRON a été statufié de son vivant.
C’est une référence.

BANDOT fut un taureau criminel au style roublard.
Un sieur nommé CATALINO s’est présenté un jour dans la piste de Nîmes et a cité le SANGLIER de face. Le taureau est venu très fort et CATALINO l’a écarté.
Au bout de 2 courses, Fernand GRANON est venu le trouver et lui a demandé de ne plus écarter SANGLIER.
Alors, CATALINO voulut écarter BANDOT.
Ce fut différent et... impossible. BANDOT s’arrêtant à 3 mètres de l’écarteur !

Certains raseteurs n’ont jamais compris qu’il ne fallait pas faire la reprise à BANDOT.
Il n’attendait que ça pour surprendre l’homme.
C’est ainsi qu’il prit, entre autres BOUFFIER dans les arènes d’Arles. D’ailleurs, GRANON comparait BANDOT à SANGLIER et à ce moment-là, le Marquis de Baroncelli avait une course exceptionnelle.

VOVO était d’une rudesse et d’une brutalité inouïes.
Franc sur le raset, la crainte était de se faire coincer à la barrière.

VOVO m’a permis d’assister à 2 évènements extraordinaires aux arènes de Lunel.
D’abord, un raset de VOLLE à gauche de la Présidence en regardant le toril. J’étais persuadé que VOLLE avait calculé son coup. VOLLE, en terminant son raset, sachant que VOVO allait lui sauter derrière, avait réussi à passer dans un cadre qui se trouvait au dessus d’une porte. Mais VOLLE a toujours prétendu le contraire.

Ce même jour, VOVO en contre-piste a cassé une bonne partie des bois de l’amphithéâtre et est passé dessous.
La porte de sortie des arènes était ouverte.
Il aurait pu se retrouver dans les rues de Lunel. VOVO a préféré s’en prendre à la buvette.
Mais, il y avait aussi les escaliers qui donnent accès aux gradins. Et VOVO aurait pu y accéder.
Comme tout le monde, je tremblais sur les gradins. Comme tout le monde, j’avais peur et je craignais que VOVO n’arrive. Personne ne pourra vous dire le contraire. J’ai vécu là, avec de nombreux aficionados, l’un des moments les plus extraordinaires de ma vie d’aficionado.

Quant à GANDAR, ce fut un monument. Un taureau remarquable ».

2ème partie... *