Le raset (1/2)
Le terme raset, dénomination provençale de la façon de frôler le taureau, dépeint parfaitement la trajectoire suivie par l’homme qui rase le "terrain" de l’animal.
Dans un autre article nous avons vu que l’acte essentiel de la course consistait à dépouiller le taureau en piste des attributs que sont, la cocarde, les glands, et autre ficelles, qui avaient été fixés sur son front et à la base de ses cornes. Cet acte se nomme le "razet" et les hommes qui le pratiquent s’appellent des "razeteurs"
Il ne s’agit pas d’un geste gratuit car chacun des attributs du taureau représente une somme fixée à l’avance et susceptible par la suite d’enchères au cours de la course suivant la combativité du taureau qui les porte, et de l’adresse des razeteurs en piste.
Le terme "razet", est une dénomination Provençale de la manière de frôler le taureau, d’y passer au plus ras possible, dépeint parfaitement la trajectoire suivie par l’homme qui rase le terrain de l’animal.
- On appelle "terrain" du taureau l’espace lui permettant d’évoluer de manière à atteindre l’homme instantanément.
- Il existe différentes formes de razet, mais nous en décrirons seulement une, (1) celle qui fut pratiquée dès le début des courses, à l’époque où la beauté des gestes était, dans l’opinion des connaisseurs, aussi importante que leur efficacité.
- Le principe du razet proviens du réflexe naturel des hommes primitif qui, poursuivis par des brutes furieuses, utilisèrent crochets et zigzags dans une course éperdue pour leur échapper et s’aperçurent que ses changements brusques de direction obligeaient les quadrupèdes à diminuer leur vitesse.
- En effet, le taureau est beaucoup plus rapide que l’homme dans la ligne droite et le rattraperait à coup sûr si ce dernier se trouvait un refuge.
- Il est aisé de le remarquer lors des courses d’amateurs et de vaches emboulées, comme nous le verrons plus loin. Le premier réflexe du novice descendu dans l’arène est de fuir à toutes jambes vers les barrières, sans biaiser ; lorsqu’il est poursuivi par l’animal. Dans ces conditions, il est souvent renversé et va rouler au sol avant d’avoir pu atteindre un abri.
Il s’agit donc de ralentir la course du taureau en l’obligeant à changer de direction. En effet, la constitution de ce quadrupède l’oblige, sous peine d’être déséquilibré, à freiner et à entamer des voltes sur place à chaque changement brusque de direction. Il s’ensuit que les taureaux les plus dangereux sont ceux qui possèdent une grande souplesse de rein leur facilitant les virages dans un espace très restreint.
Considérons un razet typique. Au départ, le cocardier fait face au centre de l’arène où se trouvent les hommes qui le provoquent, épiant leurs gestes, la tête haute, dans une attitude majestueuse qui fait ressembler les taureaux camarguais aux cervidés de nos forêts.
L’homme qui veut effectuer le razet se place, s’il est droitier, face à l’avant gauche du bovidé, de manière à pouvoir utiliser son bras le plus habile pour « décocarder » l’animal lorsqu’il passera devant sa tête et à une distance variable à l’extrême en fonction de la grandeur des arènes et de la vitesse estimée du taureau.
Pour que le razet soit de qualité, le raseteur doit être vu de l’animal dès le départ. Dans ce but, il « cite » le taureau, c’est-à-dire qu’il attire son attention par un bond en l’air bien souvent, les bras levés, un cri ou un cout de sifflet. Il ne doit prendre sa course que lorsque l’animal l’aura distingué parmi les autres hommes vêtus de blanc qui gesticulent dans l’arène.
Ce départ de razet est de plus en plus difficile à réaliser correctement en raison du nombre croissant des razeteurs en piste, nombre que l’on n’a pas encore décidé de limiter puisque la course est libre et que chacun peut y participer.
Ayant attiré l’attention de la bête, le razeteur démarre à une allure moyenne dans une direction devant couper celle que le taureau prendra lorsque, voyant l’homme se rapprocher de son champ d’évolution et constituer pour lui un danger, il partira a son tour.
L’homme accélère alors l’allure pour parvenir le premier au point de rencontre des deux trajectoires ; il passe devant les yeux du taureau lancé en pleine course en infléchissant à ce moment sa direction à droite, de manière à obliger l’animal qui veut l’atteindre à faire de même.
Il se produit ainsi un ralentissement dans la course de la bête qui exécute alors un mouvement tournant presque sur place, analogue à une demi-pirouette de haute école.
C’est ce demi-arrêt, que profite le razeteur pour essayer de décocarder l’animal à l’aide du crochet qu’il tient à la main droite.
Le grand razeteur, connaissant bien son métier, ne quitte pas l’attribut des yeux au moment de son passage devant la tête du taureau et, son geste ample, non dénué d’élégance, détend son bras vers l’objet convoité.
L’homme poursuit ensuite sa course en arc de cercle, se rapprochant des barrières vers lesquelles il n’a plus qu’à aller chercher refuge. Le taureau cherchera alors à l’atteindre, s’acharnant au besoin sur la barricade.
Pour détacher la cocarde du frontal, le razeteur utilise un crochet court à quatre branches qu’il tient à plaine main. Ce n’était qu’un simple appareil analogue à un croc de boucher lorsque Léon Héraud dit « lou pissarel » l’utilisa pour la première fois avant 1900.
(...)