Par ce doux après-midi de fin d’été, ils étaient tous là.
Dans la piste et surtout sur les gradins, ils étaient nombreux à vouloir rendre hommage au champion. Il y avait d’anciens raseteurs comme André Soler et toute la vieille garde des aficionados.
En piste, il y avait même le « papes » (à la mode Montand), Félix Castro, qui (re)tournait pour son fils.

«  Vingt ans, que ça passe vite !  ».
Silencieuse et réservée, Josy Castro partage depuis deux décennies la vie du héros. Et, en ce jour de fête, comme la plupart des 7.000 aficionados réunis à Nîmes, elle ne peut s’empêcher de réaliser un flash-back sur les grands moments de la carrière de son époux de raseteur. Les images se bousculent dans sa tête blonde.
Émotion.

Evidemment elle parle de « Goya » :
« C’est un souvenir fabuleux.
Quand Patrick devait le raseter, il détestait en parler avant. J’embarquais les enfants dans la voiture et on ne décrochait pas un mot durant tout le trajet.
Au retour, ça allait mieux
 ».

« Je me souviens aussi d’une course à Nîmes où Patrick avait traversé toute la piste dans le berceau des cornes de « Valespir.
C’est vrai parfois j’ai tremblé de peur mais quand on est la femme d’un raseteur et que l’on a deux enfants, on ne peut pas regarder une course comme un match de foot ! ».

Dans le film qui se déroule sous les yeux de Josy Castro, il y a aussi les mauvais moments : l’angoisse, les blessures.
« Quand il a été blessé par « Ringo », j’ai laissé mon fils Laurent, qui avait alors 9 ans, sur les gradins et je me suis précipitée à l’infirmerie.
Je suis arrivée avant le médecin.
Tout le monde me disait que c’était rien. Mais en fait Patrick a dû subir deux opérations
 ».

Pour celle qui est volontairement toujours restée dans l’ombre du champion « maintenant on va pouvoir vivre plus tranquilles ».
Si Laurent, âgé aujourd’hui de 18 ans (en 1998, NdR) a préféré le foot au taureau, Elsa, la jolie petite fille de 10 ans est une vraie aficionada, « à part mon papa, mes raseteurs préférés sont Chomel et Jourdan.
J’aime aussi Frédéric Lopez mais je crois que maintenant il ne fait que tourner !
 ».

Dans la piste, Patrick Castro vient d’accomplir son dernier raset sous les ovations d’un public ému et reconnaissant.
«  A 40 ans j’arrête  ».
Le champion n’a pas voulu se voir vieillir en piste.
Mais partir c’est mourir un peu [1] Patrick le-dur écrase discrètement une larme sous un tonnerre d’applaudissements de la foule qui s’est levée pour l’acclamer.
Le speaker, lui, a sorti son mouchoir.
Une page de la Bouvine se tourne.

D.A.

[1partir c’est mourir un peu : phrase extraite de l’œuvre Rondel de l’adieu ! d’un poète français - Edmond Haraucourt (1856-1941) - éditions Gallimard
"Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu." (NdR)