Une maison neuve de belle allure en bordure de la route à l’entrée de Lunel, une bonne douzaine de coupes et trophées trônant sur une immense cheminée provençale : nous sommes chez Robert MARCHAND un sportif parfait véritable athlète d’un mètre quatre vingt.

Notre raseteur est né le 8 mai 1940 à Nîmes.

Son esprit d’entreprise lui trace la voie qui mène à la réussite. Il exploite un domaine agricole ce qui l’absorbe passablement et nous prive souvent de lui.

Robert MARCHAND est marié avec une lunelloise qui l’accompagne souvent aux courses avec ses deux enfants.
Son tourneur Henri LOPEZ, de Saint-Laurent-d’Aigouze, ancien raseteur au large sourire sympathique n’a pas moins de dix ans d’activité taurine derrière lui. Il est du cru des tenues blanches qui ont fait leurs preuves lors des plans de charrettes.

Robert MARCHAND et Henri LOPEZ forment un des plus sérieux tandems de la course libre actuelle.
MARCHAND débute en 1959 à la fête votive d’Aigues-Mortes prenant part aux exercices taurins d’amateur. Il jouait alors plus souvent pour le jeu, pour attraper les taureaux plutôt que pour raseter véritablement.
Pourtant à force de remarques et de conseils il finit, par revêtir la tenue blanche et très vite se fait une place respectable parmi les acteurs des pistes.

Son style de « saut coulé » à la barrière lui fait dire qu’il n’aime pas les grandes pistes ainsi que les barrières démesurément hautes.
Lorsqu’on analyse sa façon de raseter nous comprenons aisément que ceux qui pratiquent ce même style de combat et souhaitent donner correctement le coup de crochet avantagent toujours le cocardier pour peu que l’homme soit surpris par la barricade à la fin de son raset.
C’est d’ailleurs la source de sauts et plongeons spectaculaires dans les contre pistes, pis encore, c’est aussi la cause de blessures graves qui ont leur souvenir sur le corps des raseteurs.

Robert Marchand à Mauguio avec son tourneur Michel Chalon

Voici un exemple : En 1962, aux arènes de Bouillargues, face au cocardier « Serpent » de Raynaud, sur une seule action de piste classique, MARCHAND tente par trois reprises de prendre l’attribut.
A la fin de son raset il se retournait et était surpris, sans élan, face à la barrière et ce fut un coup de corne de 10 centimètres environ dans la cuisse droite.
Il avoue sa faute professionnelle.

— Si l’on pouvait réduire ces barrières trop hautes, nous confie-t-il, cela serait beaucoup plus équitable pour les deux acteurs : saut de l’homme plus aisé et tendance du cocardier à l’action sur le coup de barrière.
Nous ne le répèterons jamais assez.

Dans certaines arènes c’est l’inverse, barricades trop basses et contre-pistes trop larges.
MARCHAND ajoute qu’il serait souhaitable et utile qu’une commission tauromachique se penche sur le problème de ce grand cercle rouge afin que l’on mette au point des normes pour les constructeurs d’arènes afin qu’il soient de bons architectes sans doute mais aussi de bons afeciouna.

La course camarguaise fait voir et revoir les mêmes acteurs hommes et cocardiers s’affrontant en des pistes différentes. N’oublions jamais que la course libre est un jeu taurin aux multiples facettes. Il serait difficile, voire dangereux de tout vouloir normaliser et standardiser.

MARCHAND continue :
— « Cette commission pourrait éventuellement s’employer à revoir certaines petites arènes qui sont encore datées de moyens « préhistoriques » comme les clèdes et les galiniers, pièges à jambes pour les raseteurs... »
Il n’est pas un afeciouna qui ne connaisse le talent et la classe de Robert MARCHAND face aux cocardiers.
Pourquoi ses belles actions sont-elles si rares ?

Madame MARCHAND répond :
— « Mon mari a 33 ans et des responsabilités familiales cela lui donne droit à des excuses ».
— MARCHAND ajoute :
« Je ne suis plus l’homme de la « bourre, je préfère en faire peu plutôt que d’en faire beaucoup et mal ”.

Sa devise « Travail et qualité » sera payante tôt ou tard.
Il est un économe et un consciencieux qui s’ignore.
Il recherche le raset honnête.
En piste, il est toujours prêt pour faire preuve d’esprit d’équipe et soutient ses camarades en danger. Son ceil et ses réflexes spontanés lui dictent plus souvent qu’à son tour et lui permettent des quites efficaces.

Sur le terrain de l’égalité face au cocardier dangereux, MARCHAND sait garder la tête sur les épaules. Au milieu de trente-cinq bonhommes il se garde bien de faire partie de cette équipe de « dévariés », pour reprendre son expression qui image fort bien sa pensée.

A propos des raseteurs qui attaquent le cocardier dès la sortie, il nous dit :
— «  Lorsque le taureau entre en piste, il faut l’étudier surtout si l’on se trouve en face d’un quatrain (taureau neuf). Chaque cocardier ne se rasete pas de la même façon.
Il faut tenir compte des terrains favorables, des déplacements de la bête vers le toril ou dans le sens contraire.
Je dirais même qu’il faut tenir compte des pistes...

En ce qui me concerne, j’ai toujours aimé raseter le taureau arrêté dans sa cantounade.
Mon raset est une action courte alors que l’attaque doit être une action longue. J’aurai trop peur de me faire emporter, c’est d’ailleurs pour cela que je ne rasète plus GOYA et ensuite parce que je n’ai jamais eu de chance avec les taureaux qui sautent après l’homme. »

Permettez-moi de vous conter brièvement quelques faits pour mieux me faire comprendre.
En 1964, à Mouriès, BOURDON, de Blatière, saute après moi dans la contre piste.
Je ne réussis pas à m’accrocher à la rampe et m’empale sur une de ses cornes qui me blesse sous le bras droit.
En septembre 1967 encore à Mouriès, JUIF, de Pastré saute et me coince contre le mur me portant un très grave coup de corne entre les deux jambes, huit jours d’hôpital.
Puis, c’est LOUPIOT, de Laurent, aux arènes de Nîmes qui saute aussi. J’ai une oreille décollée et me relève plein de bosses.

En octobre 1972, à Saint-Gilles, c’est AIGUILLUR, de Chapelle, qui saute et me coince contre un platane. Je ne voyais plus le moment d’en terminer avec ce taureau et j’en passe...
Comme ma première blessure par un taureau jeune de Lafont, aux arènes de Mauguio, en 1960  : dix centimètres de corne dans ma cuisse. Mea culpa.
J’avoue mes fautes professionnelles.
J’estime donc que lorsque le raseteur se trouve en piste avec un taureau sauteur, le jeu n’est plus équitable, les chances inégales à moins que sa détente, sa dextérité, ses réflexes lui permettent de terminer son raset sur la hauteur des gradins.

Nous ne pouvons nier l’évolution de la course libre vers une nouvelle forme de combat.
Désormais le raseteur doit être un équilibriste.

Robert MARCHAND reste optimiste et voit la course à la cocarde suivre son cours et prédit pour l’avenir de grandes et belles journées de bouvine.

JACANT

.

.

En 1962, premier au Trophée des Jeunes Raseteurs à Mouriès, successivement en 1964, 65, 66, 67 et 69, il termine vainqueur du Trophée Jacques Girard, toujours à Mouriès.
C’est en 1969 qu’il enlève le XVlllème Trophée des As (Le Provençal - Midi-Libre - Pastis 51).
En 1967, 1969 et 1973, la prestigieuse Cocarde d’Or en Arles lui revient.
Consécutivement pendant une dizaine d’années, il finira deuxième pour cette même compétition.
En 1970, il décroche le Trophée Taurin des Commerçants à Lunel et en 1972 il s’octroie le Trophée Roger Turrier, à Barbentane.