Il y eut, par contre, des interdictions nombreuses de pratiquer les courses de taureaux, interdictions qui revinrent périodiquement et finirent en 1814, par une limitation des courses aux dimanches et jours fériés, obtenue de haute lutte par le préfet du Gard auprès de Breugnot directeur général de la police impériale.

La lettre du préfet du Gard à ce haut fonctionnaire nous apprend d’autre part, bien des choses. D’abord l’enthousiasme des populations qui arrivent à remplir les arènes de Nîmes pour le spectacle de ce qu’on qualifie "jeux nationaux". Cette lettre nous indique encore que les arènes de Nîmes furent débarrassées en 1812 de leurs habitants pour être rendues à leur destination première.

En effet, le peuple Nîmois, amateur depuis fort longtemps des taureaux " à la corde" et " à la bourgine", organisait à la fin du XVIIIe siècle, dans les arènes de fortune, des courses à la cocarde et au "mannequin", ne pouvant utiliser les arènes romaines habitées depuis que le goût des taureaux était passé des mœurs de la Provence.

La municipalité nîmoise manifesta son mécontentement devant la recrudescence de ces courses folles de taureaux encordés en sursis d’abattoir et, devant les désordres provoqués, interdit ces courses en 1778.
Cette interdiction fut reprise le 20 Fructidor An IV, sans doute en raison de l’inobservation des mesures édictées. Elle fut renouvelée pour tout le département du Gard quatre ans après, le 18 fructidor An VIII (1)

Mais l’"Aficion" brûlait d’ardente façon au cœur des Nîmois, et le 19 messidor An XII (2), le peuple enfonça les portes des abattoirs, après avoir bousculé les gendarmes qui les gardaient, et lâcha dans les rues les bœufs et les taureaux Camarguais "enlevés de force aux bouchers".

A la suite de cet incident, la municipalité prit deux arrêtés sévères interdisant ces distractions "dangereuses et indignes d’un siècle et d’un peuple civilisés". Tout attroupement devant l’abattoir serait déclaré séditieux et dispersé par les armes.
Cette fois, le peuple suivit les directives municipales confirmées avec sévérité par l’autorité suprême le 28 juillet 1804
Cependant, cette législation contraire aux goûts et aspirations publics ne pouvait durer et l’interdiction fut levée à l’occasion du premier évènement heureux : la naissance du roi de Rome, le 20 mars 1811. Des arènes furent bâties à coté des anciennes et, "course, lutte et jeux de taureaux furent organisés, de manière à donner au peuple cette gaîté qui caractérise les gens du midi" (circulaire du baron Rolland, préfet du Gard)

Ces arènes provisoires reçurent, les 9 et 10 juin 1811, de 12 à 15000 personnes. C’est alors que les pouvoirs publics se rappelèrent avoir voté en 1806, le 28 août le dégagement des arènes, et entamèrent une nouvelle série de travaux qui, poursuivant ceux commencés en 1809, s’achevèrent en 1813.

Les courses de cocarde existaient donc à la fin du XVIIIe siècle, mais n’étaient qu’une partie du spectacle qui se terminait souvent tragiquement. Béranger Féraud conte en effet en 1819, que les combats voyaient des hommes planter de petits pavillons dans la tête des taureaux avant de les terrasser et de les égorger.

La course n’était alors qu’un de ses spectacles taurins où subsistait la sauvagerie des premiers siècles, comme le fut la corrida avant Costillarès et Pedro Romeo, mais elle portait en germe le principe du combat du Languedoc tel que nous le concevons. F.Branchu, impresario des arènes offrit à ses concitoyens, en octobre 1813, un spectacle dans lequel figurait un taureau opposé à un mannequin rempli de pétards « pour exciter l’animal » et deux taureaux à la cocarde, avec un prix de quinze francs par cocarde enlevée.

La foule préférait, aux dires d’u journaliste de l’époque, les jeux de cocarde aux cruautés exercées contre les taureaux, mais, hélas ! Les cocardes exigeant de l’impresario des dépenses supplémentaires, il ne lui était pas possible d’afficher souvent des spectacles de cette sorte.
Le spectacle taurin continua longtemps encore à l’état d’assemblage décousu de séquences diverses, de jeu de cirque, comme la course d’un buffle le 14 août 1814, et le travail à l’espagnole, d’un « toréador ».

En 1815, le 11 octobre, Charles X, à l’époque Duc d’Artois, assista à une course à la cocarde entrecoupée de scènes de ferrades au cours desquelles des gardians de Camargue couchaient et marquaient les taureaux au fer rouge. L’adresse de ces hommes plut beaucoup à Monsieur, mais il fut surtout intéressé par le spectacle fort étonnant de cette foule de 25000 personnes qui faisait éclater sa joie.
La course de taureaux ne donna la prépondérance au jeu de la cocarde que beaucoup, plus tard. Elle fit une place toujours plus importante à la ferrade jusqu’à la fin du XIXe siècle, et l’on peut encore voir de nos jours, dans les spectacles de village, une association de pseudo-ferrade avec la présentation d’un ou deux cocardiers et bien des divertissements folkloriques, le tout paraissant sou le titre de « la Camargue aux arènes ».
Pour parvenir à l’époque historique de notre coure, il convient de signaler une nouvelle manifestation d’hostilité à l’égard du spectacle taurin. Ce fut l’arrêté d’interdiction qui supprima « toute course et tout combat de taureaux dans tout le département du Gard, même lors de la célébration des fêtes républicaines ordonnées par la loi ». Cet arrêté en date du 19 janvier 1841, ne fut abrogé qu’en 1853, année où les Nîmois virent pour la première fois une corrida formelle à « l’Espagnole ». La consécration de cette victoire de la Foi taurine fut la venue à Nîmes, d’El Tato, alors vedette qui occupait le premier plan de la célébrité madrilène.
Depuis cette date, les spectacles taurins se sont succédé sans interdiction, dans les arènes de Nîmes, d’Arles et de toute la région. Les courses Provençales alternèrent avec les corridas.

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