La période historique vit l’affirmation des règles de notre course dont le principe n’a fait ensuite qu’évoluer légèrement. Depuis 1870, la rapidité des transports et leur facilité grandissante généralisa les grandes courses dans tout le pays taurin, et les limites du terrain d’influence de la tauromachie reculèrent.
La cocarde était au début de cette période moderne une pièce de cent sous de carton rouge collée au frontal de l’animal et portant trois court rubans. Lorsque l’on avait décocardé le taureau, ce qui arrivait parfois au début de la course, celle-ci perdait tout intérêt et était terminée. Aussi en vint-on aux cocardettes, petits pompons englués qui étaient collés aux poils du frontal par des razeteurs et à qui étaient affectés des sommes d’argent.

On en vint également à enlever le garrot, grande cocarde ornée de trois rubans qui était a l’origine l’équivalent de la « divisa » espagnole : la marque de la manade.
Ces attributs étaient souvent payés en nature dans les courses de villages « on donnait parfois un mouchoir rouge de quinze sous au jeune razeteur d’un taureau de médiocre qualité ; parfois même la prime consistait en un jambon, au même un litre de bon vin. »
La course alors libre, et chacun pouvait descendre dans le rond pour montrer son courage et sa valeur.
Dans les arènes de moyenne importance, apparurent les premiers razeteurs semi-professionnels. La cocarde était payée de cinq à six franc pour des taureaux de moyenne valeur.

Les premières fortes primes furent portées par « Lou Paré » vers 1900, mais il faut attendre la fin de la première guerre mondiale pour arriver avec « le Sanglier » à de grosse sommes.
La période qui précéda la guerre de 1914 vit un retour aux sources et à la pureté originelle de la race Camarguaise, effort dont le promoteur fut le Marquis de Baroncelli-Javon.
Par ces ouvrages et par son travail de manadier, il fit beaucoup pour la sauvegarde des traditions taurines et pour le retour à la race pure.
La course de taureaux de Provence avait trouvé son poète, son animateur et son agent de publicité. Son action fut aidée par l’essor de vedettes venant du sang pur : les cocardiers « Provence » « Belcita » « et « Nacapa ».
La guerre de 1914 laissa ce spectacle dans l’ombre ; mais la fin de la tourmente prépara l’avènement de l’âge d’or de la course libre.
1920 vis l’avènement de « Sangler », taureau de souche pure, dont on peut dire que sa manière de courir a formé la course actuelle.
En effet ce fut le premier taureau à aller aux planches et à effectuer régulièrement les « coups de barrière » ; de lui date le moment d’émotion que l’on attend des taureaux qui courent de nos jours.
D’autre part, il fut une vedette de la course de cocarde entra elle aussi dans le culte de la vedette et du jeu toujours plus sensationnel qui marqua les années suivant la première guerre mondiale.
Il fut connu de Marseille à Béziers et on venait le voir de très loin ; il s’identifia au type du taureau de course libre.
Les cocardettes disparurent, les glands apparurent en 1926 ; le garrot commençait à tomber en désuétude, mais la course n’était pas encore pure. On pouvait voir encore les sauts à la perche et les écarts landais.
L’entre deux guerre vit d’autres grands cocardiers : »Clairon » « Orphelin », sans modifications notables autres que celles amorcées depuis 1920 ; à savoir, la simplification des actes de la course au razet seul, la disparition du razet au garrot, la diminution progressive des à-côtés de la course libre (abrivado, bandido, attente au trident)
Du côté des razeteurs, Rey fut une des premières vedettes moderne de ce sport ; après lui, les hommes s’accoutumèrent à porter la tenue blanche et les espadrilles à tige montante.

La guerre de 1939 survint, après cette période faste et l’occupation fit subir à l’élevage taurin une longue éclipse. Lé présence en Camargue de prisonniers étrangers, les réquisitions, ramenèrent les taureaux de combat au niveau du bétail de boucherie.
La manade du Marquis de Baroncelli-Javon, devenue ; après la mort du Marquis, en 1943, manade Aubanel, vit le nombre d’animaux passer de 187 en 1944 à 35 en 1945.
La paix venue, le cheptel taurin se reconstitua peu à peu en culture des meilleures terres. En effet la fin de la période de souffrances de la deuxième guerre mondiale demandait, elle aussi, une explosion den bien être et de festivités, et les fêtes méridionales ne pouvaient oublier le taureau. La course libre allait aussi bénéficier d’une nouvelle vedette.
Celle-ci fut « Vovo », de la manade Aubanel, et avec lui la course libre se mit au goût de tous les spectacles, nos compatriotes voulaient des sensations et ils en eurent.
La course libre perdit de son esthétique ; on ne venait pas voir un beau razet ou un joli coup de barrière ; les touristes et les amateurs recherchaient des émotions fortes. La course gagna en sensation ce quelle perdait en qualité et en joie sportive.
Le record de la rage destructrice de « Vovo » date de 1951, à Lunel où il brisa quarante-huit poutres et où, aux dires des témoins, les razeteurs eux-mêmes venaient chercher refuge sur les gradins.
La course libre commença à prendre des allures de foire américaine et, comme le cow-boy fut associé au gardian, le razeteur commença à parcourir avec une casquette de cinéaste et des signes publicitaires sur son maillot.
La cocarde-rente et le trophée des raseteurs furent crées, apportant au spectacle taurin un intérêt compétitif réclamé de plus en plus par le culte de la vedette.
Les concours de manades prirent une grande extension et l’on vit même les plus petits villages en présenter. La publicité des courses se modernisa et se mit à l’unisson de celle des autres spectacles. Les affiches furent plus grandes, plus luxueuses.
On enregistra des records : le 12 avril 1953 une présentation de Vovo attira dans les arènes de Nîmes 18000 personnes, autant que pour une corrida, ce qui est très rare dans la « Madrid Française »pour une course libre.
Le cocardier porta sur son front jusqu’à 130 000 francs (3) les primes allèrent en augmentant et les spectateurs assistèrent à un beau combat entre le taureau et ses adversaires, les razeteurs Fidani et Falomir.

L’année 1958 connu un autre record : le peintre Bernard Buffet, organisant une course dans ses arènes personnelles distribua 1 500 000 francs de cocardes et de primes.

La course actuelle est codifiée (4) ; elle ne subira plus que des modifications de détail. Le razet suivi du coup de barrières en est la base et l’élément recherché. Les taureaux n’ont pas changé ; il y aura toujours de grands cocardiers souples, féroces, provoquant de beaux rasets, mais on connaîtra de plus en plus les brutes farouches et dévastatrices qui procurent les sensations exceptionnelles dont le public, et surtout les touristes, sont de plus en plus friands.

Il y aura toujours cependant un noyau de véritables amateurs recherchant les actions classiques dans la ligne esthétique de la belle époque de la course, celle des années qui suivirent la guerre de 1914.