Ph. Renaud
1962 aux pâturages des Paluds à Marsillargues.
à gauche, André GOUVERT de Salinelles
à droite, Justin BONNAFOUX

Justin Bonnafoux, bayle d’Henri Aubanel

<u>DES ANECDOTES</u>

LE CELEBRE VOVO

Il avait trois ans lorsqu’il vint aux Marquises. Je l’ai soigné comme un enfant, et il était brave au possible dans les pâturages. Il avait sa ration d’avoine été comme hiver, et la semaine avant de courir il avait un plein seau d’avoine concassée.
En piste c’était un véritable bolide. Je me souviens de sa première course à Lunel, c’était en avril 1950. Il avait cassé toutes les planches de la contrepiste, et le soir dans les. prés il venait à mes pieds chercher sa ration d’avoine, vous croyez que c’est pas beau çà ? Plus d’une fois, l’intelligence de cette bête me faisait venir les larmes aux yeux.
Lorsque je l’appelais dans les pâturages : » Vovo, Vovo, ho ! ho ! Ho ! Ho !  », il venait vers moi doux comme un agneau.
Un de vos confrères dont je ne citerai pas le nom, a écrit dans un quotidien, qu’une fois le taureau m’avait chargé. J’affirme que cela est faux. Car le taureau ne m’a jamais fait aucun mal, et a toujours été très doux avec moi.
Je l’ai toujours suivi dans toutes ses courses, excepté une, car j’avais eu un petit accident et je marchais avec une canne.
Ce jour-là, les gardians de la manade n’ont pas pu le charger dans le char. Je suis alors rentré dans le bouaou avec ma canne, et c’est sans peine que le taureau ayant reconnu ma voix se dirigea vers le camion et rejoignit ses congénères.

FARO, le simbèu

Un dimanche j’avais amené une course à Lunel avec le transporteur San Juan. Une fois en place pour le débarquement, je m’aperçus mais trop tard, que toutes les portes n’étaient pas fermées. Heureusement la première bête que je venais de lâcher était un simbèu. Il s’appelait « FARO » .
Et voilà mon simbèu au dehors des arènes. Il allait prendre la direction de Mauguio, c’était de bon matin et personne dans les rues, quelle chance. Je descendis du camion avec mon fer en main et je m’approchai le plus possible de Faro, et je l’appelai. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que Faro m’obéir, revenir aussitôt vers les arènes et, sans difficulté, réintégrer la piste.
Cela ne parait pas croyable, et c’est pourtant la vérité.
Ce même simbèu me rendit un grand service à Nîmes où j’avais conduit une course. Le troisième taureau ne voulait pas rentrer en piste, chaque fois qu’il arrivait à la porte, il faisait demi-tour pour revenir au toril. Le public s’impatiente et on dut utiliser Faro pour cette opération. Mais une fois les deux taureaux en piste, comment faire pour que le simbèu réintègre le toril ? Je descendis alors à la contre-piste, j’ouvris une porte des barrières et j’appelai Faro. Il se trouvait bien au milieu de la piste, et reconnaissant ma voix, se dirigea aussitôt vers moi. Il me passa devant, s’engagea dans la contre-piste et se dirigea vers le toril sans difficultés. Vous croyez que ce n’est pas une prouesse ?
C’était une brave bête, qui est morte à Bellegarde au cours d’une abrivado. J’ai gardé un très bon souvenir de Faro.

D’UN CHAR A L’AUTRE

Un jour nous sommes partis des Marquises avec le char que conduisait un nommé Glode Hugues de Beaucaire, aujourd’hui disparu, et avant d’arriver à Trinquetaille nous avons crevé les quatre roues arrière du camion. Nous n’avions pas le sourire, car l’heure avançait et nous avions peur d’être en retard pour le spectacle. J’ai téléphoné à San Juan, qui par chance a pu venir de suite avec son char, et nous avons transvasé le bétail d’un char à l’autre et en pleine route. De ce fait nous avons pu assurer la course sans problème.

L’ACCIDENT

J’étais encore chez le Marquis de Baroncelli lorsque j’ai eu un grave accident de voiture. Le matin très tôt nous avions trié deux courses que nous devions conduire, une à Comps pour l’après-midi, et une à Beaucaire pour le soir. Le camion chargé prit la direction de Comps avec au volant M. Bayol Antoine, dit B2, de Maillane. Moi, avec la voiture du chauffeur (une Trèfle je crois), je suis allé donner un coup de main à M. Rébuffat. Ensuite, à mon tour je me suis dirigé sur Comps, et le soir sur Beaucaire.
Ce fut pour moi le début d’une bien triste nuit. En effet, au tout début du spectacle, un taureau nommé BAJAN devait se tuer accidentellement en piste en cognant sur l’angle d’un grand baquet servant au jeu des aiguilles. Ce fut une lourde perte, car BAJAN était un grand taureau d’avenir. Après la course nous sommes repartis vers les prés du Cailar, moi en tête avec la petite voiture, et le char qui suivait derrière. Après une halte à Nîmes, vers 2 heures du matin, pour nous rafraichir, nous avons repris la route. Nous étions très fatigués, et moi-même je sentais que le sommeil me gagnait.
Entre Uchaud et Bernis ce fut la catastrophe. Je rentrai dans un platane, et me retrouvai au milieu de la route avec le volant dans les mains. Ce fut, je crois, M. Boissier de Beauvoisin qui me conduisit chez moi au Cailar, où le docteur d’Aimargues s’activa sur mes blessures.
Résultat : 8 jours cloué au lit et plus d’un mois en arrêt complet. Ce n’est plus qu’un mauvais souvenir.

MES ELEVES

J’ai eu deux très bons élèves : Henri Laurent et Guitou Lapeyre.
En particulier Henri Laurent puisqu’il était le fils de mon « Pelo ». C’était un élève très attentionné, mais obéissant et discipliné. Il débuta à 14 ans. Son premier cheval s’appelait « Sourire »
Dans ses débuts il avait très peur, peur surtout d’être mordu. Mais rapidement il prit le dessus de l’animal et devint un très bon cavalier. Le seul défaut que je lui trouve, et je le lui ai dit plusieurs fois, il tient son trident comme une pique. C’est dommage car sans cela, ce serait la perfection.