Plus heureux que leur proche parente l’alouette, la "gentille alouette" que l’on plume et transforme en pâté, les Pipits et les Bergeronnettes [1] sont des oiseaux protégés dont la chasse est interdite.

La bergeronnette bénéficie d’ailleurs d’une protection superstitieuse.

On tient sa présence près des troupeaux et des laboureurs pour bénéfique. La tuer apporterait la malédiction.
Un berger qui accomplirait cet acte sacrilège verrait mourir, dit-on, le plus beau mouton de son troupeau.

Au Chant III de Mireille, Frédéric Mistral fait conter par Tavèn l’étrange confession, et le miracle qui suivit, d’un berger du Lubéron qui avait tué une bergeronnette.

Sentant sa mort venir, ce berger qui vivait seul dans une combe sauvage du Lubéron, la Valmasque, et qui avait oublié même ses prières, "meme sis ouro", alla se confesser à l’ermite de Saint-Eucher, près de Beaumont (Vaucluse) :

—  « De que vous acusas, moun fraire ? Diguè lou capelan.
— Pecaire ! Respoundeguè lou vièi, iéu m’acuse qu’un cop
— Dins moun troupèu, un galapastre
— (Qu’es un aucèu ami di pastre)
— Voulastrejavo... Pèr mal-astre
— Tuère em’ un caiau lou paure guignoco ! »

— De quoi vous accusez-vous, mon frère ? dit le chapelain.
— Hélas ! - répondit le vieillard, voici ce dont je m’accuse : une fois
— dans mon troupeau, une bergeronnette
— (qui est un oiseau ami des bergers)
— voletait... Par malheur,
— je tuai avec un caillou le pauvre hoche-queue !

La confession de ce berger surprend l’ermite de Saint-Eucher qui pense :
"S’il ne le fait à dessein, cet homme doit être idiot".
Pour l’éprouver, il lui commande de suspendre son manteau à une perche...

— « Aquelo barro que lou prèire,
— Pèr lou prouva, ié fasié vèire,
— Ero un rai de soulèu que toumbavo en galis
— Dins la capello. — De sa jargo
— Lou bon vièi pastre se descargo,
— E, creserèu, en l’èr la largo...
— E la jargo tenguè, pendoulado au rai lisc ! »

— La perche que le prêtre,
— afin de l’éprouver, lui montrait
— était un rayon de soleil qui tombait obliquement
— dans la chapelle. De son manteau
— le bon vieux pâtre se décharge,
— et, crédule, en l’air la jette...
— Et le manteau resta, suspendu au rayon lisse.

A ce signe, l’ermite connut la sainteté du berger.

Ayant dit, Tavèn tire la leçon :

"Cela montre... qu’il ne faut point se moquer de l’habit
— et qu’il peut de tout, il y avoir bonne bête"

— « ...Noun fau se trufa clôt, vièsti,
— E que de tout pèu bono bèsti ».