On se souvient de la mort tragique du Provence du Marquis, mais on a sans doute oublié le Duc,le Sigoulette, le Maïanen, le Lansarguois, le Brutus qui étaient aussi de très bons taureaux, dont les noms, un jour, disparurent des affiches et dont on ne parla plus.

Du Mounla, on en parlera encore dans longtemps, car c’était un cocardier qui faisait très grosse impression et dont certaines courses furent inoubliables. Oui, inoubliable la course du Mounla en juillet 1930.
Cette course là, , on peut bien le dire, est un monument de la tauromachie. Les deux ou trois minutes qui suivirent le le raset de Cartier sont de celles que je compte parmi les plus belles que j’ai vécues aux arènes.
Ce fut un véritable feu d’artifice, de ces minutes que l’on peut revivre dix ans. Vingts après, mais qu’on ne peut décrire, même sur le moment. Les mots usuels sont quelquefois bien insuffisants pour la plume d’un modeste révistero, et il faudrait le talent d’un grand écrivain pour retracer de pareilles visions.

Le Mounla était né en 1924, il avait donc entre 7 et 8 ans.
Il était en pleine possession de tous ses moyens, en 1932 devait être l’année définitive.
Il avait débuté en capea à Nîmes le 24 juillet 1927, lors d’une course organisée par la police nîmoise. Dans la même course, débutait celui qui a une certaine réputation aujourd’hui, Le Pouly.

Il fit sa première course libre à Aigues-Mortes, le dernier dimanche de la fête de la même année et produisit une bonne impression. Le Pouly était encore du voyage.
L’année d’après , il fut de la fête d’Aigues Vives et il vint encore à Aigues Mortes à la course du dernier dimanche de la foire d’octobre. Y avait-il beaucoup d’Aigues Mortais sachant que Lou Mounla avait couru deux fois dans l’immense plan de « l’étang ».

Puis, ce fut tout de suite l’ascension parmi les meilleurs, le cocardier était beau et avait des déboulés prodigieux, il n’en fallait pas plus.
Faisant quelques fois des courses sensationnelles et d’autres fois de mauvaises courses, il n’en conservait pas moins une bonne place, car il avait la côte d’amour. Une de ses plus mauvaises courses, celle de Châteaurenard en 1930. Ne s’avisa t-il pas, ce jour là, de sauter plusieurs fois la barricade ?

Le Mounla n’avait pas fait beaucoup plus de vingt courses, et il avait encore beaucoup à apprendre. Contrairement à beaucoup d’autres je ne crois pas qu’il serait jamais venu à la barricade, certains prétendent qu’il aurait fini par passer la tête, mais tel qu’il était, il tenait une des premières place parmi les meilleurs cocardiers actuels.

Quel était le père du Mounla ?
On tient à dire, dans les milieux de la course libre qu’il était le fils du Sanglier. Evidemment ça ferait bien dans le tableau de pouvoir écrire cela, mais je ne le crois pas.

Voici les raisons ; le Sanglier avait 7 ans en 1923 quand fut engendré Lou Mounla, et 7 ans c’est bien vieux pour un étalon, surtout si on considère qu’il y avait alors sur la mande Granon des « tau » plus jeunes, tel Le Duc, le Lansarguais, et comme d’autres doublen.
Et d’ailleurs, Le Sanglier, n’était-il pas déjà enfermé en 1923 ?

En tous les cas, au sujet de la paternité du Mounla, j’ai entendu dire par Granon des choses très intéressantes. Le cocardier n’avait de ressemblance avec aucun autre taureau de la manade et l’éleveur ne pouvait le comparer qu’au Désiré, mort misérablement à Lunel, en 1916, en pleine guerre après s’être cassé la jambe dans le bois des Rièges.
Le Mounla était-il le petit fils ou arrière petit fils du Désiré  ?

Ici, une parenthèse, le taureau Désiré dont il s’agit blessa, en 1905 ou 1906, le frère aîné de l’ami Marcel Ducros, dans le plan de Marsillargues. Il y a peut être erreur sur la date, mais en tout cas pas sur le cocardier.

Le Mounla faisait des courses tout a fait particulières qui le classait en dehors des autres.
C’était avant tout un taureau très vif et les déboulés du Mounla ne peuvent être comparés qu’à ceux du petit Sanglier.
Le fameux cocardier que Granon et l’aficion viennent de perdre était très courageux en piste, car il partait comme un bolide sur le razeteur qui venait de passer, et ni les cris, ni les vestes, ni les casquettes ne l’arrêtaient dans sa poursuite.
Une seule chose, hélas !le faisait freiner brutalement, : la barricade.

La mort de ce taureau est en tous les cas bien regrettable. Même avec ce dernier grave défaut, il était intéressant et peut être qu’un jour, changeant de tactique, il serait venu aux barrières, prenant alors la toute première place, laissée libre par la retraite du Sanglier que la vieillesse nous a définitivement enlevé.
Nous n’avons plus qu’à espérer maintenant que l’année nouvelle voit se produire quelques jeunes bons taureaux.