Le duel Rey - Benoit
Un article de TAMARISSO, Extrait du Toril N° 139 du 10/04/26
"Il faudrait pourtant consacrer quelques lignes au jeune razeteur qui en ce moment passionne les amateurs de courses libres.
J’ai nommé Rey, depuis bien longtemps les aficionados n’avaient eu le plaisir d’acclamer pareil as.
Rey réuni toutes les qualités, vue taurine, adresse, sang-froid, sûreté, agilité. C’est probablement parce qu’il réunit toutes ces qualités qu’il passe rarement. Je ne crois pas qu’il s’élance une seule fois sans arriver au but et mettre la main entre les deux cornes. "
Certes, il ne fait pas mouche a tous les coups, mais il est le plus sur de tous en ce moment . De plus, il travaille consciencieusement et, très brillant, il plaît beaucoup.
Voici, a mon avis comment Rey razete.
Il attire d’abord l’attention du taureau, et tâche de la placer afin qu’il soit l’un en face de l’autre.
A ce moment là, il part et va droit sur la brute, exactement comme s’il voulait se faire prendre, cinq ou six mètres avant « l’encontre » , le taureau venant lui aussi très fort, Rey dessine un quart de cercle et une ou deux secondes avant que le taureau ne donne le coup de corne, il crochète fortement de façon a ce que celui-ci ayant le cou bien détourné ne puisse l’atteindre au moment précis où il met la main entre les cornes.
Ce razet qui paraît dangereux, est infiniment sûr et avec un peu de sang-froid met à l’abri de la cornada. De plus, il plaît et c’est juste, car il est plus méritoire que le razet au demi-tour, qui nous est servi par tous les cacahuteros de la piste.
Je ne pense pas qu’on me contredise, Rey est en ce moment le meilleur razeteur et son nom à l’affiche amènerait la grande foule aux arènes. Il me tarde de le voir s’attaquer aux as des grandes manades. C’est le seul adversaire digne des grand cocardiers et lui au moins n’a pas la frousse.
Quand un taureau, un vrai, de ceux qui savent se servir de leurs cornes , sort du toril, il ne va pas s’asseoir au bord de la piste et sucer un citron ou boire une limonade.
Je sais que les amateurs de la région attendent avec une vive impatience le le duel Rey-Benoit.
Ce dernier revient du régiment et je serais heureux d’applaudir ses exploits s’il redescend dans la piste. Pourtant sans être parti-pris, n’étant pas payé par Rey, ne voulant pas porter tort à Benoit, je dirais que la lutte ne me paraît pas égale.
Rey a fait l’an dernier une temporada éblouissante, je ne crois pas m’avancer de trop en disant qu’il a enlevé à lui seul autant de rubans que que 10 autres razeteurs réunis. Et dimanche dernier, à Beaucaire pour la première course de la saison, il a coupé cinq ficelles , enlevé quatre cocardes du front et une du garrot .
C’est tout simplement formidable et, il faut revenir bien en arrière pour se rappeler de telles prouesses.
Benoit est courageux, téméraire même, il est agile, mais il n’a pas la sûreté et la maîtrise de Rey.
Je sais qu’il a à son actif un fait d’arme remarquable : il a décocardé le Sanglier à Nimes.
Certes, c’est là une référence.
Mais tous ceux qui étaient à Nimes ce jour-là, et nous étions une quinzaine de mille, savent bien que si Benoit est encore en vie, c’est grâce à une intervention miraculeuse. Je verrai toute ma vie Benoit tremblant, pâle comme un mort , ne s’étant pas rendu compte qu’il avait dans son crochet le ruban qui représentait quinze cents francs, se retirant de la barricade où il s’était collé.
Le taureau venait de passer à vingt-cinq centimètres de lui, sans le voir, sans donner le moindre coup de corne qui fait voler après chaque poursuite une ou deux planches de la barricade.
Tout le monde criait au miracle et ce soir-là Benoit dût faire brûler un cierge aux Saintes, protectrices des amateurs de bouvine.
Quoi qu’il en soit, et si Benoit revient au taureau, il sera intéressant de suivre le duel et nous terminerons en leur disant bonne chance à tous deux.