" Nos lecteurs se rappellent sans doute que le 7 Août 1932, un razeteur Aigues-Vivois : Bastide, dont nous parlions assez fréquemment à l’époque, fut pris dans le plan de Bernis par un cocardier du Marquis de Baroncelli : Grazilho. Le malheureux Bastide fut si dangereusement encorné qu’il succomba très rapidement.
Ce n’est pas la première fois qu’un razeteur, grièvement blessé meurt des suites de blessures. Quoique rare, le fait n’est que trop fréquent et ils le savent bien ceux qui, au péril de leur vie, affrontent dans les plans de charrettes ou dans les arènes les cocardiers plus ou moins dangereux.

Mais à la suite de ce décès, il se produisit un fait qui ne s’était sans doute jamais produit encore. Il ne saurait être question, bien entendu, des cas cités par le pauvre M. Aurillon au congrès de la Fédération de la course libre, cas qui n’ont rien à voir avec celui qui nous intéresse. Jusqu’à ce jour, à notre connaissance du moins, jamais la famille d’un razeteur tué n’avait attaqué la direction des arènes où s’était produit l’accident, non plus que le maire du village où la course avait lieu.

Mal conseillés sans doute, les parents du pauvre Bastide attaquèrent, sitôt après l’accident, la municipalité de Bernis. Ce procès était grave de conséquences, bien plus grave de conséquences, bien plus grave que ne le pensèrent ceux qui poussèrent Mme bastide mère et la veuve du razeteur à faire ce procès.

Si la municipalité de Bernis avait perdu son procès et qu’elle ait été condamnée à faire une pension à la veuve et à verser des dommages et intérêts à la famille, il n’était plus possible, en effet, aux petits villages de faire des courses et c’était ainsi le principal attrait des fêtes votives supprimé. Bien rares aurait été les maires qui auraient couru le risque et chacun comprendra cela très bien.
Comme les coureurs cyclistes , les aviateurs ou les coureurs d’auto, les razeteurs doivent s’assurer.

La société qu’ils ont formée l’an dernier et qui parait bien marcher doit s’occuper activement de cette assurance. Tous les aficionados, tous les manadiers, les municipalités, les directeurs d’arènes doivent aider « l’amicale des razeteurs » ; il y a longtemps que nous avons jeté le cri d’alarme à ce sujet. Ceux qui nous donnent tant de satisfactions ne doivent pas être considérés comme des parias de la société : ce sont nos amis, et il faut les conseiller, les seconder, les aider. Mais il ne faut pas, d’autre part, qu’ils essaient par la suite une manœuvre comme celle qui à été tentée par la famille du pauvre Bastidet, mal conseillée, je veux le croire. Car, dans ce cas là, les revisteros, les clubs taurins, les maires sont obligés de crier : « casse-cou » et de s’unir contre ce qu’il y a lieu d’appeler une manœuvre déloyale, Bastide était un razeteur et courait des risques et du danger en essayant volontairement d’aller prendre une cocarde primée sur le front du taureau.
Malencontreusement, il s’est fait prendre.
C’est triste, mais personne n’y pouvait rien. Et il n’est pas possible, dans ces circonstances, que, l’organisateur soit rendu responsable de l’accident. Cette interprétation serait la fin de toutes les courses, , on ne le répètera jamais assez.

Le conseil interdépartemental de préfecture de Montpellier en a jugé autrement après le tribunal civil de Nimes ; la course libre dans nos villages est donc sauvée !

Voici, à titre d’information, le compte rendu du jugement auquel nous attribuons une importance capitale :
«  Au tribunal administratif de Montpellier.
Les suites d’un accident mortel provoqué par un taureau lors d’une fête votive.
Montpellier, 29 décembre, le conseil interdépartemental de Montpellier, présidé par M.Ribeil, a eu à s’occuper d’une requête en dommages-intérêts formée à la suite d’un accident mortel provoqué par un taureau.
C’est le 7 août 1932, jour de la fête votive de la commune de Bernis (Gard), que l’accident se produisit au cours d’une course de taureaux, libre et à la cocarde, organisée par la municipalité.

Monsieur André Bastide, qui prenait part à la course en qualité de razeteur, reçut de violents coups de cornes de la part d’un des taureaux. Il fut si grièvement blessé qu’il ne tarda pas à succomber.

Sa mère, veuve Bastide née Adrienne Boudet et sa femme née Vaux réclamaient des dommages à la commune, lui reprochant une insuffisance de mesures de sécurité.

Le tribunal administratif, sans examiner entièrement sur le fond, a cependant reconnu que toutes les mesures prescrites dans les courses de ce genre avaient été prises par le maire de Bernis.

Il a rejeté purement et simplement la requête de Mme Bastide mère, qui réclamait une somme de 60.000 francs.

Statuant sur les conclusions de Mme Bastide-Vaux, qui réclamait 100.000 francs, plus une rente annuelle de 6.000 francs pour sa fillette, venue au monde après l’accident, le tribunal à également rejeté la requête.

Dans son arrêté, le tribunal administratif indique que Mme Bastide-Vaux est remariée et se présente sans l’autorisation maritale, que, d’autre part, n’ayant pas réuni le conseil de famille, elle se trouve déchue de ses droits de tutelle. »

Dans ce jugement, que nous n’avons pas à étudier, d’abord parce que les choses de la jurisprudence nous échappent et surtout parce que le résultat seul compte, nous reviendrons seulement deux choses :

  • 1/ Le tribunal a reconnu que Bastide assistait à la course comme razeteur et non comme spectateur ordinaire, ce qui est capital.
  • 2/ Que le maire de Bernis avait pris toutes les mesures de sécurité nécessaires, ce qui n’a pas moins d’importance.

Les organisateurs de courses ont là une pièce qu’ils feront bien de conserver précieusement pour l’avenir."

TAMARISSO