En effet, toute personne digne de ce titre ne peut que se passionner pour ces découvertes faites au hasard des lectures.

  • Pour ma part j’ai eu la chance de retrouver dans le N°2 d’avril 1909 de la revue "Bulletin de la Société des Amis du Vieil Arles" un texte étonnant de Michel de Truchet, écrivain Arlésien, né en sa bonne ville d’Arles le 9 juillet 1766 et mort à Paris le 11 avril 1841, texte se rapportant au domptage des taureaux sauvages pour les besoins de l’agriculture :
  • " Il ne faudrait pas remonter bien loin dans les annales de notre agriculture pour savoir, qu’anciennement, dans la Camargue et le Plan du Bourg on ne labourait qu’avec des bœufs noirs, cela dépendait du maréchal et du bourrelier.
    De plus ils ne se détérioraient pas, vieillissant à la peine, vieux, on les vendait à la boucherie.
    Il faut donc accorder qu’il y avait une certaine nécessité à dompter ces animaux farouches, à les vaincre pour les maitriser, ce qui, pour un peuple aussi plein d’amour propre que le nôtre, était de l’héroïsme au risque de plus d’un danger et cette bravoure déployée ne pouvait pas faire moins que de se montrer à la ville au yeux de tous"
    .

Ainsi donc, si l’on en croit cet auteur, les Arlésiens domptaient les taureaux sauvages pour les besoins de l’agriculture ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, la chose est bel et bien exacte.

Pierre Véran, un autre Arlésien, a décrit la capture du Biòu au sein de la manade, à l’aide du "tire mole" cette double corde encore en usage de nos jours.
Le taureau était accolé à un "dountaïre" et on commençait alors le dressage.
Oh ! cela n’était pas facile du tout et il arrivait que le nouveau venu prît le dessus sur son vieux compagnon et brisât l’araire en filant vers la proche sansouïre.

Aussi, pour éviter cela, il arrive souvent, nous dit Véran " que la charrue est attelée de deux taureaux le "dountaïre" et le "sambejaïre".
Lorsque le jeune taureau a pris sa place entre les deux, on ôte le "sambejaïre" et on laisse seulement avec lui le "dountaïre".

On se doute bien qu’une telle pratique n’était pas chose facile.
Dans son très beau livre " Le taureau, ce dieu qui combat" Marie Mauron nous parle de Rinétos, un vieux gardian qui fut un des derniers à labourer avec les biòu.
Le labourage n’était certes pas très rectiligne et il fallait de la patience !

Si l’opération de la mise en place du joug dans l’étable était chose relativement facile, la libération des taureaux était beaucoup plus dangereuse.
Un "tire mole" était passé dans le nœud coulant qui tenait aux cornes. En le défaisant, les bêtes se libéraient et alors, gare !
Il fallait se coucher dans le sillon tandis que les deux bêtes fonçaient avec fureur vers le troupeau tout proche.

Un autre système imaginé par un homme Jean Rat, gardian de Combet, puis du Marquis, consistait en un jeu de clavettes qui maintenait le joug en place et que l’on faisait sauter le travail terminé, au moyen d’un très long crochet.
Mais le danger, une fois les taureaux relâchés, était tout aussi grand. Il fallait, en fait, beaucoup de cran pour faire de bêtes sauvages des collaborateurs trainant l’araire !
Et puis le travail, on s’en doute, était médiocre et de faible rapport.

De plus ces mêmes bêtes qui, libérées, rejoignent la manade, étaient utilisées, lors des votes et ne perdaient donc jamais leur instinct combatif. En fait il n’y avait pas de taureaux strictement réservés au labourage, on faisait appel à des bêtes de la manade qui, bien sûr, finissaient par avoir l’accoutumance du joug mais gardaient leur tempérament initial.

C’est, en fait, une page bien curieuse que l’histoire taurine du Pays d’Arles et de la Camargue que je viens de vous compter.

Aujourd’hui, l’agronomie de notre delta a bien évolué et les engins mécaniques on remplacé taureaux et chevaux. pas plus qu’on ne foule le blé sur l’aire avec l’aide de nos Camargues, on ne voit plus de cocardiers attelés à la charrue.

Était-ce un spectacle infamant pour les afeciouna de l’époque de voir ainsi utilisés les taureaux et les chevaux ?
Je ne le pense pas car de tous temps, en Camargue, le Tau, le Chivau et l’Ome ont signé un pacte où l’entraide n’exclut pas le respect mutuel.

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