1010 - Dernière "Soirée Prestiges"

1010 - Baillargues - Dernière "Soirée Prestiges"

B&T : Depuis que nous parlons Henri Itier, on sent bien que tes propos, ton attitude, ne sont pas dans le règlement de comptes.
Cependant est-ce que ce que tu vois aujourd’hui t’inquiète ?

H.I. : Oui

B&T : Penses-tu que le travail accompli par la nouvelle équipe va dans le bon sens c’est-à-dire avec pour but ultime de remplir les gradins dans les arènes ?

H.I. : Absolument pas.
J’ai l’impression qu’on se contente des titres honorifiques. Il y a des gens qui sont là, aujourd’hui, pour se contenter de titres tout simplement, pour se prévaloir de l’appellation de président, de secrétaire « général » mais ça s’arrête là.
Il y a eu trois assemblées qui, d’après les échos que j’ai eus car je n’y ai pas assisté, ont fait une fixation sur les Statuts. Je ne dis pas que leur modification n’est pas importante dans la vie d’une Fédération mais on pourrait le présenter autrement.
Ce n’est pas primordial, ce ne sont pas les Statuts qui vont remplir les arènes. La preuve c’est que lors de l’Assemblée Générale extraordinaire le quorum n’a pas été atteint. Cela signifie que la priorité faite à ces modifications n’intéresse même pas la majorité des gens qui sont directement concernés.
A partir de là je crois que les Assemblée Générale ne doivent pas servir qu’à cela, elles doivent servir à faire des propositions susceptibles d’améliorer la fréquentation des courses.
Rappelez-vous, avec mon équipe je faisais au préalable une analyse de la situation de la saison écoulée pour définir ce qui ne s’était pas passé. On essayait d’apporter des modifications, des propositions, des initiatives.
C’est à cela que doivent servir les Assemblée Générale qui déplacent la totalité des votants.
Nous n’avons pu que constater la platitude de ces réunions.

La Course Camarguaise est dans une phase descendante où on constate, malheureusement, que notre jeunesse est absente complètement.
On n’arrive pas à sensibiliser une population plus grande que ce soit dans le berceau avec les nouveaux arrivants que ceux de l’extérieur.
Le nombre de courses, 900, par saison c’est trop, nous l’avons répété sur tous les tons et tant qu’un coup de pied n’aura pas été donné dans la fourmilière nous n’évoluerons pas.
Pour la Course Camarguaise l’épine c’est le calendrier, c’est le plus grand problème que nous ayons actuellement.
Pourquoi ? Parce que si on réduit demain le calendrier on va réduire le nombre de courses et on va obliger les organisateurs à se responsabiliser. Aujourd’hui avec 900 courses par saison on divise le public, on divise les taureaux. Nous n’avons pas le potentiel pour en faire tant.

De nos jours on a fait des raseteurs de véritables salariés qu’on a trop écouté, à qui on a donné beaucoup trop d’importance. Ce sont des gens, aujourd’hui, qui se sont installés dans un fauteuil, dans un système où ils ont tous suffisamment d’invitations pour le prendre à l’aise et dès qu’il y a un peu de difficulté, des taureaux trop compliqués on ne voit plus rien.
Rien n’est fait pour mettre l’animal en valeur, pour le mettre en évidence. Bien entendu la conséquence est immédiate et se répercute sur la qualité du spectacle.

Mais on ne peut parler des acteurs sans parler de la compétition. Compétition qui est devenue… Pffff !
Le Trophée Taurin fonctionne comme il le faisait il y a 60 ans, il n’a pas évolué.
La compétition il la faut mais il faut la repenser. Dans ce domaine le principe des « Masters » n’était pas mauvais. Je ne dis pas que c’était la seule solution, elle n’était pas unique mais elle permettait de récompenser, un petit peu, la gestuelle ce qui était tout de même important et qui allait, surtout, dans le sens de ce que recherche le public.
Là on se contente une année de mettre cinq tours de ficelle, l’année d’après 6 tours et puis on revient au nombre de l’année d’avant, etc…
Il faut arrêter cela, il faut repenser la compétition car ce qui se passe aujourd’hui ne correspond plus aux exigences du public qui, en réaction, va de moins en moins aux courses et en particulier à celles qui devraient être les meilleures.

B&T : Le public vient chercher de l’émotion. Elle est générée par les difficultés rencontrées et les solutions que trouvent les hommes pour les contourner…

H.I. :
Bien sûr !
Je l’ai dit et le redis aujourd’hui. Nous sommes dans une société où on a à notre disposition une palette de loisirs très importante et nous ne sommes pas capables d’adapter nos traditions au modernisme et qui ne s’adapte pas…
Si nous ne sommes pas capables d’apporter de la qualité nous n’arriverons ni à maintenir le public en quantité ni à sensibiliser plus large.
Dans ce contexte, chez nous, les arènes c’est quelque chose d’exceptionnel, d’unique. On va y chercher de la passion, mais pour la trouver il faut que, par moments, il s’y passe quelque chose. On ne va pas voir des raseteurs lever des rubans. Certes c’est leur rôle mais il n’y a pas que cela.
Pour évoluer, pour comprendre ce qui pourrait être fait je pense qu’il faut savoir lever la tête et regarder comment procèdent ceux qui ont réussi. Ayons à l’esprit José Tomas, homme exceptionnel qui fait du spectacle, qui remplit les arènes à lui tout seul, qui créé de l’émotion. Les gens c’est ce qu’ils veulent voir.
Sans faire de comparaisons déplacées ou désobligeantes, nous avons connu des raseteurs comme Soler, Chomel, Jacky Siméon qui remplissaient les arènes en créant de l’émotion. Là où ils allaient, il se passait quelque chose.
Par contre, aujourd’hui, avec ce que l’on est en train d’offrir nous restons dans le carcan de l’amateurisme.
Et oui, nous sommes dans l’amateurisme le plus complet. On peut l’admettre, à la limite, quand on est dans des petits villages (ce qui n’a rien de péjoratif), dans des petites arènes où des clubs taurins se décarcassent pour proposer des courses, et que l’enjeu est moindre.
Pourquoi pas ? Cela fait partie de charme et de l’authenticité.
Par contre, quand il s’agit de grandes arènes, elles qui sont la vitrine de la Course Camarguaise, il faut donner de la dimension à l’événement. C’est là qu’il faut apporter du professionnalisme.
Malheureusement, et on le constate à chaque fois ou presque, nous ne sommes pas capables de le faire. On finira par n’intéresser plus personne.

Les institutionnels s’écarteront de nous, complètement parce que donner des subventions à quelque chose qui représente quoi ? Qui sensibilise qui ? Qui mobilise qui ?
Ce sont toutes ces questions qu’il faut se poser.
Vous voulez que l’on trouve des partenaires ? Il suffit de regarder les "grosses boites" que nous avons chez nous : Royal Canin ou Perrier qui n’ont jamais donné un sou pour la course camarguaise. Ils n’y sont pas parce qu’on est restés un petit pot
Là aussi il faudrait se poser des questions.