Légende de la vache rouge

Par un jour de fortune, le bon Père Guyon
Prêchait aux habitants, pour sa sainte mission.
De la nef au parvis l’Eglise était bourrée,
Jamais on avait vu une telle assemblée.

Ce curé parlait bien, remuait tous les cœurs,
Et de l’esprit malin allait sortir vainqueur.
Quand au bout d’un moment, au plus fort de son zèle,
Courant de bouche en bouche, une prompte nouvelle :

Un ‘Biaou’ vient d’arriver, dit l’un à son voisin
Et partout se répète tout ce maudit refrain.
Aussitôt, disparaît cette foule nombreuse,
Ne restant que la fleur de la troupe pieuse.

Le dévoué bedau, monsieur le ‘desservant’
Un nouveau converti, le Clerc du Capèlan,
Quelques enfants de chœur, trois dévotes ridées,
Qui faute de galants, n’étaient pas mariées.

Cependant le public, en fuyant le Saint culte,
Du coté du levant se transporte en tumulte,
Car dans tout le quartier le bruit s’est propagé,
Que l’on a vu un ‘biaou’ sur la rive opposée.

Vous auriez vu alors cette troupe guerrière,
Chacun voulant passer le cours de la rivière,
Mais le Vidourle est gros, ce perfide élément
Vient troubler cette foule dans son ravissement.

Chacun veut traverser la vague courroucée,
Et braver le courant avec témérité
Sur des frêles esquifs qui risquent de couler
Sous le poids des curieux s’ils sont trop surchargés.

Enfin pour faire bref, bientôt tous le village,
Se trouve transporté dessus l’autre rivage.
Mais où allez-vous donc, comme des sauvageons ?
Il faut que ce soit grave pour quitter vos maisons,

Dit alors à la foule un vigneron d’Aimargues,
Pourquoi courez-vous donc, oh gens de Marsillargues !
Car ce fameux taureau qui fait votre intérêt,
C’est une vache rouge qui vient de labourer.

Pendant plus de trois mois, les Aimarguois rigolent
A Saint-Laurent aussi, tous les gens se gondolent,
Puis Lunel à son tour se met à l’unisson,
Sur ce sujet cocasse en fait une chanson.

Légende qui aurait pu se terminer ainsi :

"Léi djen dé Massillargué, soun touti dé badaou, saoutérou lou Vidourlé pér véïré couré un braou,éra euna vaca roudjé qué vénié dé laoura,léi djens dé Massillargué séguérou couillouna."
Les gens de Marsillargues sont tous des badauds, ils sautèrent le Vidourle pour voir courir un taureau, c’était une vache rouge qui venait de labourer et les gens de Marsillargues furent couillonnés !

La légende dit que le mot badaou se serait transformé en bajan avec le temps...
Ceci dit avec la plus grande réserve.

Jean Daumas de Marsillargues