Cette citation de M. Henriquet s’applique à merveille au cheval camargue. Débourrer un jeune cheval, c’est commencer le plus tôt possible.

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Poulain, on peut le préparer à l’attache, se faire suivre sans que l’animal "tire" sur le licol et lui apprendre à s’arrêter à la voix. Si bon nombre de personnes pensent perdre du temps en adoptant cette méthode, ce sont aussi les premières étonnées de constater avec quelle confiance le cheval se laissera monter plus tard, quand il atteindra l’âge de trois ans.

Dans certains élevages, les poulains sont attachés et prennent plus vite connaissance avec le licol et la corde. Bien sûr, selon les obligations qu’impose une manade, ce travail n’est pas toujours régulier, mais il s’effectue dès huit mois, jusqu’à l’âge de deux ans.

Il existe de nombreuses spécificités dans le débourrage du cheval camargue. L’utilisation du caveçon l’aidera au début à tourner en rêne d’ouverture puis progressivement en rêne d’appui. Une martingale est également utilisée pour empêcher le cheval de relever la tête. Il est déconseillé de placer le jeune cheval en raccourcissant la martingale, cela ayant pour effet de bloquer ses mouvements et de nuire à son équilibre.

Il est étonnant de constater que dans les manades dotées de très grandes étendues, au Grand-Radeau chez les frères Reynaud, à la Belugue chez M. Hubert Yonnet, ou bien encore chez M. Albert Espelly, tout le travail à cheval se réalise au pas. Cette allure permet en premier lieu de diminuer la fatigue du cheval mais aussi celle du gardian.

De plus, aller lentement dans le travail ne veut pas dire ne pas faire le travail !

Ces personnes sont avant tout dotées d’une passion et d’une connaissance exemplaires : il apparaît une réelle harmonie entre cheval, gardian et taureaux.
Beaucoup de "gardians" se déplacent avec des vans alors qu’autrefois il fallait partir au petit jour pour rentrer bien souvent à la nuit. Le cheval est aujourd’hui débarqué en toute hâte, souvent sans prendre le temps d’être détendu et le voilà parti vers le clos de tri...

On souhaite acheter un cheval jeune et le monter au bout d’un an ou six mois pour faire les ferrades, bandido, etc... Tout cela est impossible, il faut d’abord observer les aptitudes du jeune cheval, aller doucement, lui faire comprendre son rôle parmi les taureaux et si possible, lui donner le goût du travail.

Loin de nous la prétention de juger ou d’imposer une façon de débourrer (même si plusieurs méthodes existent en Camargue, une seule est pourtant la bonne !) Certains aspects paraissent cependant fondamentaux mais il incombe à chacun d’en tirer les réflexions qui s’imposent, sans oublier qu’un mauvais débourrage marque à jamais le comportement futur du cheval.

 Comment débourrer.

Des visites régulières accordées à notre camargue dans ses prés, friandises en poche, le combleront de bonheur ! Tout en familiarisant l’animal, ces visites permettront au cavalier de se faire une première idée du tempérament de "l’élève".

Puis, dans l’écurie, le cavalier tâchera d’attirer le cheval. Placé perpendiculairement à son épaule gauche, en passant le bras droit autour de son chanfrein et avec l’aide du seau rempli de grain, le cavalier obtiendra du cheval qu’il baisse la tête, attitude utile lorsqu’il faudra brider. A chaque occasion, le cavalier prendra les sabots du cheval.

Par la suite, le cheval est longé, ce qui va permettre de contrôler la cadence de ses allures, de l’assouplir, de régler et canaliser son impulsion. A ce moment, le cavalier commence à utiliser les commandements vocaux : "au pas, trotte, galope" et "la-la" pour calmer et rétrograder les allures. Il est indispensable d’utiliser toujours les mêmes termes.

Une fois les tapotements de main acceptés sur tout le corps du cheval, le cavalier pourra alors poser un simple surfaix. Si le sujet ne réagit pas au sanglage, on posera la selle en la présentant à la verticale du garrot. Pendant toute l’opération, il est préférable que notre jeune camargue ait la tête plongée dans un seau rempli de grain...

Monter le cheval suit le même "rituel". Le cavalier doit faire preuve d’une assiette souple et d’une décontraction excluant tout raccrochage des mains et des jambes comme moyen de tenue. De même, il doit maintenir les mains de chaque coté du garrot en évitant les mains hautes et instables qui blessent la bouche du cheval et entraînent des coups de tête vers le haut et contribuent à "creuser" le dos du cheval.

Pour les premières sorties, certains préfèrent le dévouement d’une personne à pied ou bien à bicyclette à la présence d’un autre cheval. Quoi qu’il en soit, la première sortie doit être courte puis prolongée jour après jour.

 Le témoignage d'Albert Espelly.

"Les chevaux camargue sont des animaux qui n’aiment pas être maltraités. Au lieu de céder sous la contrainte, ils font le contraire de ce que l’on demande. La crainte explique ce comportement car le cheval camargue n’est pas très courageux. Par contre, il possède de par sa musculature des points très sensibles sur le corps.

En les sollicitant, on obtient des réactions utiles pour le travail dans les taureaux. Ce n’est pas dans la bouche mais dans le placement du corps du cavalier et dans l’action des jambes que le cheval se conduit.

Autrefois, le cheval camargue était élevé en liberté. Jusqu’à l’âge de trois ans personne ne le touchait. Puis, un "beau "jour, les gardians décidaient de le monter. Ils commençaient par l’attraper en l’étranglant. Comme le cheval tirait d’un coté, les gardians tiraient de l’autre et l’animal finissait par .s’écrouler au sol. Puis on le libérait un peu pour qu’il se relève aidé de quelques coups de bâtons.

Je pense que cette méthode n’a jamais été efficace. J’ai eu la chance de rencontrer d’excellents gardians tels Fernand Ferraud et René Jalabert qui ont conforté mon opinion. Le cheval camargue bien que d’une "intelligence" relative, possède une mémoire extraordinaire.

Lors du débourrage on doit lui demander une chose essentielle : le pas. Le mors doit être simple et adapté à la taille de la bouche. Ce n’est pas le mors qui est dangereux, mais la façon de s’en servir.

Pour le travail du tri à cheval, tout dépend des aptitudes du camargue. Il existe des chevaux qui trient plus volontiers que d’autres. Cela dépend aussi du temps qu’on leur consacre. Le cheval doit être monté tous les jours mais pas longtemps car le jeune camargue se fatigue vite et peut se sentir contraint. Trier les taureaux doit devenir un ’jeu ".

Il existe une époque pour le travail du tri et une autre pour les ferrades. Mettre un cheval en ferrade trop jeune implique automatiquement pour lui le goût de galoper et de vous prendre la main.

Il existe aussi les chevaux d’abrivado et de bandido qui sont souvent "dépersonnalisés ".

Le problème aujourd’hui c’est la vulgarisation de notre métier, il n’y a plus rien de vrai ! En matière de dressage, chacun vante sa méthode, chacun prétend que c’est la meilleure... On retrouve le même problème lors du tri en manade. Le nombre de personnes qui croient trier et qui galopent en "coupant" les taureaux !

Trier, ce n’est pas galoper !

J’ai gagné à deux reprises le concours de tri aux Saintes-Maries-de-la-Mer ; bon nombre de personnes n’ont pas compris qu’on puisse sortir un taureau au pas. En manade, lorsqu’on adopte ce comportement, bien des gardians "professionnels" pensent que nous sommes en vacances, mais souvent on perd plus de temps en galopant derrière des taureaux paniqués qui finissent toujours par s’échapper !

Lorsqu’on galope, c’est toujours le taureau qui a l’avantage, ce dernier n’a qu’à penser à ce qu’il veut faire, c’est immédiat. Le gardian, lui, doit deviner sinon voir que le taureau lui échappe, puis il sollicite son cheval et il faut encore que celui-ci réagisse rapidement. Cela s’appelle anticiper.

Tout le dressage du cheval camargue repose sur un travail quotidien de mise en confiance, de tact du cavalier mais aussi de connaissance du taureau. L’art de ce dressage réside en ce que le cheval camargue serve le gardian mais aussi et surtout que le gardian serve son cheval... "