" Dans la nuit du 5 au 6 décembre, un véritable désastre est venu frapper la manade Aubanel De Baroncelli.

Pour on ne sait quelle raison, une partie de la manade s’est précipitée dans le Vistre.

Le fond vaseux, les talus abrupts et instables de la rivière ont empêché le bétail de remonter. Les traces laissées par les sabots de devant des animaux attestent des efforts qu’ils ont pu faire pour tenter de se sauver.
Que s’est-il passé ?
Une bête effrayée est-elle tombée à l’eau, aussitôt suivie par une partie du troupeau ?
Nul ne le saura jamais !

Et le lendemain, dans un spectacle de désolation, on retirera tout en aval 65 cadavres. Le gros de la manade Aubanel est pratiquement anéanti : il reste une trentaine de veaux, dix-huit vedelières, un seul étalon et un peu de « curaille », environ 20 bêtes, les plus mauvaises pratiquement sans utilité.

Tout le monde s’interroge sur les causes de ce désastre, d’autant, comme le soulignera Marcel Mailhan, qu’il n’y a eu aucune faute professionnelle de la part du manadier ou de ses gardians.
L’autopsie n’a décelé aucune anomalie . Les voisins n’ont pas entendu le moindre bruit suspect.

Dès le 7 décembre, Pierre Sarguet écrit au président pour lui demander de lancer un appel de solidarité au monde de l’afecioun : « ce serait dans la ligne de notre coeur et de notre esprit de gens de Bouvine. La lignée Baroncelli le mérite ».
Quand il reçoit ce courrier, Louis Lacroix a déjà rédigé l’appel qu’il envoie à la presse pour diffusion ; il le fait au titre de la Fédération des Sociétés Taurines de France qu’il préside, car il entend associer à cette action la section corrida et la Course Landaise :

« Clubs taurins, amis afeciounados,
L’effroyable catastrophe qui vient de frapper la manade Aubanel De Baroncelli a bouleversé le monde de la bouvine.
Tous les meilleurs éléments de l’élevage ont disparu, et aussi les taureaux d’abrivado. Les afeciounados comprendront ce que cela signifie.
L’amitié et la générosité de l’afecioun doivent se manifester à plein.
Les manadiers aident leur confrère.
Je lance un appel - car il s’agit de la solidarité de tous les gens de taureaux- à la section corrida et la course landaise.
Mais je m’adresse surtout à vous, Provençaux et Languedociens, qu’anime la « Fé di Biou ».
Il faut refaire les bêtes d’abrivado. Il faut refaire les cocardiers. Il faut que revive la manade du Marquis.
Il faut de l’argent, vite.
Les comptes seront rendus, et sur les sommes recueillies, et sur leur emploi.
C’est une lutte sacrée que nous devons ensemble mener contre un mauvais destin.
Faites que ce soit pour l’afecioun, une nouvelle victoire
 ».

L’appel fut entendu. Largement. Il permit le versement d’un premier secours de 5000 F. puis l’achat de bétail à la plupart des collègues d’Henri Aubanel.
Le syndicat intercommunal de protection des sites, présidé par le maire du Cailar, Monsieur Clavel, s’est lui aussi préoccupé du problème, a appuyé l’initiative du président Lacroix, a recherché la possibilité, en dehors de l’aide immédiate, d’obtenir des aides à long terme, et s’est engagé à rechercher des solutions à la pollution du Vistre, situation dont il saisira M. Robert Poujade, ministre de la protection de la nature et de l’environnement.

Monsieur Henri Aubanel a été très sensible au réconfort moral et financier, ainsi qu’aux innombrables témoignages de sympathie dont il a été entouré.
Dès le 15 janvier il envoie au président Lacroix une chaleureuse lettre de remerciements, exprimant l’espoir, « grâce à l’aide du parc et à la vôtre de remonter la manade Baroncelli et de lui rendre son faste passé, comme sa vraie place dans les arènes »."