Le Château de l’Arc était devenu la propriété du célèbre peintre Bernard BUFFET, qui ce jour-là fêtait ses 30 ans. Sans doute avait-il pensé à diverses manières de fêter cet anniversaire, mais sans aucun doute l’influence de ses amis avait-il prévalu. Il faut encore y ajouter le cadre de l’ancienne demeure des Jesset du XVIe siècle avec son parc immense, ses allées, ses dépendances, ses appartements, où dans le hall étaient exposées de nombreuses toiles du célèbre peintre.
Bref l’ensemble était fait pour recevoir des hôtes de marque. Ils y étaient, notamment Annabelle, Marie Laure de Noailles, Mme Lanvin et pour conserver son style et sa manière particulière Jacques CHAZOT, qui sur le bord de la piscine esquissait un pas de deux.

Sansonnet et Ventadour à Sainte Anne

Les arènes démontables avaient été transportées et mises en place par M. SAN JUAN père avec des gradins confortables.
En attendant l’heure et l’arrivée des nombreux invités, des garçons en livraie blanche, comme les costumes civils à la mode de l’époque, passaient avec des plateaux pour servir rafraîchissements et réconfortants. Enfin l’heure venue, M. Jean LAFONT me demanda de présider cette course, qui ne posait aucun problème.

II y avait en effet quatre taureaux de la manade cailarenque : RAMUNTCHO, HUGO, TORPILLEUR, CAILAREN, qui devaient être rasetés par le fameux quatuor de l’époque ; il en manqua un au dernier moment et le trio PASCAL, SAN JUAN, CANTO fut complété par Henri LOPEZ de St Laurent d’Aigouze.
Il s’agissait simplement d’un festival et d’une démonstration devant un public neuf, qui avait rempli complètement les gradins.
Le premier taureau RAMUNTCHO débuta calmement et les attributs étaient normalement primés tout au moins la cocarde. Mais dès le 1er gland Madame Paul RICARD, qui était dans l’assistance me faisait parvenir un papier sur lequel elle avait marqué de porter ce gland à 50.000 Frs. [1]
Il y a lieu de préciser que nous étions encore à l’époque des anciens francs.
Il y eut un certain remous dans l’assistance et les dames, qui m’entouraient à la Présidence réagirent avec vigueur.
La Comtesse Marie Laure de Noailles notamment prit l’affaire en main pour ce qui concerne l’initiative des primes. Mais s’agissant d’un festival, tout le monde pensait, que c’était là certaines fantaisies.

Cependant l’entracte arrivant après le deuxième taureau, M. .Jean LAFONT toujours réaliste demande à ces dames, si elles auraient assez d’argent pour payer ces belles primes.

Pour tout dire, le premier gland de RAMUNTCHO avait été enlevé par CANTO à 110.000 Frs. [2] Le deuxième primé à 200.000 frs [3] n’avait pas été enlevé.
Au 2e taureau HUGO, Roger PASCAL avait coupé et enlevé la cocarde à 200.000 frs et le premier gland à 10.000 frs. Il enleva encore le second gland à l00.000 frs.
Après de substantielles agapes dans le parc ombragé, où l’on arrivait à confondre les garçons de service et les invités portant à quelque chose prés le même costume, retour aux arènes.
Sortit TORPILLEUR très fougueux. Nos quatre mousquetaires avertis de la réalité palpante des primes annoncées, prirent les choses au sérieux : PASCAL coupa la cocarde à 300.000 Frs [4] et CANTO l’enleva à 350.000 frs et le second à LOPEZ
150.000 frs.
Le dernier taureau était CAILAREN, Francis SAN .JUAN coupe la cocarde à 60.000 frs et CANTO l’enleva à 210.000 frs avec le premier gland à 10.000 frs. Le deuxième gland est pour SAN JUAN à 200.000 frs.
Le public ne manqua pas de chaleureusement applaudir les exploits de nos tenues blanches et Francis SAN JUAN infatigable et toujours prêt à en faire davantage, effectua devant l’assistance émerveillée le fameux saut de cheval à cheval mieux encore que le meilleur écuyer de cirque.

C’est finalement la somme fabuleuse de 1 million 620.000 frs [5], que nos raseteurs se partagèrent ce jour là. On croit rêver, si l’on se reporte à l’année 1958.
M. Bernard BUFFET très sensible à la présence de la presse taurine eut la gentillesse de nous installer dans son bureau pour téléphoner le compte rendu.
Et alors que chacun s’égayait dans le parc, d’autres étaient sensibles aux approches d’une très belle piscine et c’est ainsi que Jacques CHAZOT dut se soumettre gentiment au bain forcé ce qui était loin d’être désagréable par cette chaleur estivale.
Et au retour bavardant avec nos amis sur celle surprenante course, nous avons voulu en faire partager les péripéties à l’ancien raseteur CHAMPION, qui tenait un café sur la place à St Rémy. Il nous regarda avec étonnement et pensa que la fée était trop belle, jusqu’au moment, où certains acteurs de la journée passant par là, lui montrèrent par le détail... le fruit de leurs généreux efforts.

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