La photo de Renaud qui illustre l’article, est celle d’une chute spectaculaire à Bellegarde, le 10 octobre 1958, pendant l’abrivado.
On avait répandu sur la chaussée du gravier, peut-être en quantité trop importante, et lorsque le groupe chevaux - taureaux, qui avait Jean Lafont en tête, arriva au croisement de la célèbre Fontaine et tourna à droite pour aller aux arènes, le cheval d’Henri Laurent, cheval qui n’était pas ferré, glissa et tomba entraînant son cavalier que vous voyez chuter entre le cheval blanc et le cheval noir son bras en avant, pour essayer de se mieux recevoir.
Tout le groupe lui passa forcément dessus et tous les spectateurs présents eurent très peur pour le cavalier. C’est avec soulagement que quelques secondes après, nous le vîmes se relever, marcher ; il n’avait eu que quelques contusions, causées par les pattes des taureaux qui l’avaient piétiné.

"Jamais un gardian ne gardera sa veste sur le dos pour mener une abrivado car ce serait faire injure aux gens du village en leur signifiant qu’il n’y aura pas besoin de mouiller la chemise, que l’on peut garder la veste car les piétons n’auront pas assez de courage pour faire échapper les biòu !"

Or donc, un 14 juillet il y avait abrivado à Aubais et la veille un gardian nommé "Boit au Baril" avait déclaré au café : " Je gage que nous monterons enfermer la course au haut du village sans quitter la veste ".
Les aubaisiens décidèrent de relever le pari. Il faut dire que pour qui connaît la montée d’Aubais, avec un virage à angle droit au bout de la montée, ils leur était facile de créer des difficultés aux cavaliers.
Pour l’abrivado, lui et ses compagnons avaient revêtu la veste et ils le payèrent très cher.

Plusieurs fois la foule les repoussa au pied du fameux Château. C’en était trop, les chevaux étaient épuisés ! " Boit au baril " décida que coûte que coûte ils passeraient et lançant le dompteur dans une charge effrénée, il ’élança.

Tout se passa bien jusqu’au fameux virage qu’ils abordèrent à fond de train, lorsqu’une bande de jeunes gens sautèrent au mufle des taureaux. Ce fut une mêlée générale.
" Boit au Baril " réussit à se dégager de la horde mais le cheval de son compagnon, Casimir, fit un écart, bascula presque complètement dans le vide tandis que le gardian tentait de sauter de la monture. Hélas il eut un pied pris dans l’étrier.
Le " Matelas " allégé se éleva rapidement et repartit à la suite des bœufs mais le pauvre Casimir fut traîné par le cheval qui ruait et se brisa la tête sur les calades de la rue et ce fut un corps sans vie que les aubaisiens relevèrent tandis que le" Matelas " enfermait à lui seul toute la course.
Et la foule menaçante s’en prit à " Boit au baril " en lui criant : " Tu la quitteras la veste gueusard ! une autre fois !"

C’était à Aubais, il y a fort longtemps. A Aubais, où l’on maintient en août la tradition des arrivées et des courses au " Plan ". On y est toujours aussi passionné, mais le drame survenu autrefois en cette montée toujours aussi dure à gravir est bien oublié.
Seuls quelques anciens s’en souviennent encore !

Ainsi va la vie dans le monde de la bouvine comme ailleurs...