QUAND nous vivions encore a l’heure du soleil, chaque année au mois de septembre. grande était notre joie d’aller cueillir dans la colline et les champs de l’hauture, l’hysope, la sarriette et ces champignons que nous appelons bérigoules [1].

Mais nous allions aussi dans l’autre quartier du terroir où se trouvaient les terres arrosables et les paluds pour y faire provision de roseaux et de prêles.

Au mes de setèmbre, dóu tèms que vivian encaro à l’ouro dóu soulèu, grand gau avian d’ana treva la colo e li terra de l’auturo pèr iè culi l’isop, lou pebre d’ase e li berigoulo.

S’anavo tambèn, de l’autre caire, dins li baisso e li palun pèr se prouve si de canèu e de cassaudo pèr faire d’escoubeto e de fretadou.

Le balai tient une place si grande et si particulière dans une maison qu’on ne peut s’étonner du rôle magique qu’on lui attribue dans le monde des sorciers.

Sans pourtant l’avoir vu, nos parents nous contaient que, pour aller à leurs sabbats, les sorcières chevauchaient un balai de bruyère.

On disait que cet instrument en poussant hors de la maison les balayures dérangeaient les mauvais esprits qui volontiers s’y tiennent. C’est pourquoi, de nos jours encore, bien que ne croyant plus à de telles sornettes, les ménagères ont coutume. après avoir balayé, de laisser quelques instants leur balai dehors, appuyé, tète en bas, contre le mur.

Les petits esprits qui se sont laissé prendre dans leurs brins pourront ainsi s’en aller.

L’escoubo tèn uno plaça tant grando e tant particuliero dins la vida d’un oustau qu’es pas estounant que se i’ague fa teni un rote magi dins lou mounde di masc.

Sènso pamens l’avè vist de sis iue nósti parent nous countavon que, pèr ana à si sabat, li vèii sourciero encambavon uno escoubo de brusc.

Se disié qu’aquel estrumen, en butant fora de l’oustau lis escoubiho, desrènjo li diabloun que voulountié se ié tenon. Es pas pèr rèn que, vuei encaro, meme en ié cresènt plus à tàli mascarié, li femo an pèr abitudo, après avé escouba, de leissa un moumen soun escoubo deforo, apielado de rebous contra la muraio.

Lis esperitoun que se ié soun pres poudran ansin s’enana.

Balais de millet, balais de crins étaient achetés dans les foires mais c’est à la maison que se faisaient les balais de genêt pour les écuries et les balais d’aire avec des touffes de bouillon-blanc qu’on utilisait lors des airées.

A la maison encore s’agençaient tes plumeaux avec les grandes plumes des dindes ou des poules dont on se servait pour épousseter les meubles.

Escoubo de mi, escoubo de cren s’achetavon à la fiera mai es à l’oustau que se fasien lis escoubo de petarello pèr escouba l’estable e lis escoubo d’iero emé de mato de bouioun blanc que servien pèr li cauco.

A l’oustau se mountavon tambèn, emé de pluma de dindo o de galino, lis escoubo-de-plumo que fan mestié pèr espousseta li moble.

On façonnait aussi des balayettes pour rassembler les cendres de l’âtre et les têtes-de-loup pour enlever les toiles d’araignées du plafond, avec les plumets des roseaux que l’on allait couper dans les paluds ou les ruisseaux des terres basses.

Soit à pied, soit s’étant fait prêter un charreton et l’âne, des troupes d’enfants et de jeunes filles, quand venait le mois de septembre. emportant leur goûter dans des musettes, partaient donc à la cueillette des roseaux et faisaient en même temps provision de prêles.

Heureuse et joyeuse expédition !...

Se ié fasié d’escoubeto pèr ramassa li cendre dóu fio e li tèsto-de-loup pèr destaragna li plafound, emé li plumet di canèu qu’anavian coupa dins li valat de la baisso e dins li palun.

D’à-pèd o se fasèn presta l’ase e lou carretoun. de chourmo de chato e d’enfant, quand veniè lou mes de setèmbre, pourtant un bon gousta dins biasso, anavon ansin s’aprouvesi de canèu e, pèr la memo óucasioun, de cassaudo.

Urouso e gaio espedicioun  !...

Joyeuses aussi étaient les réunions, devant les maisons, des femmes et des filles du voisinage, où l’on faisait les balayettes en assemblant et liant des poignées de roseaux et des frottoirs avec les prèles.

Avec cette dextérité innée qui leur est propre, femmes et jeunes filles tordaient et nouaient, en cercles ou en torsades, les vertes mèches des prêles pour en faire des frottoirs qu’elles enfilaient ensuite d’une ficelle.

Ces chapelets de frottoirs, nous les conservions sous les escaliers mars il y en avait toujours un accroché près de l’évier, à portée de la main pour nettoyer la vaisselle.

Autant jouiouso èron pièi li batudo que, davans lis oustau, vesien s’acampa femo e chato de la vesinanço pèr faire d’escoubeto en enliassant quàuqui canèu e de fretadou emé li cassaudo.

Emé lou biais que tenon clou banèu, prenènt pougnado après pougnado, toursien e nousavon en torco fasènt lou round vo ben lou vue, li verdi cassaudo pèr n’en faire de fretadou qu’enliassavon pièi à-n-uno corda.

Aquéli rèst de fretadou li tenian nautre sauta lis escalié e n’i’ avié sèmpre un de penja proche eiguié, à pourtado de man, pèr escura li sieto.

Petite économie c’était là, certes.

Mais cette petite industrie nous avait donné la joie d’aller parcourir un coin de notre terroir où l’on ne se rendait pas souvent et d’avoir, une fois de plus, travaillé avec les voisines pouvant ainsi parler et rire ensemble comme on savait le faire en ces temps qui s’éloignent où nous vivions encore à l’heure du soleil.

Pichoto espargno tout acô, de segur.

Mai aquelo pichoto endustrio nous avié baia la gau d’ana treva un cantoun de noste terradou mounte s’anavo pas souvent e d’agué, uno fes de mai, travaia de coumpagno emé la vesinanço e de pousqué parla e rire ensèn, coume se fasié dins, aquéli tèms que s’aliuenchon mounte vivian encaro à l’aura dóu soulèu.

[1bérigoules : pleurotes de panicauts, petits champignons de la couleur des pierres de la Crau.
Poussent au pied des panicauts, ces herbes piquantes de Crau qui sont des faux chardons.
Les barigoules ont donné leur nom à une recette. À l’origine, elles étaient préparées en sauce et remplaçaient le foin au fond des artichauts, d’où le nom artichauts à la barigoule.