Manade Saliérene - 12
ffcc.info :Revenons , dans l’association des éleveurs de taureaux. Cette association et Françoise Peytavin participent à de nombreuses autres associations :
L’association de promotion AOC des taureaux de Camargue,
Le centre de Découverte du Scamandre,
Syndicat mixte pour la gestion et la protection de la Camargue Gardoise,
Comité de défense des traditions régionales,
La Raço di Biou,
Un mot sur cette dernière association ?
Françoise Peytavin : La Raço di Biou est le livre généalogique du taureau de Camargue, mis en place en 1999. Il permet la gestion et la reconnaissance officielle de la race. Nous étions restés des marginaux, ce qui n’est plus le cas avec cette reconnaissance. Cela impose aux éleveurs
- 1- d’identifier correctement le bétail, mais maintenant, l’identification est obligatoire pour la traçabilité.
- 2- de signaler les vaches mises à la saillie, et l’étalon mis avec ces vaches
- 3- si on change d’étalon en cours de période, de laisser 15 jours entre les périodes de saillie, et de ne mettre qu’un étalon par lot de vaches.
Cela a gêné aux débuts certaines pratiques dans des manades où ils avaient l’habitude de mettre 4 ou 5 étalons afin d’améliorer la productivité...
Mais à travers le livre généalogique, cela permet de rassembler tous les manadiers ou tous les détenteurs de bovins, qu’ils fassent ou non partie d’une association de manadiers, qu’ils aient quelques bovins, pour en faire Dieu sait quoi... Le seul critère d’entrée est que le bovin Camargue étant considéré comme un bovin sauvage, il doit vivre en extensif. _"Le bovin Camargue étant considéré comme un bovin sauvage, il doit vivre en extensif"Une personne qui se présente à la raco di Biou avec 2 vaches sur 50 ha sera acceptée sans aucun problème, parce que les réglementations européennes nous imposent de la prendre. Alors que le contraire n’est pas possible. C’est le seul point sur lequel on appuie pour se préserver un peu. Mais jusqu’à maintenant,il n’est pas dit que cela dure tout le temps. Peut être l’Europe nous imposera de prendre tout le monde, comme on a été obligé de le faire pour les chevaux.
Nous, on s’est basé sur le fait qu’un taureau sauvage doit vivre dans du large.
ffcc.info :Combien avez vous de demandes ?
Françoise Peytavin : Chaque année on reçoit plus de 20 demandes nouvelles. Sur ces demandes on en prend 2 ou 3. Il faut qu’ils rentrent dans les clous...
C’est parce qu’on a le livre généalogique qu’on a des aménagements spéciaux :
La possibilité de boucler les veaux jusqu’à 6 mois, non pas à la naissance.
Aménagements spéciaux sur le plan sanitaire, abattage progressif en cas de tuberculose etc....
Tout cela est lié à la reconnaissance officielle de la race par le biais du livre généalogique.
L’an dernier l’association a adhéré sur mon initiative à France Supra Sélection qui gère tous les livres généalogiques de France. On se rend compte dans ces moments la qu’on est pris, notamment avec l’épisode de Saint-Remy, pour des brocanteurs. Nous sommes allées avec Anne Vadon a l’INRA à Paris pour l’adhésion A France Supra Sélection. Toutes les races étaient représentées à l’assemblée générale. J’y ai fait une présentation rapide de la race Camargue. Comme toutes ces réunions, le moment intéressant est « l’après réunion » où l’on se croise et discute. A l’apéritif, ils sont venus nous voir, et au bout d’une demi-heure de discussion ils nous disent « mais alors vous êtes de vrais éleveurs ? vous identifiez vos bêtes, vous faites des prophylaxies ? ». Dans leur tête nous étions quelque part entre les Corses et... les indiens dans la Pampa. _
En gros c’était ça.
On se rend compte à quel point nous avons besoin d’être crédibles dans toutes nos actions d’élevage. Si on ne fait pas çà, un jour cela va nous tomber sur le coin du nez...
On ne pourra plus rien demander. Si on a besoin de réglementation spécifique en cas d’épidémie, ou autre, dans le but de sauver la race, il faut que l’on soit vraiment dans les créneaux de toutes les races françaises.
ffcc.info :Et cette association fonctionne avec le parc naturel régional de Camargue ?
Françoise Peytavin : Oui, le parc assure le secrétariat.
ffcc.info :Pourra on revenir vous voir pour un second entretien dédié au livre ???
Françoise Peytavin : Bien sur, et à ce moment là je demanderai à Anne Vadon de venir. Anne est notre chargée de mission et se charge de la partie informatique du livre, et de faire les certificats. Anne est de surcroît Biologiste de formation.
Au mois d’Avril nous devons monter à un colloque (à Beauvais le 7 avril) autour des races menacées, et personne n’a pensé à la race Camargue. J’ai envoyé un email au professeur organisateur, et nous montons parler du Camargue. En cas de grosses épidémies type fièvre aphteuse, être unis avec d’autres races menacées pour s’opposer à un abattage systématique, permettrait peut être de sauver la race.
Lorsque l’on est monté voir le ministre de l’agriculture lors de l’épisode de la fièvre aphteuse, on a reçu des promesses de ministre, qui n’engage que celui qui les écoute.
ffcc.info :L’association des éleveurs participe aussi à l’association des éleveurs Alpes Provence, de Bovins 13, de PACA BEV, du syndicat des éleveurs de l’Hérault, des producteurs d’éleveurs de bovins du pays d’Arles, du GIP du parc de Camargue.
Françoise Peytavin : Le GIP n’existe plus, c’est un syndicat mixte, maintenant. Donc, il y a un conseil du Parc nommé pour regrouper les associations adhérentes qui utilisent le parc. Schiavetti, maire d’Arles, est président du syndicat mixte.
Notre rôle au sein de ce conseil est purement consultatif. Mais charge à nous de faire remonter à nos politiques ce dont nous avons besoin.
ffcc.info :Toutes ces participations montrent la quantité de travail qu’il y a et qui reste à faire pour sauvegarder notre pays. Françoise Peytavin est certainement très bien entourée ?
Françoise Peytavin : C’est vrai que le rôle du Parc est prépondérant, et que nous ne pourrions pas réaliser tout ça sans leur soutien. Notamment avec le secrétariat au parc, un technicien, Aurélien Jouvenel qui s’occupe de toutes les subventions, Anne Vadon, chargée de mission, qui travaille beaucoup sur chaque dossier, L’ensemble des associations va engager une nouvelle secrétaire parce qu’ils sont débordés...
Maintenant le coté réunion est très lourd à gérer. Un jour sur deux, je ne suis pas dans ma maison, et personne ne fait mon boulot chez moi. Donc, c’est difficile. D’un autre coté, on a été un peu reconnus depuis une dizaine d’années parce qu’on s’est investis dans toutes ces actions. On était dans notre petit microcosme camarguais en pensant ne bougeons pas, peut être on ne nous verra pas.
On a un problème récurrent, c’est l’ IBR* , pour revenir sur les maladies. La déclaration de l’IBR est une démarche volontaire, pour vacciner ou avoir des troupeaux assainis. Mais c’est volontaire dans la mesure où dans un département, il y a moins de 60% des éleveurs indemnes d’IBR. Au delà de ces 60% cette déclaration est imposée. Cette année on ne peut pas emmener de bovins au salon de l’Agriculture parce qu’il fallait des troupeaux indemnes d’IBR, et que les Camargue sont vaccinés. Dans les Bouches du Rhône, on a pris le problème à bras le corps pour monter un dossier de demande de subvention, l’IBR coûte très cher. Depuis trois ans le Conseil Général subventionne à 75% la vaccination contre l’IBR. Dans le Gard et l’Hérault les GDS n’en parlent pas. Ils ne veulent s’occuper que de la tuberculose pour voir ça après.
Je viens d’apprendre par le biais d’un technicien bovin efficace à la chambre d’agriculture d’Aix en Provence, la fédération nationale des groupements de défense sanitaire vient de déposer une demande afin que soit pris un arrêté ministériel rendant obligatoire un dépistage et une vaccination dans tous les départements. Ils vont se retrouver du jour au lendemain face à une obligation sans avoir pu anticiper sur les demandes de subvention. Comme ca coûte cher, il va encore falloir traîner de force des éleveurs à la vaccination.
Heureusement que l’on va écouter ce qui se passe dans les différentes réunions, sinon on serait toujours face à nos petits problèmes de tubards entre nous...
ffcc.info : ce n’est pas simple et c’est risqué...
Françoise Peytavin : C’est vrai qu’il est compliqué de faire des prophylaxies. C’est vrai que c’est traumatisant pour les bestiaux de passer dans un couloir et que chaque année on desbane une bestiole jeune dans ce couloir. Mais il faut aussi s’organiser pour TOUT faire d’un coup.
Sur deux jours, en automne, on teste la tube, on fait les vermifuges d’automne, la prise de sang, IBR et leucose, et la vaccination IBR. Mais c’est vrai qu ‘à chaque fois il y a un coup de corne, un desbanage, les bêtes sont stressées ...
ffcc.info : Françoise, André, un grand merci de nous avoir reçus, supporté et de nous avoir ouvert votre maison et d’avoir répondu à toutes nos questions avec cette franchise qui vous caractérise.
Vous avez commencé notre série d’entretiens. Vous allez nous porter chance et une série suivra. Merci encore.