Manade Saliérene - 5
La prophylaxie
ffcc.info : Revenons à la manade et les nouvelles dispositions. La prophylaxie : c’est un bien ou un frein ?
Françoise Peytavin : C’est indispensable. Etre manadier, c’est avant tout être éleveur. Il n’y a pas d’élevage, s’il n’y a pas un souci de la santé de son bétail.
ffcc.info : Pourtant on dit que c’est un bétail sauvage, qu’il n’a jamais été vacciné ni traité qu’il n’en a pas besoin que cela lui enlève son caractère sauvage...
Françoise Peytavin : Il y a plusieurs points. C’est un bétail sauvage. C’est vrai, il n’a jamais été traité dans le passé, c’est aussi vrai... Mais il y avait 20% de mortalité annuelle du bétail. On les trouvait morts sur le pays. C’est vrai que c’est une sélection naturelle, une bête un peu faiblarde, hop au premier coup de froid ça claquait... Pareil sur un coup de pluie .
Maintenant on n’a pas une fois par an une bête qui meurt en pays pendant l’hiver. C’est vrai qu’on a supprimé de la sélection naturelle, à ce niveau là et qu’on a tiré d’affaire des mauvais rousigons qui ne mériteraient pas de vivre. C’est également vrai.
On ne peut pas à l’heure actuelle ne pas être dans les clous au niveau des prophylaxies. Et au niveau de la santé animale. C’est impossible._
ffcc.info : Affourager l’hiver est une pratique récente.
Françoise Peytavin : Oui, avant les bêtes mangeaient ce qu’elles trouvaient. Bon, il y avait plus de territoire, quand même. Puis on gardait l’hiver. Nous, il n’y a plus guère qu’une dizaine d’années que l’on s’est arrêté de garder.
Mais jusque dans les années 60-65 on gardait jusqu’à l’entrée d’Arles. Les bêtes n’étaient pas affouragées, alors quand il faisait des mauvaises journées, l’herbe d’hiver n’est pas nourrissante comme une herbe de printemps, ça fait 30 ans maintenant que les bêtes sont affouragées l’hiver.
ffcc.info : La sélection. Que cherche un manadier lorsqu’il fait sa sélection ?
Françoise Peytavin : Il cherche un taureau qui soit un cocardier. Mais un cocardier qu’est ce que c’est ?
Pour moi, c’est pas forcément un taureau qui va taper dans les barricades comme un jobastre dès qu’il y a un papillon qui bouge. Il faut que ce soit un taureau qui ait l’agressivité bien placée, la méchanceté bien placée et qui ait le sens du combat...
ffcc.info : au fond il faut qu’il soit intelligent
Françoise Peytavin : Très intelligent. Un bon cocardier est forcément intelligent
ffcc.info : On dit d’un cheval qu’il n’a pas d’intelligence, mais qu’il a de la mémoire.
Françoise Peytavin : Je crois quand même que le taureau est beaucoup plus intelligent que le cheval. Le taureau est un sportif. Il n’y a pas de sportif de haut niveau qui n’ait à la fois la tête et les jambes. Il peut avoir un physique extraordinaire, s’il n’a rien dans la tête il sera un bon sportif, il ne sera jamais un sportif d’exception.
Un taureau d’exception est forcément un taureau qui a des qualités physiques, mais surtout des qualités mentales.
D’où le compliqué de la sélection. Sur les autres races on sélectionne sur les critères physiques, nous, on ne sélectionne que sur de mental. Si en plus il est beau cela n’en est que mieux, mais bon, on a vu des taureaux qui avaient des cornes abîmées, qui n’étaient pas beaux, mais qui étaient de très bons taureaux.
ffcc.info : A quel age peut on être certain du comportement du taureau.
Françoise Peytavin : On n’a pas le comportement définitif avant l’âge de 5-6 ans.
ffcc.info : Et à quel âge bistournez vous ?
Françoise Peytavin : Souvent vers 3 ans et demi.
ffcc.info : Vous avez eu le temps d’évaluer.
Françoise Peytavin : Pas forcément, mais il n’y a pas que cela qui compte.
A trois ans le taureau a fait 3 ou 4 courses au moment du bistournage. On ne se fie pas que sur ce qu’ils ont fait dans les arènes. A comportement égal dans les arènes, on va privilégier certaines familles parce que l’on veut rester sur certaine lignée. On va mettre plutôt celui là qu’un autre parce qu’il vient d’une lignée plus intéressante. La génétique ne fait pas tout.
S’il s’agissait de mettre un bon taureau sur 20 bonnes vaches, on aurait 20 cocardiers à chaque fois, on ne saurait plus qu’en faire.
Ce n’est pas le cas actuellement, loin s’en faut. Mais cela fait une bonne partie. A chaque fois qu’il y a eu une vache tocarde qui vous fait un très bon taureau, et qu’on repart sur la lignée de la vache, on va toujours trouver à la base, même si c’est vingt ans auparavant, une très bonne vache qui a été déjà mère d’un grand cocardier, ou qui elle-même a été une grande cocardière.
ffcc.info : Vous rejoignez les espagnols, qui sélectionnent plus la mère que le mâle.
Françoise Peytavin : Oui bien sûr.
La mère transmet le caractère. Le père transmet le physique. Il transmet aussi une partie du caractère, mais il faut avoir de très bonnes vaches si l’on veut avoir de bons taureaux. C’est clair.
ffcc.info : On verra avec les fils de Danton, qui a été le premier à ensemencer ainsi, on avait connu Vovo.
Qu’est ce qui explique l’absence de grands cocardiers en ce moment ?
Françoise Peytavin : Actuellement, les taureaux globalement, en dehors du fait qu’ils sont mieux nourris, mieux soignés, ils n’ont pas énormément évolué depuis 50 ans. En revanche tout le reste a évolué. Les raseteurs n’ont pas le même comportement que les raseteurs d’il y a 50 ans, les arènes ne sont qu’à l’avantage des raseteurs, jamais des taureaux...