Deuxième partie :
Dans ce projet, nous proposons de faire au cours du Rhône, qui peut se faire en plusieurs points, nous en désignerons trois plus particulièrement.

a/ Le premier est de commencer la dérivation à 3.320 mètres ( 1660 cannes) au dessous d’Arles, au premier contour que fait le Rhône vers le mas de Perrot, en le dirigeant au couchant vers la tour de Mondony, au levant du hameau de St Cécile, entre les mas de Nau et de Cabassole, et arrivant à l’étang du Vaccarès ; ensuite de faire une ouverture à l’autre extrémité de l’étang vers la mer, au milieu de l’anse formée entre les Saintes Maries et l’étang de Beauduc ; la longueur de cette dérivation, depuis son commencement au Rhône, jusqu’à l’étang du Vaccarès est de 11000 mètres, (5500 cannes) et de là jusqu’à la mer, en traversant l’étang et la langue de terre qui le forme, la longueur est d’environ 14500 mètres (7250 cannes), ce qui fait pour la longueur totale, un peu plus de deux myriamètres et demi (12750 cannes). Nous avions pensé de prolonger la direction du Rhône jusqu’au mas de Bourgogne, et faire un contours pour entrer dans le marais du Vaccarès, et au delà, à travers le marais et l’étang du même nom, arriver en ligne droite à la mer, mais nous avions craint que cette direction ne portât pas assez à l’ouest les dépôts , c’est pourquoi nous nous contentons de l’indiquer ; d’un autre coté, elle traversait l’étang du Vaccarès dans sa plus grande profondeur, ce qui rendrait les chaussées très difficiles et très dispendieuses à construire.

40/ Le second, est de commencer la dérivation à 12000 mètres (6000 cannes) au dessous d’Arles, au troisième contour que fait le Rhône, en passant au midi du hameau des sansouires, près du mas de Millet, en laissant au couchant la tour de Montmeillant et le hameau de Villeneuve ; et passant entre le mas de Ramiau et la cabane des Bœufs, pour aboutir à l’étang du Vaccarès, et de-là à la mer, comme décrit ci dessus (39) ; la longueur de cette dérivation, depuis le Rhône jusqu’à l’étang est d’environ de 6000 mètres (3000 cannes), et de là jusqu’à la mer , elle est d’environ de 14000 mètres (7000 cannes), ce qui fait pour la longueur totale deux myriamètres 20000 mètres (10 000 cannes).

41/ Enfin, la troisième est de faire la dérivation vers le canal du bras de Fer, en le dirigeant en ligne droite depuis le commencement de l’ancien lit jusqu’à son embouchure à la mer ; la longueur serait d’environ 13000 mètres, mais cette troisième manière de changer le cours du Rhône ne pourrait remédier que bien important au mal, attendu que les dépôts seraient toujours portés à la partie la plus avancée du cap, formé par les atterrissements du Rhône, et qu’ils pourraient plus facilement être conduits par les vents et les courants du côté de l’est, qu’il est si essentiel de garantir.

42/ La première dérivation est celle qui présente le plus d’avantage , en ce qu’elle détruit toutes les sinuosités de ce fleuve, au dessous d’Arles ; qu’elle le conduit directement à la mer et par le chemin le plus court, ce qui augmente sa pente, et conséquemment la vitesse de l’eau ; mais qui pourrait y apporter beaucoup d’obstacles, c’est qu’elle traverserait une grande étendue de terrain cultivé depuis le Rhône jusqu’à l’étang du Vaccarès, sur la longueur d’environ 11 000 mètres, lesquels terrains sont d’un grand produit ; ce qui augmenterait considérablement la dépense qu’il faudrait faire

43/ La crainte de ces obstacles, qui sont souvent les plus difficiles à vaincre, nous à déterminé à proposer la seconde dérivation, comme coupant moins de terrain et de moindre valeur à mesure qu’on s’éloigne davantage d’Arles, ce qui pourrait en faciliter l’exécution, attendue qu’elle est moins dispendieuse ; mais les avantage de la première doivent l’emporter sur toutes ces considérations.

44/ L’embouchure de l’une et de l’autre de ces deux dérivations dans la mer est la même ; elle a l’avantage d’éloigner les sables et les limons, que le Rhône aura une direction plus favorable pour se rendre à la mer ; il aboutira à une plage immense qui sera capable de recevoir ses dépôts pendant plusieurs siècles, sans que l’on ait à redouter le moindre inconvénient pour les ports de Bouc de Marseille de Sette et d’Agde. D’un autre coté l’embouchure étant plus reculée, les courants de l’ouest ne pourrait pas porter les dépôts à l’est, parce qu’ils seront arrêtés par le cap formé par le Bras de Fer. Un autre avantage de ces deux premières dérivations, c’est de faciliter le dessèchement plus prompt des étangs du Vaccarès et du Fournelet, ainsi que celui de plusieurs marais dont l’étendue est immense sans être d’aucune utilité ni d’aucun produit.

45/ La largeur à donner a ce nouveau lit peut être fixé à 360 mètres, cette largeur à été reconnue plus que suffisante pour contenir toutes les eaux de ce fleuve, dans leur plus grande abondance. En outre l’étang du Vaccarès a très peu de profondeur dans cette partie, puisque dans l’été elle est presque à sec.

46/ Pour que ce changement du cours du Rhône puisse s’effectuer avec succès, et afin de prévenir les inconvénients et les dommages qu’il pourrait occasionner par son exécution, si on n’y apportait toute l’attention nécessaire, nous indiquons ici les moyens de l’opérer à peu de frais. En conséquence nous proposons de commencer ce nouveau lit en faisant deux chaussées ou digues en terres qui fixeront sa largeur et sa direction.

47/ Les terres pour former les chaussées, seront prises dans l’emplacement du nouveau lit et employées de la manière suivante. On commencera par enlever une couche de terre de deux décimètre d’épaisseur, que l’on nomme dans le pays, une pointe de Louchet ou Bèche, de manière à emporter toutes les herbes et racines qui lient les terres ensemble ; à mesure quelles seront portées aux chaussées, on les battra à la demoiselle, couche par couche, d’un à deux décimètres d’épaisseur ; cela fait, on ouvrira un canal dans le milieu du lit d’environ 20 mètres de largeur, sur environ un mètre de profondeur et de toute la longueur de la dérivation ; de manière, cependant, que le fond de ce nouveau canal, soit uni et sans contre pente, afin de n’approcher aucun obstacle au courant ; on pourra pour ce creusement se servir de la charrue avec succès, les terres qui en proviendront, seront également portées aux chaussées et employées comme les autres. S’il y avait a ses chaussées des parties faibles dans les bas-fonds, on les renforcera par quelques ouvrages en bois de peu de valeur.

48/ Le nouveau lit ainsi préparé, on y introduira les eaux peu à peu lors des grandes crues, et on les surveillera avec la plus scrupuleuse attention, afin d’en suivre les progrès. On aura le plus grand soin de réparer les dégradations qui pourront se faire aux chaussées et de maintenir les eaux dans la ligne droite et dans la direction qui leur aura été assignée ; au moyen de toutes ces précautions, on parviendra en peu de temps à ouvrir cette nouvelle dérivation, et à la perfectionner sans faire une grande dépense.

49/ Nous proposons de n’introduire les eaux du Rhône dans ce nouveau canal, que lors des grandes crues. Par ce moyen, on augmentera leur pente et conséquemment leur vitesse ; elles auront ainsi plus de force et plus d’énergie pour emporter les terres et former leur lit elles-mêmes.