Si l’on jette les yeux sur la carte d’Etat-Major du territoire du Delta, on est frappé par le nombre de Domaines qui font précéder leur nom par celui de "Tour" . ces tours éparpillées un peu partout, dans tous les sens, sont surtout nombreuses en Camargue et sur la rive gauche du Grand Rhône dans le Plan du Bourg. Leur emplacement parfois très en avant à l’intérieur des terres et aux quatre points cardinaux déroute celui qui recherche à s’expliquer leur existence antérieure ; cependant la confusion de leur situation n’est qu’apparente, car elles ont toutes été construite dans un but bien déterminé, à peu près toujours le même : servir de défense contre les pirates qui envahissaient et dévastaient notre territoire, et en même temps de poste de vigie ou de phare pour les navires qui s’engageaient dans les différents bras du Rhône.

« Le territoire d’Arles, dit Charles Lenthéric dans un de ses ouvrages sur la Provence, est un de ceux qui ont le plus varié depuis les temps historiques, et par sa nature il est destiné à éprouver encore dans l’avenir de nouvelles transformations ».
Nous allons voir combien cette assertion est vrai en exposant brièvement l’existence des vieux Rhônes morts et tours de défense qui furent construites sur leurs bords, tours aujourd’hui à peu près toutes disparues, dont les démolitions ont servi à édifier des fermes de rapport ou d’autres tours et autres fortifications, ou certains vestiges encore debout sont encastrés dans des bâtiments de construction moderne mais qui cependant ont conservé aux domaines dont elle ont été le berceau, le nom qu’elles avaient à leur baptême reçu.
« Toutes ces tours que je me plais à citer, avaient le même caractère, c’était un vaste massif rectangulaire en maçonnerie formant un long empâtement percé de meurtrières étroites et a talus fortement inclinés. La construction était couronnée par un parapet rarement crénelé, mais toujours recouvert d’une plate-forme dallée et flanqué de deux ou quatre échauguettes. Ces petites forteresses, d’un type conforme, échelonné le long de la plage, comme poste de surveillance, ou lieu de retraite et de casernement pour les agents de la gabelle, jalonnaient parfois le monotone pourtour du cordon littoral de tout le golfe de Lyon.Cette description des tours qui jalonnaient le golfe du Lyon s’applique exactement aux tours qui défendaient et protégeaient les embouchures du fleuve ; on peu s’en rendre compte par celles qui existaient encore, telles la tour St Louis, et son aînée la Tour du Tampan, aujourd’hui Tourvieille.
Chapitre II
Sans remonter au temps préhistoriques qui d’ailleurs nous sont fort peu connus au point de vue géographique, que nous pouvons nous reporter à l’époque de l’invasion romaine, au temps où Arles avant de devenir la capitale des Gaules, « Gallula Roma Arelas » était une ville assez importante pour que Jules César pût y faire construire et armer, dans l’espace d’un mois, douze grands vaisseaux de guerre pour aller assiéger Marseille qui avait embrassé le parti de Pompée.
A cette époque, ainsi que nous le prouvent soit les auteurs , soit les textes épigraphiques retrouvés dans la région même, trois sortes de navigation florissaient dans notre cité.
La marine de guerre y était représentée par tout un peuple de constructeurs et de mariniers de premier ordre ; des vaisseaux à qui il fallait des fonds assez profonds sortaient tout équipés de nos chantiers. La colonie Grecque dont se composait la population éminemment commerçante était représentée par une flotte considérable de navires d’un moindre tonnage ; enfin le troisième genre de navigation incombait aux utriculaires qui sillonnaient les étangs et la lagune qui entourait de toute part soit la ville soit les hauteurs qui l’environnaient.
Arles, comme on le voit et comme son nom celtique l’indique ( Ar-laith, près de l’eau), était un véritable port de mer et un port de guerre. Aujourd’hui cette situation est bien changée, car elle se trouve a vol d’oiseau ; à plus de 30 kilomètres de mer.. le Rhône qui la baigne, le principal agent de sa prospérité et dont les dépôts successifs ont formé l’ile de Camargue, a modifié maintes et maintes fois son cours, ce sont ces modifications que nous allons brièvement indiquer ainsi que l’histoire des tours construites sur ses rives.

Les auteurs anciens, diffèrent beaucoup sur le nombre des Bouches du Rhône, a leur décharge, il faut dire que le fleuve divaguait souvent ; Stabon, Ptolémée, Polybe, en comptent deux, Pline 3 qu’il appelle « Hispaniense ou Hispanicum » Métapinium et Massiliaticum ». Cette dernière embouchure était la plus orientale et la plus navigable à l’époque ou écrivait Pline (1er siècle de notre ère) l’ostium Massiliaticum devait se trouver non loin du lit actuel du Rhône, près du canal du japon, sur le domaine des Chalots, l’ostium Métapinum était l’embouchure du Petit Rhône, et l’ostium Hispanicum était aux environs de ce qu’est aujourd’hui Aigues Mortes. Timée, Diodore de Sicile et Festus Aviénus en comptent cinq, et Appolonius sept.
Malgré cette diversité d’opinions, nous pouvons ajouter foi aux témoignages de ces auteurs, car tous peuvent avoir également dit la vérité. Le Rhône formait a ses embouchures une quantité de Theys ou iles qui pouvaient former autant de gras ou embouchures ; ce sont très probablement les « soudures » de ces iles qui ont peu à peu formé la Camargue, car ce que nous appelons aujourd’hui la basse Camargue, où se trouve le domaine des Charlots, du Vedeau, d’Amphise, du Pèbre, de Tourvieille, de la Palissade, étaient, encore tout récemment , des iles formées par le Rhône, aujourd’hui totalement soudées à la terre ferme.

Nous pouvons suivre la progression en avant des embouchures du Rhône et déterminer à quelle distance elles étaient éloignées d’Arles, à différentes époques. Nous avons vu, d’après Pline, que « l’ostium Massiliaticum » était aux environs du domaine des Chalots ; c’était la pleine mer. Ammien Marcellin, qui écrivait au Ive siècle, donne dix huit mille romains d’Arles au Golfe du Gras, soit trente kilomètres de nos jours. L’historien Arlésien Anibert, dans ses mémoires sur la République d’Arles (1) dit qu’au XIIIe siècle les embouchures du Rhône étaient d’environ deux lieux plus voisins de la ville qu’elles ne le sont de son temps en 1782. Elles étaient situées sur les domaines du grand et petit Passon à environ trente sept kilomètres d’Arles ; si nous ajoutons à ces 37 kilomètres les deux lieux de son temps, cela donne quarante cinq kilomètres ; de nos jours elle sont à cinquante.
La progression moyenne à été de deux lieux par siècle, avec les fluctuations, il est évident que sous Louis XIV e défrichement des montagnes de la haute Provence et du Dauphiné a donné un accroissement plus sensible, car les alluvions étaient à cette époque beaucoup plus importants.Cette déformation de la côte de Camargue est encore plus apparente de nos jours, car, tandis que nous voyons le Rhône s’avancer dans la mer, nous voyons la plage de la ville des Saintes se creuse de plus en plus et les eaux bientôt baigner les premières maisons.

A ce sujet, Barras de la Penne, mort en 1730, écrivait que la ville des Saintes était éloignée de quatre-vingts toises, en 1650, elle était éloignée d’une grande demi-lieue, entre la mer et la ville existait des dunes couvertes d’arbres ou les habitants allaient a la chasse ; le curé de l’endroit, vieillard de quatre-vingts ans, quand Mr Barras l’interrogeait, affirmait l’avoir vu, et beaucoup de gens y avoir chassé.
C’est en 1711, à la suite d’une crue formidable du Rhône, que ce dernier se creusa le lit qu’il occupe actuellement ; il est probable que depuis cette époque il aurait encore modifié son cours, s’il n’avait été le prisonnier des digues insubmersibles qui l’enserrent. Qui sait, cependant, un jour, dans un effort suprême, ramassant toute sa colère accumulée depuis près de deux siècles, il ne brisera pas ses chaines et à nouveau ne déplacera pas ses embouchures.
Dans l’étude qui va suivre, nous avons puisé un peu partout d’utiles renseignements, mais c’est surtout la « statistique manuscrite » de Pierre Véran, déposée aux archives de la ville d’Arles, que nous reproduisons presque textuellement, qui a été notre principale source.

Nous avons surtout fait œuvre de compilateur et voulu expliquer à nos compatriotes la présence et la désignation de nombreux tènements aujourd’hui paisiblement livré aux grands travaux de l’agriculture et qui portent souvent un nom peu en rapport avec leur nouvelle situation.
Pour la clarté de ce travail, nous allons le diviser en deux parties, qui correspondent aux rives du fleuve : rive droite et rive gauche.

Chapitre III
Rive droite : Brassière de la Cape ; Branche de la Cape.
Cette branche est une des plus anciennes qui aient existé ; en 1150, elle est mentionnée dans une charte qui indique que l’archevêque d’Arles payait des pontonniers pour son passage.
Elle allait porter ses eaux à la mer par deux routes différentes, dont l’une se terminait en dessous de ce qu’est aujourd’hui le domaine de Méjanes, et l’autre près de l’Abbaye d’Ulmet, à l’ouest du domaine de Fiélouse, a peu de distance de l’endroit ou la Cape dérivait ses eaux, s’élevait un petit fort appartenant aux Comtes de Provence ; Raymond Bérenger, l’un de ces comtes, le vendit à Guillaume de Porcelet, qui le vendit lui-même à l’archevêque et à son chapitre en 1190, avec les clefs des églises Sainte-Marie et Saint André, qu’il détenait depuis longtemps sous prétexte qu’il avait acquis le château de la Cape avec tout ses droits du comté de Provence.
Par ce moyen, l’archevêque d’Arles, Imbert d’Eyguières, leva l’interdit sous lequel étaient les dites églises. Cette branche s’appelait aussi Rhône de Saint-Ferréol ; elle fut fermée par décision du conseil du 14 novembre 1440. Un pont de bateau permettait qu’on la traversât ; les Porcelet avaient droit de péage, droit que la république d’Arles délibéra d’acheter (art 154 et 155 des statuts)

La première tour que nous voyons ensuite est la tour de Mondony, elle était possédée en 1450 par Isnard d’Eyguières ; un peu plus bas, à une lieu environ, se trouvait la tour de Mourrefrech ou Mennefrech, auprès de ces deux tours et sur la même branche se trouvait la tour Blanque, et enfin, au point terminus, la tour de Méjanes (1)
Il y avait donc un pont ou un bac en face du château qui appartint, en 1446, à la maison des Porcelet ; dans la suite, ce château passa à la maison de Piquet. De Piquet s’étant distingué pendant la peste de 1720, Louis XV érigea sa terre en marquisat pour lui et ses enfants mâles seulement.

Sur l’autre branche, que les Rhônes qui suivirent empruntèrent en grande partie, l’on voyait la tour de Fumières, qui doit être la même qui porte aujourd’hui le nom de Montmeillan. Tout près de Montmeillan se trouve un ancien château appelé Villeneuve. En 1299, Bertrand des Baux, comte d’Avelin, vendit ce château et son domaine avec sa juridiction haute, basse, mère et miste, censives et directes, le tout soumis à la majeure domination de l’archevêque d’Arles, à Noble Guillaume de Voutte pour le prix de 300 livres coronats.
En 1239, Aubert de Voutte et Hugues son fils vendirent à nouveau cette seigneurie, mais Gasbert, archevêque d’Arles, la retint par droit de prélation, et depuis cette époque les archevêques d’Arles l’ont toujours possédée jusqu’à la révolution.

Branche du Fort de Pâques

Cette branche dont on ne peut fixer exactement la date d’ouverture, commençait à l’endroit où est bâtie la martellière de la Petite Monlong, dont elle suivait a peu près le cours.
Le Fort de Pâques, ainsi nommé parce qu’il fut commencé en toute hâte la veille du jour de Pâques, le 17 avril 1593, fut bâti sur le domaine de Montraveau, appartenant au capitaine Icard. Le premier capitaine qui le commanda fut Marc Gallon, troisième consul, qui, par son énergie et son action, avait puissamment contribué à le faire édifier ; son existence fut de courte durée, car ordre était donné de le démolir en 1596.
La première tour que nous rencontrons ensuite est la Tour d’Amphoux. Jusqu’au 15e siècle, elle servit de poste d’observation et de défense contre les pirates ; mais, abandonnée par suite de changement du cours du Rhône, elle servit alors pour les guerres de religion.

Branches de Bouïc et d’Ulmet
Les bas-fonds que l’on voit dans le domaine de Beaujeu ( autrefois Bouïc), de Cabanne-Pontévès et autres environnant, annoncent incontestablement que les eaux du Rhône s’ouvrirent, au nord du premier de ces domaines, un branche qui allait porter ses eaux à la mer par deux routes différents.
La première division de cette branche s’opérait sur le domaine de Cabanne et dirigeait son cours de l’est au sud, passant tout près de Villeneuve ; et, après avoir emprunté une des branches de la Cape, allait se déverser dans la mer au sud de Méjanes.
La seconde division dirigeait son cours du nord à l’ouest, elle fût appelée Rhône d’Ulmet ; les eaux de celle-ci, après avoir passé dans l’endroit ou furent, dans la suite, construite les tours du Brau et de Vazel, allaient se jeter dans la mer à environ tris quart de lieus à l’ouest de Fiélouse et a peu de distance des Salins de Badon. C’est sur cette branche d’Ulmet que la ville fit construire la tour du Brau, qui appartint au chapitre d’Arles, et la tour de Vazel, éloignées l’une de l’autre d’environ 600 mètres (300 toises). On ne peut préciser la date à laquelle cette branche s’est ouverte et fermée ; mais, d’après les titres anciens où il en est question, on voit quelle existait au commencement du XIIIe siècle et était encore navigable au milieu du 15e siècle.

Branche de Manusclat ou du Gazau
Cette branche est l’une des plus anciennes sinon la plus ancienne ; l’embouchure du Rhône dont parle Ammien Marcellin, appelée « l’ostium Massiliaticum », était sur le domaine de la Tour du Valat ou aux environs proche. Le Rhône de Manusclat a cru, c’est a peut près certain, deux branches dont la principale prenait source à peu de distance et au nord du domaine du Gazau. Elle coulait du nord au sud ouest , en traversant les domaines de Tourtoulen, de Verdier, d’Avignon, de Peinet, de Manusclat et allait se jeter dans la mer par l’étang de Paulet qui était jadis une embouchure du fleuve et qu’on appelait auparavant la mer de Lofac et ensuite l’étang d’Alfa.

La seconde branche se séparait de la première au-dessous du domaine de Verdier ; elle coulait du nord au sud en traversant le domaine de Messens, appelé aujourd’hui Tour du Valat, et se jetait dans la mer près de l’Abbaye d’Ulmet.
La première de ces branches forma les terrains situés dans le quartier de Fumemorte et une partie du Plan du Bourg, (époque ou le Rhône n’était pas dans son lit actuel) c’est-à-dire les domaines de la tour du Valat, de Manusclat, de Bois-Verdun, d’Auphan, de Peaudure, de Griffeuille, de Chartrouse, et de Jacquine ; dans le Plan du Bourg les domaines de Petit Peloux, de Saint Bertrand, de la Grand Ponche, de la Bélugue, de Faraman, de Paulet, des Crottes, la seconde branche formant les terrains de Badon et de la Vignole.
Sur chacune de ces branches, la ville fit construire un petit fort ; sur la branche qui coulait du nord au sud était la Tour du Vallat, situé à 600 mètres environ de la maison d’habitation, dans un herbage appelé la Tourasse (2) M.Fassin fait dériver ce nom de Valat du nom de son propriétaire consigné dans son testament du mois de juillet 1202, Abo du Vallat lègue a son neveu Ugon tout ce qu’il possède à Messens en partant pour la terre sainte.
Sur la branche qui coulait à l’ouest était la tour de Manusclat. Vers le milieu du XVe siècle, dit l’historien Anibert « la tour servant de phare et de défense à l’entrée de la rivière était sur le terrain de Manusclat en Camargue, lequel, considéré sous ses dimensions les plus vastes, lorsqu’il embrassait tous les domaines qui furent ensuite appelés Fumemorte, ne pouvait s’étendre à guère plus de six lieux d’Arles ».
Cette tour fut démolie en 1469 (3). Bientôt les eaux ayant cessé de couler dans les branches que nous venons de décrire, il se forma des ilots de sable qui, grandissant de plus en plus , rejetèrent les eaux sur la rive gauche du Rhône et formèrent par la suite les domaine du Grand Paty et du Petit Paty.

Branche dite du Bras de Fer

En 1587, une crue formidable du Rhône changea complètement la direction des eaux. La branche de Passon ou de Bras Mort, fut totalement délaissée. Le Rhône se créa un nouveau lit se dirigeant de l’est vers l’ouest qu’on appela Bras de Fer qui, au XVIe siècle, servait à limiter ou diviser certains domaines situés dans la région. Le changement subit du lit principal du fleuve amenait la désaffection de la Tour du Boulouard et en réclamait une autre a sa place. La ville fit une demande à Louis XIV, qui l’agréa, et on décida de construire la Tour du Tampan. Le 3 septembre de l’année 1607, les consuls passèrent un contrat avec Juran Barthélémy, maître maçon, pour la construction de cette tour à raison de 25 livres la canne carrée, elle avait 224 cannes carrées, 4 pas 114 ; elle couta 5116 livres et 8 sols ; elle fit terminée en 1614. Soit pour en rendre l’accès plus difficile, soit par économie, le maçon ne construisit point d’escalier extérieur pour y pénétrer ; or, comme la porte d’entrée était assez élevée au dessus du sol, il fallait se servir d’une échelle pour y accéder.
On entreprit donc, en 1616, la construction d’un escalier ; on y ajouta un four et on fit une séparation dans la chambre du capitaine, ce qui occasionna une dépense supplémentaire de 571 livres18sols et 7 gros. Le premier capitaine en fut un nommé Taulamesse. Mais les atterrissements considérables qui se firent sur les plages de la mer rendirent bientôt cette tour inutile et, en 1655, le conseil municipal demanda à Louis XIV l’autorisation de construire une nouvelle tour de 2580 toises. Ce fut la Tour de St Genest. Le prix fait en bloc de la construction de cette tour fut de 5680 livres ; mais, le 14 février 1689, il fut accordé aux ouvriers, pour l’augmentation d’ouvrages, 2286 livres 6 sols, ce qui fait que la tour coûta 7966 livres 6 sols, Celle du Tampan avait couté 6188 livres. En 1659, époque ou la tour St Genest fut achevée, la ville vendit à François Duport, propriétaire de la Vignole, la Tour du Tampan, et 6 sétérées autour, moyennant la somme de 3000 livres. La Tour du Tampan (aujourd’hui Tourvieille) émerge encore presque intacte et heureusement restaurée par son propriétaire, le marquis d’Aulan, qui habite et en fait le centre d’une belle et vaste exploitation agricole. Quand a la Tour de St Genest, devenue inutile par suite d’un nouveau changement du lit du fleuve, elle fut démolie sur la fin du XVIIIe siècle et les matériaux ont servi à édifier les bâtiments de ferme qui entourent Tourvieille. C’est la dernière tour que nous trouvons en Camargue sur la rive droite du Rhône ; elle fut remplacée pat la Tour St Louis qui fut, elle aussi, la dernière en date de construction et dont nous aurons l’occasion de parler lors de prochains chapitres.

Chapitre IV Rive gauche
La première tour que nous rencontrons sur cette rive du Rhône est la tour d’Allein située sur la propriété du même nom, située à environ une lieu d’Arles, on ne sais pas trop à quelle date elle a été construite, ce qui est sur c’est qu’un Reynaud d’Allein fut premier consul d’Arles en 1182.

Deux kilomètres plus bas se trouve la tour de Flory ou de Mollégès, construite sur un terrain que possédait Hugues Flory, consul de la ville d’arles en 1208. ce domaine, ainsi que la tour passèrent dans les mains de Châteauneuf-Mollégès le 20 janvier 1519 et la tour quitta le nom de Flory pour prendre celui de Mollégès.

En descendant toujours le Rhône à une lieu et demi plus bas que la précédente, était la tour dite de Fieux ou de Champtercier, bâtie sur un domaine appartenant à Reynaud de Porcellet. Alasacie sa veuve fit, en 1267, hommage de ce domaine et de la tour à l’archevêque. En 1454, ledit domaine devint la propriété de Nicolas de saint Martin. Un de ces descendants, Jean de Saint Martin, seigneur de Champtercier, au diocèse de Digne, donna ce nom de Champtercier au domaine et a la tour. Cette tour fut démolie en 1787. Elle avait 3 étages, les deux premiers étaient voutés.

Viennent ensuite la tour de Racesia ou de Parade et la tour Romieux ou Miève. La première était construite sur le domaine de la Porcelette, propriété de Guillaume de Porcellet, seigneur de Fos, dont le tènement de Parade n’est qu’un démenbrement .
La seconde, bâtie probablement vers le milieu du XIIIe siècle 1267,, se trouve a une lieue à l’est de la tour du Boulouard

Branche de Passon
La rive gauche du Rhône à presque toujours conservé les mêmes sinuosités, surtout dans la partie amont ; le fleuve, dans ses caprices semble avoir respecté les terrains qui la bordent. La pente naturelle du sol ; qui certainement est du coté de la Camargue, et la constitution même du terrain de la Crau, de formation, plus ancienne et plus résistante que les alluvions du Rhône, explique ce fait. Nous n’avons guerre de ce côté du fleuve que les Rhônes de Bras mort et de Passon, qui se confondent presque. C’est sur ce Rhône de Passon, que fut construite, en 1472, la tour du Boulouard ou du Boulevard, pour se défendre des incursions des Arigonais. Par lettres patentes du 16 juin 1470, le Roi René autorisa la construction de cette tour qui fut terminée en 1476. A peine achevée, de nombreux compétiteurs briguèrent le poste de capitaine. Par son aspect, par sa position, par l’importance et les profits que pouvait en retirer celui qui la commandait, cette tour se plaçait au premier rang. Une garnison de 30 hommes y était attribuée. Le premier capitaine nommé par le roi René fut Bertrand du Prat, mais cette nomination souleva les réclamations des Arlésiens qui, eux aussi, briguaient ce poste. La ville d’Arles députa Jean de Bastonis et Simon de Grille pour faire réformer la domination de Bertrand de Prat ; elle obtint gain de cause et le conseil municipal, assemblé le 29 septembre 1477, délibéra que, dorénavant, la charge de capitaine serait donnée, une année non l’autre, à un bourgeois sortant du consulat, afin de les indemniser des dépenses que cette charge occasionnait à ceux qui la remplissaient. Le premier nommé fut Jean de Saint Martin, le 8 septembre 1478, qui fut remplacé par Louis Meyran, bourgeois. Un capitaine prévaricateur, qui occupa ce poste, a laissé un nom dans l’histoire d’Arles : ce fut Huane Guigonet, qui fut destitué de sa charge à cause de ses malversations et dont le portrait fut peint sur la cheminée de la salle des délibérations du conseil municipal avec une inscription infamante au-dessous.
Cette tour s’appelait aussi Tour du Lion à cause des armes de la ville d’Arles, qui étaient gravée sur la porte d’entrée.

Le Rhône ayant changé son cours pour former le bras de fer, cette tour devenue inutile fut démolie en 1642, les matériaux servirent à édifier les mas environnants tels que l’Eysselle, le mas des Crottes entre-autre.
Il ne nous reste plus pour terminer cette étude qu’à parler de la Tour Saint Louis construite après l’immense inondation de 1711, celle qui bouleversa tout, et qui donna la forme du cours que nous connaissons à ce jour, où le Rhône abandonnant le Bras de Fer se creusa le lit actuel.
En 1706, les fermiers des gabelles du Roi ayant fait creuser un canal, dit canal des Launes, pour porter les eaux du Rhône dans les étangs salés qui se trouvaient au sud et à l’ouest du domaine de l’Eysselle, afin de détruire le sel naturel qui se formait dans les dits étangs, construisirent une écluse sur le bord du fleuve à un kilomètre et demi de l’église champêtre de Saint Trophime, aujourd’hui en ruine, . la crue extraordinaire de 1711 fit rompre cette écluse, dès lors, les eaux se creusèrent un nouveau lit perpendiculaire du nord à l’ouest qui fut tout de suite considéré comme plus favorable à la navigation. Nouveau changement de lit, nouvelle construction de tour ; Louis XV, par un arrêt du conseil d’Etat du 25 septembre 1735, en autorisa la construction, elle ne fut commencée que deux ans plus tard, le 17 septembre 1737, pour être terminée le 31 mai 1741. Mr de Vacquières, subdélégué de Monsieur l’intendant, et Mr Senès, ingénieur en chef, avaient passé, le 14 mai 1737, le contrat pour la construction de la tour avec Guillaume Pillier, Richard Peyre et Gaspard Bounet, maîtres maçons, moyennant la somme en bloc de 13000 livres. En 1707, la mer mouillait le local où s’érige aujourd’hui la Tour Saint Louis. Elle en est éloignée, actuellement de 7 à 8 kilomètres.
La Tour Saint Louis existe encore de nos jours en parfait état ; mais, seul, le bâtiment principal subsiste, à moitié enfoui sous les alluvions du Rhône. Elle à donné son nom à une ville maritime naissante, qui est le trait d’union entre la navigation maritime et fluviale rhodanienne. Cette ville a pris le nom définitif de Port Saint Louis du Rhône, en abrégé PSL.