Coup de barrière de Loustic dans les arènes de Châteaurenard.


Beaucoup de gens ne se représentent les bœufs, les taureaux et les vaches, en un mot les bovidés, qu’en train de tirer un soc ou de ruminer calmement, plantés immobiles au beau milieu d’une verte prairie et regardant passer les trains d’un œil indifférent.

Ces masses imposantes et statiques n’ont rien de commun avec notre taureau de Camargue.
Le profane imagine difficilement la nervosité, la combativité, la rapidité de la bête noire du Vaccarès, car de bête elle n’a que le nom.

Il faut l’avoir vu une fois au moins évoluer lors d’une course à la cocarde pour comprendre et admirer ses dispositions physiques. Ses qualités naturelles dépassent largement ce que l’on pense en général de cet animal intelligent.
Nous aurons l’occasion de revenir sur les qualités intrinsèques du cocardier qui se produit en piste.

Aujourd’hui, nous vous parlerons du « coup de barrière » et de son évolution.

Si le cocardier, emporté par son élan, par sa vitesse, par son ardeur dans le combat, à la poursuite de son adversaire, engage le poitrail au-dessus des bois, et dans ce même élan pousse d’un coup de tête le raseteur dans le couloir de la contre-piste, cette action se nomme le « coup de barrière ».

Observez attentivement un cocardier pendant une de ces actions. Vous serez surpris de son comportement.
Certains de ces rois de Camargue, qui se jugent trop petits par rapport à la hauteur totale des barricades, comme l’homme, savent se servir du marchepied pour se surélever aux planches.
Avant de rentrer dans les détails techniques, pour mieux comprendre, imaginons un exemple :

Par un bel après-midi de juillet, il fait chaud, très lourd même.
La course bat son plein.
Des milliers de regards sont braqués sur le 4e cocardier qui vient de faire son entrée en piste : on chuchote sur les gradins, le « suspense » plane...

Une question se pose. Qui l’attaquera ? Quel est le raseteur qui osera ?
Loustic.
Chaque (afeciouna) sait qu’il va assister à une des plus belle phases de l’après-midi car le cocardier qui se produit en piste a la réputation de ne pas être un tendre.
Tout à coup le fauve s’arrête, une lueur de fierté dans les yeux.
Il lève la tête et semble provoquer le défi, puis devant l’hésitation des hommes se met à gratter le sol, en soufflant dans la poussière. Tel un chef d’orchestre, un tourneur s’avance les bras au ciel, et l’interpelle.
Après ce magnifique cite, une tenue blanche s’engage. La charge du taureau ne se fait pas attendre. Comme s’il devenait la trajectoire de la course de l’homme, la bête fonce, l’enfermée se confirme, longue et palpitante...
A présent le cocardier tient l’homme dans sa fuite presque au bout de la corne, le contact est éminent ; une traînée poussiéreuse nous indique qu’ils viennent d’arriver aux bois.
Dans la même seconde, le fauve se contracte, pose les sabots de ses pattes antérieures sur le marchepied, puis se détend, les planches craquent et avant même que l’homme ait pris son élan pour sauter, il cueille le raseteur dans le berceau de ses cornes et d’un coup de frontal d’une force inouïe projette sa victime à une hauteur incroyable dans la contre-piste. La panique se propage dans le couloir, les spectateurs qui s’y trouvent s’enfuient ; la foule se dresse, une émotion indescriptible règne sur les gradins.

Pendant quelques secondes on observera un calme froid parmi les autres raseteurs tandis que le cocardier retournera tranquillement se replacer pour attendre le prochain défi.