Tout le monde connaît l’histoire de Sainte Blandine attachée dans l’arène et en proie aux assauts d’un taureau. Les Romains, qui ont implanté leurs arènes dans notre région, alliaient curieusement la barbarie et le raffinement.

Il ne semble pas que le taureau ait été pour eux le partenaire d’un jeu, si l’on exclut de ce dernier mot l’idée essentielle de lutte et de conflit.

Pour notre propos, trois points sont à considérer en ce qui concerne ce temps.

  • Il y a d’abord la chasse et la capture du taureau pour les sacrifices rituels, avant que l’on use, pour ces cérémonies, d’animaux domestiqués. Le terme latin venatio qui signifie chasse, et qui était quasiment synonyme de tauromachie, définit parfaitement cet aspect.
  • Le second point concerne le côté sacrificiel et symbolique ; il serait fastidieux de l’aborder ici.
  • Enfin, dans l’arène et devant un large public, l’affrontement du taureau et du bestiaire reste la forme initiale de la tauromachie telle qu’elle se pratique aujourd’hui, que ce soit dans le registre de la Course Camarguaise ou sous d’autres formes : corrida, course landaise...

    Ferrade et légende...

    Qui n’a pas fait le parallèle entre la partie de la ferrade assumée par les piétons et l’attente courageuse du forcado portugais ?

Bien avant notre ère, des artistes ont reproduit les mêmes scènes. Des jeunes gens montés sur des chevaux de petite taille y poursuivent des taureaux morphologiquement proches de notre biòu camarguais. L’un d’eux saute de sa monture sur le bovidé en s’agrippant à ses cornes. Un autre maîtrise un taureau déjà à terre...

De tous les actes tauromachiques, la ferrade est sans doute celui qui reste de nos jours le plus proche de son déroulement initial.

Elle paraît être aussi le trait d’union entre les diverses formes de tauromachie. Dans les arènes romaines, certains bestiaires combattaient le taureau à cheval et, outre les vils professionnels, de jeunes patriciens prenaient part à cet exercice. Cela peut accréditer la thèse d’une origine romaine de l’actuelle corrida.

Mais revenons à la ferrade et à la terre camarguaise.

Pour cela nous évoquerons une légende vieille de plus de 1000 ans. Lorsque Charlemagne voulut protéger des razzias sarrasines la côte entre l’embouchure du Rhône et Maguelone, il envisagea la construction d’une tour proche de l’abbaye de Psalmody. L’architecte de cet édifice était étranger au pays et en découvrait avec étonnement les habitants, leur vie et leurs coutumes. Il s’émerveillait surtout de voir les cavaliers du voisinage poursuivre les petits taureaux noirs qui vivaient en liberté dans les marais. Ces gardians avant la lettre se servaient d’une longue perche de bois ferrée à son extrémité pour soumettre l’animal lors de la rencontre. Ce fut, parait-il, à cause de cette façon de "mater au fer" les taureaux que l’architecte baptisa sa tour "Matafère".

Les légendes ne sont pas des preuves, mais elles ont souvent des faits véridiques pour origine. Lorsque les documents nous manquent, elles nous servent de repères. Mais d’autres indices accréditent aussi la continuité de la ferrade au long du temps ; principalement le fait que le taureau camarguais ait été utilisé - malgré son indocilité et un dressage pour le moins aléatoire ! - à des travaux de labour. Nous verrons cela très bientôt ...