1928 : Les Engagements (2/2)
Un article de 1928 soumis à votre réflexion, suite...
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"Il y a trois ans je revenais d’une ferrade chez Mme Viret, je m’arrêtais chez Laplanche, l’ancien raseteur, afin de boire un coup et causer un peu taureaux avec lui.
Après avoir parlé taureaux et raseteurs actuels, Laplanche me dit :
" Si de mon temps, il y avait eu aux cocardes l’argent qu’il y a aujourd’hui, ce n’est pas ce petit bistrot que j’aurais acheté, je serais propriétaire d’un des plus grands établissements de la région"
"Il y a quinze jours, à Beaucaire, Raimbaud qui n’a jamais été un as, et Navarrito, qui a eu son heure de popularité, s’avancèrent vers moi à la barricade et me dire à peu près ceci :
« Aujourd’hui les raseteurs sont payés mieux que des ministres ils ne foutent rien et on les engage.
Nous, nous rasetions les cocardiers pour 100 ou 150 francs, et le public, bien plus exigeant trouvait toujours que nous n’en faisions pas assez »
Cela est vrai.
Ces hommes qui rasetaient le Sanglier en 1921, 1922 ou 1923 pour 400 ou 500 francs étaient toujours houspillés par les aficionados, tandis que maintenant les sifflets vont presque toujours au taureau, ce qui est un non-sens.
En une semaine, certains raseteurs actuels gagnent autant que les hommes d’il y a 10 ans en une année.
Et malgré cela, le public était autrefois plus exigeant qu’aujourd’hui.
Je ne sais pas si beaucoup de gens se rendent compte des sommes formidables offertes aux raseteurs en ce moment.
Dans la seule semaine du 12 au 19 Août, il y a eu dans la région plus de 30.000 francs de cocardes annoncées sur les affiches.
Avec les primes et les surprimes on peut bien dire sans crainte de s’y tromper, qu’il y a eu près de 50.000 francs sur les têtes des taureaux en une semaine.
C’est tout simplement extraordinaire ; je suis bien sur que certains raseteurs gagnent en 15 jours autant qu’un cantonnier en une année ; le métier à encore du bon, du très bon même.
Malheureusement il y a le revers de la médaille et aujourd’hui, les raseteurs ne veulent pas travailler pour rien.
"Rien" signifie pour eux 100 voire 150 francs.
Bien entendu il y a toujours les hommes de deuxième catégorie qui travaillent ce bétail, mais s’il sort un taureau un peu plus dur pour 300 francs de cocardes, les raseteurs ne bougent pas et attendent patiemment les surprimes.
Nous avons déjà dit ce que nous pensions des surprimes et à notre avis, bien peu de taureaux méritent cet honneur. Seulement, le public crie, s’en prend au président, fait du chahut jusqu’au moment où les clarines [1] sonnent pour annoncer 100 francs de plus, ce qui n’est pas toujours suffisant pour décider ces messieurs.
Et bien là il y a quelque chose à faire et il nous semble que ce n’est pas trop compliqué. L’erreur initiale, à notre avis, c’est de continuer… que Le Sanglier sort toujours avec les traditionnels 1.500 francs de primes, qu’il méritait largement il y a 3 ou 4 ans.
Vous comprenez bien que les raseteurs qui, aujourd’hui n’aiment pas trop s’exposer ne passent plus devant les taureaux ayant une réputation qu’ils savent bien justifiée, pour des sommes nettement inférieures.
Proportion tenue, de la forte prime, de celui qu’on ne remplacera pas de sitôt Le Sanglier.
Il faut donc équilibrer les primes, il ne faut plus que dans une course, on voit de bons taureaux défendre 100 francs de cocardes, et d’autres avoir plus de 1.000 francs.
À ce sujet, les programme des fêtes d’Eyragues nous parait très bien fait.
Il y a un bon lot de taureaux et les primes sont très bien réparties. Malheureusement aux mêmes dates il y a les courses de Maillane et nous craignons que les deux petits villages se fassent concurrence.
Nous reviendrons, au cours de l’hiver, sur cette très grave question des primes aux cocardes, mais nous avons voulu d’ores et déjà indiquer ce qui à notre avis est la cause de mauvaises courses de cocardiers réputés et vraiment en grande forme."
[1] La clarine est une petite trompette du XVIIIe siècle.
Messages
1. 1928 : Les Engagements (2/2), 16 octobre 2020, 06:20, par Sacripan
Ce que dit Laplanche il a raison sur les sommes gagnées .
Dans les année soixante, et c’est un razeteur qui me l’a dit lui-même, chaque fin de saison il aurais pu s’acheter un mas en Camargue .
Cela pour dire ce que certains, du haut du tableau, pouvaient gagner.
1. 1928 : Les Engagements (2/2), 16 octobre 2020, 09:45, par Salva
Pour moi un fait est certain : c’est que les hommes en blanc n’ont rien volé et que les sommes reçues ils les ont gagnées.
Qu’ils les aient méritées ou pas, c’est un autre sujet.
Mais l’intérêt - pour moi - de cet article qui est daté de 1928 et qui relate des faits qui existaient déjà, c’est de dater la pratique des engagements.
Quand on interroge d’anciens afeciouna ils ont doctement tendance à dire :
"Les engagements ? ça date de Chomel."
Que nenni !
Nous savons désormais que la pratique est bien plus ancienne et qu’ils sont nés avec les premiers rasets et les premiers spectacles.
C’est ce que nous confirme un "Ancien Razeteur", Jean BALSALOBRE de Mauguio dans une vidéo sur le site des Anciens Razeteurs.
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— Jean BALSALOBRE *